La police sri-lankaise attaque un rassemblement marquant le début du soulèvement populaire de l’an dernier

La police sri-lankaise a arrêté trois personnes et lancé une attaque violente contre une manifestation organisée le 31  mars pour marquer le premier anniversaire des manifestations anti-gouvernementales qui ont commencé devant la maison de l’ancien président Gotabhaya Rajapakse à Mirihana et ont conduit au mouvement de masse qui l’a forcé à démissionner.

Les forces de sécurité se sont rassemblées près du campus de Colombo le 7  mars 2023, en réponse à une manifestation d’étudiants contre l’austérité et l’attaque des droits démocratiques par le gouvernement.

Le personnel de sécurité, dont 3.000  policiers, a été déployé dans la zone bien avant la manifestation. La police a attaqué les manifestants, tenté de s’emparer de leurs pancartes et les ont forcés à se diriger vers la ville voisine de Nugegoda.

La police a agressé physiquement et déchiré la chemise du journaliste Shantha Wijesuriya alors qu'il photographiait les violences policières. Vindana Prasad Karunaratne, journaliste de Sirasa TV, a également été menacé par la police.

Anuruddha Bandara, Sudara Jayasinghe et Dhanish Ali, figures de proue des manifestations de Galle Face Green l'année dernière, ont été arrêtés mais relâchés plus tard dans la nuit à condition qu'ils n'intentent aucune action en justice contre la police.

Après que la police a chassé la foule, les manifestants se sont rassemblés au carrefour de Nugegoda, portant des pancartes et scandant des slogans tels que «Ne reportez pas les élections» et «Ne touchez pas aux droits du peuple».

Malgré l’opposition de principe du Parti de l’égalité socialiste à la politique pro-capitaliste des organisateurs de la manifestation, nous condamnons fermement l’agression violente ordonnée par le gouvernement. Le gouvernement Wickremesinghe tente de supprimer toute opposition populaire à sa politique d’austérité dictée par le Fonds monétaire international.

Il y a un an, le 31 mars, le président Rajapakse avait ordonné une violente attaque de la police contre une manifestation dans la même zone. Le soulèvement de masse exigeant la démission de Rajapakse et de son gouvernement a éclaté et s'est propagé dans tout le pays à la suite de cette attaque.

Des millions de travailleurs avaient réclamé la fin des coupures d'électricité et un approvisionnement adéquat en nourriture, médicaments, essence et autres produits de première nécessité, et avaient participé à deux grèves générales d'une journée, les 28 avril et 6 mai. Le 13 juillet, Rajapakse avait ignominieusement fui le pays avant de démissionner.

Une partie de la manifestation de Galle Face Green en 2022.

Face à ce mouvement de masse, l’élite dirigeante a confié la tâche de défendre l’État capitaliste à Ranil Wickremesinghe, larbin pro-américain notoire et homme de main du Fonds monétaire international (FMI), et l’a fait président.

Le gouvernement Wickremesinghe, en échange du prêt de sauvetage de 2,9  milliards de dollars annoncé récemment par le FMI, met actuellement en œuvre une nouvelle série d’attaques sociales. Même le FMI a qualifié ce programme d’«expérience brutale».

Cela est en train de provoquer un nouveau cycle de luttes avec les travailleurs des télécoms, du pétrole, de l’éducation, des postes, des banques, de l’électricité, des ports, de l’approvisionnement en eau et d’autres secteurs, qui ont fait grève ces dernières semaines.

Hanté par le soulèvement anti-gouvernemental de masse de 2022, le gouvernement Wickremesinghe, soutenu par la classe capitaliste, s’attaque aux droits démocratiques fondamentaux afin d’empêcher les grèves et les manifestations des travailleurs, des étudiants et d’autres couches sociales.

Violant la constitution, le gouvernement Wickremesinghe a reporté les élections municipales tout en utilisant la loi sur les services publics essentiels et en déployant l’armée contre les manifestations anti-privatisation et les grèves des travailleurs du secteur pétrolier. Le mois dernier, il a annoncé un nouveau projet de loi anti-terroriste qui, si la loi est adoptée, interdira et punira sévèrement toute personne qui proteste contre la politique gouvernementale.

Dans cette situation, il est essentiel de tirer les leçons politiques du soulèvement populaire de l'an dernier.

Les figures de proue des manifestations de Galle Face Green en 2022, qui ont détourné politiquement les travailleurs et les jeunes vers le soutien à un gouvernement bourgeois intérimaire, recommencent, cette fois pour «faire pression» sur le régime de Wickremesinghe.

Parmi les participants à la manifestation organisée le mois dernier à l’occasion du premier anniversaire de Galle Face Green il y avait Eranga Gunasekera, organisateur national de l’Union de la jeunesse socialiste, affiliée au JVP (Janatha Vimukthi Peramuna); Lahiru Weerasekera, organisateur national de Jeunesse pour le changement, dirigée par le parti pseudo-de gauche FSP (Parti socialiste Frontline) ; ainsi que Dhanish Ali et Anuruddha Bandara.

Ces formations n’ont aucune divergence fondamentale avec les mesures d’austérité imposées par le FMI. Le JVP et son organisation de front NPP (National People’s Power) tentent de conquérir le pouvoir politique en affirmant qu’ils peuvent ressusciter le capitalisme sri-lankais plus efficacement que Wickremesinghe. Le JVP et le FSP qui en a scissionné insistent pour dire que leurs «solutions» peuvent être réalisées sans remettre en cause le cadre parlementaire et le système de profit.

S’adressant à la manifestation de Nugegoda le 31  mars, après l’attaque de la police, le leader des jeunes du FSP, Lahiru Weerasekera, a déclaré avec cynisme: «Nous agissons sur la base des leçons déjà apprises en tentant de [nouvelles] expériences», et il a appelé à davantage de lutte. La perspective du FSP est de faire pression sur le gouvernement en construisant des alliances avec les syndicats et les divers partis politiques d’opposition pour former des «conseils populaires» en vue d’obtenir des concessions.

Si le FSP, le JVP et les bureaucrates syndicaux dénoncent l’accession de Wickremesinghe à la présidence, ses mesures d’austérité et son attaque des droits démocratiques, il y a une question à laquelle ils ne peuvent pas répondre.

Pourquoi, après que le mouvement de masse de la classe ouvrière eut forcé Rajapakse et son gouvernement à la démission, Wickremesinghe a-t-il pu accéder au pouvoir?

La réponse est que ces organisations ont trahi le mouvement de masse en le détournant au profit des revendications du SJB (Samagi Jana Balawegaya) et du JVP en faveur d'un régime capitaliste intérimaire.

Dès le début, le SEP (Socialist Equalitiy Party – Parti de l’égalité socialiste) au Sri Lanka s’est battu pour mobiliser la classe ouvrière de manière indépendante, comme direction des pauvres et des autres couches opprimées, sur la base d’un programme socialiste international.

Contre les illusions politiques des partis d’opposition et de la pseudo-gauche, le SEP et les Jeunes et étudiants internationaux pour l’égalité sociale ont appelé à l’abolition de la présidence exécutive et de l’appareil d’État répressif, et à la mise en place d’un gouvernement de travailleurs et de paysans acquis à une politique socialiste.

Sur la base des leçons politiques du soulèvement populaire, le SEP a appelé dans une déclaration du 20  juillet 2022 à un Congrès socialiste et démocratique des travailleurs et des masses rurales comme base d’une lutte politique contre le régime de Wickremesinghe et la classe capitaliste.

Nous avons appelé à ce que ce Congrès soit basé sur les délégués de comités d’action des travailleurs et des masses rurales, créés sur chaque lieu de travail, dans chaque domaine et village. Ces comités ne pourront lutter pour les intérêts des travailleurs et des pauvres que s’ils sont politiquement indépendants de tous les partis bourgeois et des bureaucraties syndicales.

Tirant les leçons politiques de la trahison du mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière égyptienne en 2011, la déclaration du SEP met en garde: «Elle [la classe ouvrière] ne peut pas laisser l’initiative politique lui échapper. Elle doit se détacher de tous les partis politiques de la bourgeoisie, de leur appendices pseudo-de gauche et des appareils syndicaux. Elle doit créer ses propres instruments politiques pour défendre ses intérêts de classe et lutter pour le pouvoir».

L’appel du SEP à la création de comités d’action indépendants prend aujourd’hui tout son sens. Si le pouvoir est laissé aux mains de la bourgeoisie, il n’en résultera qu’une catastrophe politique. La classe ouvrière ne peut pas lutter contre la guerre de classe menée par le gouvernement Wickremesinghe si elle reste captive des syndicats pro-capitalistes et des partis de la pseudo-gauche.

Comme le souligne la déclaration du SEP, la leçon cruciale du soulèvement de l’an dernier est la construction du SEP en tant que parti révolutionnaire de masse de la classe ouvrière et le ralliement à elle des pauvres urbains et ruraux dans la lutte contre le système de profit capitaliste.

(Article paru d’abord en anglais le 12 avril 2023)

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