Plus de 100.000 travailleurs du gouvernement fédéral en grève partout au Canada ce mercredi

Plus de 100.000 travailleurs du gouvernement fédéral pourraient débrayer mercredi si aucun accord n’est conclu entre leur syndicat, l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), et le gouvernement libéral du Premier ministre Justin Trudeau d’ici 21h (heure de l’Est) mardi.

Environ 155.000 travailleurs représentés par l’AFPC sont sans contrat depuis 2021. Des dizaines de milliers de travailleurs ne peuvent pas participer à un débrayage ou à une grève en raison d’une loi réactionnaire sur les «services essentiels».

Un sous-ensemble de travailleurs, appelé groupe du Conseil du Trésor par le syndicat et comptant 124.000 personnes réparties dans 20 ministères, a entamé les négociations contractuelles en juin 2021. Un deuxième groupe de 35.000 travailleurs de l’Agence du revenu du Canada a entamé les négociations en janvier 2022.

L’AFPC représente le plus grand groupe de travailleurs syndiqués du gouvernement fédéral. Une grève aurait de sérieuses répercussions sur un large éventail de services, notamment les recettes et la fiscalité, l’immigration et la citoyenneté, les affaires des anciens combattants et le fonctionnement des installations de Service Canada.

Les travailleurs du gouvernement fédéral sont déterminés à se battre pour obtenir des salaires plus élevés afin de contrer la crise du coût de la vie qui touche des milliards de personnes dans le monde. Parmi les autres revendications figurent une meilleure sécurité de l’emploi et l’obtention d’un régime de travail à distance pour certains travailleurs.

Les travailleurs du gouvernement sont engagés dans une lutte politique contre un gouvernement libéral qui a l’appui des syndicats et du Nouveau Parti démocratique, et pas seulement parce que le gouvernement est leur employeur. Les revendications des travailleurs représentent un défi direct au programme de guerre de classe de l’élite dirigeante, qui vise à libérer des dizaines de milliards de dollars pour permettre à l’impérialisme canadien de faire la guerre à l’étranger et de payer le renflouement massif de l’oligarchie financière pendant la pandémie du COVID-19. Ce programme est pleinement approuvé par la bureaucratie syndicale, qui est un soutien clé des libéraux de Trudeau. Le Congrès du travail du Canada, dont l’AFPC est membre, collabore étroitement avec les libéraux pro-guerre et pro-patronat depuis l’arrivée au pouvoir de Trudeau en 2015.

Pour obtenir leurs revendications, les travailleurs doivent opposer à la stratégie de classe de l’élite dirigeante un appel aux sections les plus larges de la classe ouvrière pour qu’elles les rejoignent dans la lutte. Il y a plus d’argent qu’il n’en faut pour financer des augmentations de salaire permettant de contrer l’inflation, mais cet argent doit être détourné de la folie du réarmement et des subventions accordées aux super-riches. Les grévistes doivent mobiliser le soutien non seulement des travailleurs des secteurs public et privé du Canada, mais aussi de la classe ouvrière internationale, qui mène des luttes sur des questions fondamentalement identiques. Il s’agit notamment des manifestations de millions de travailleurs et de jeunes contre la décision du président français Emmanuel Macron de relever l’âge de la retraite et des grèves massives contre les réductions d’emplois et de salaires des travailleurs britanniques des transports, de la poste et de la santé.

La classe dirigeante exige que le gouvernement Trudeau agisse de manière aussi impitoyable que ses homologues français et britanniques. Postmedia a demandé, dans des éditoriaux publiés mardi dans ses tabloïds Sun, la criminalisation immédiate de toute grève par le biais d’une législation d’urgence de retour au travail, tandis que le Globe and Mail, la voix traditionnelle de l’élite financière de Bay Street, a rejeté avec arrogance les revendications salariales des travailleurs en les qualifiant de «ridicules». L’imposition «d’augmentations salariales inférieures à l’inflation – c’est-à-dire une réduction des salaires en termes réels – était essentielle pour établir une référence pour d’autres catégories de travailleurs et comme première étape d’une nouvelle vague d’austérité visant à mettre fin à la «frénésie» de dépenses du gouvernement», a poursuivi le Globe.

Les travailleurs ont voté la grève en réponse aux propositions contractuelles du gouvernement, qui les laisseraient dans une situation bien pire qu’avant le début de la pandémie de COVID-19. Le gouvernement a d’abord proposé une «augmentation» salariale dérisoire de 8,5 % sur quatre ans, qui correspondait aux offres faites aux travailleurs provinciaux par les gouvernements de droite dure de l’Ontario et du Québec. La dernière offre n’est guère meilleure, avec une augmentation de 9 % étalée sur trois ans. Elle comprend une augmentation rétroactive de 1,5 % en 2021 et de 4,5 % en 2022, suivie d’une augmentation de 3 % cette année. Pendant ce temps, l’inflation officielle a dépassé les 8 % l’année dernière, les prix des produits de première nécessité comme la nourriture et l’énergie augmentant bien davantage.

La présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, s’exprimant au nom du gouvernement libéral soi-disant «progressiste», a qualifié son offre de «juste pour les employés et raisonnable pour les contribuables». En réalité, le gouvernement n’a manifesté pratiquement aucun intérêt pour la négociation au cours des pourparlers. Il a dénoncé à maintes reprises l’AFPC pour avoir soi-disant soulevé trop de revendications et, en réponse, il a déposé des plaintes pour « négociation déloyale». Il s’est ensuite entendu avec l’AFPC pour demander un rapport à la Commission de l’intérêt public, tout en sachant pertinemment qu’il présenterait une proposition contenant des réductions massives des salaires en termes réels. Le résultat a été la proposition d’une «augmentation» de 9 % sur trois ans.

La contre-offre du syndicat, soit une augmentation salariale de 4,5 % par année, est elle-même tout à fait insuffisante pour répondre aux besoins des travailleurs et est loin de contrer l’inflation. Après la publication du rapport PIC, qui recommandait une augmentation misérable de 9 % sur trois ans, l’AFPC a menti en déclarant qu’il offrait «un moyen d’obtenir des gains pour les travailleurs». Pour souligner son point de vue, l’AFPC a persuadé un petit groupe de 250 travailleurs de NAV Canada pour qu’ils acceptent un contrat de trois ans le mois dernier, dont les augmentations salariales se limitent à un total de neuf pour cent. Le syndicat a même eu le culot de déclarer que ce contrat ne contenait «aucune concession».

En tant que principal partisan du gouvernement Trudeau et de ses politiques, l’AFPC n’a aucune stratégie pour mener une véritable lutte pour les revendications de ses membres. L’AFPC a intentionnellement fait traîner le processus de négociation pendant deux ans en subordonnant les travailleurs au système réactionnaire de négociation collective. Elle n’a lancé aucun appel à une autre section de travailleurs pour soutenir la grève et capitulera, comme tous les autres syndicats au cours des dernières années, si le gouvernement Trudeau présente une loi de retour au travail. En effet, la bureaucratie de l’AFPC est plus soucieuse de préserver ses relations de travail étroites avec le gouvernement libéral que d’obtenir de véritables améliorations des salaires et des conditions de travail.

Pour le souligner, le président de l’AFPC, Chris Aylward, a déclaré publiquement que la bureaucratie faisait tout ce qu’elle pouvait pour éviter une grève. Pendant des mois, Aylward et l’exécutif du syndicat ont présenté les négociations contractuelles non pas comme un moyen d’obtenir des augmentations salariales visant à contrer l’inflation – ce qui devrait être le point de départ de toute négociation sérieuse – mais comme un moyen de marchander des concessions relativement mineures.

Aylward a rassuré le gouvernement que les piquets de grève qui auront lieu mercredi se tiendront à des endroits «stratégiques». Selon le chef de l’AFPC, il s’agit de minimiser l’impact sur le public. Il s’agit d’une recette pour rendre la grève aussi inefficace que possible et minimiser les pressions exercées sur Trudeau pour qu’il accède aux revendications des travailleurs.

Le signe le plus sûr qu’Aylward et la bureaucratie de l’AFPC se préparent à trahir cette importante lutte est peut-être l’éloge qu’ils ont fait du NPD social-démocrate et de son chef Jagmeet Singh pour avoir «appuyé» les travailleurs. Il faut y voir un sérieux avertissement, car l’expérience amère a montré que l’implication du NPD dans une lutte ouvrière équivaut invariablement à un baiser de la mort.

Lors d’une conférence de presse tenue lundi, Singh a affirmé que les travailleurs fédéraux «ne veulent pas faire grève». Il a poursuivi: «Ils veulent travailler, mais le gouvernement a maintenant la responsabilité de négocier un contrat équitable et de respecter ces travailleurs.» Il s’agit du même gouvernement que le NPD de Singh a contribué à maintenir au pouvoir depuis 2019 et qu’il a explicitement soutenu depuis qu’il a conclu un accord de «confiance et d’approvisionnement» avec Trudeau en mars 2022. Singh a justifié la nécessité de l’accord de 2022 parce qu’il assurerait la «stabilité politique», c’est-à-dire la «stabilité» dont la classe dirigeante a besoin pour faire payer aux travailleurs la guerre impérialiste à l’étranger et l’austérité «post-pandémique». Ce sont exactement les mêmes arguments que ceux utilisés aujourd’hui par le gouvernement libéral pour justifier les réductions de salaire en termes réels pour les travailleurs du gouvernement fédéral.

Comme l’a récemment déclaré Chrystia Freeland, ministre libérale des finances et vice-première ministre, «la vérité, c’est que nous ne pouvons pas indemniser pleinement chaque Canadien pour tous les effets de l’inflation ou pour les taux d’intérêt élevés». Ces propos ont été tenus quelques jours avant qu’il ne soit révélé que Galen Weston, l’héritier milliardaire de l’empire alimentaire Loblaws connu pour ses prix abusifs, s’est vu accorder un salaire officiel de 8,4 millions de dollars en 2022 parce que la direction estimait qu’il était «sous-payé».

Les travailleurs doivent rejeter le mantra de la classe dirigeante selon lequel il n’y a «pas d’argent» pour satisfaire leurs revendications, alors que des milliards sont gaspillés pour la guerre et les parasites super-riches. Ils doivent prendre la direction de leur grève en la retirant des mains de la bureaucratie syndicale et l’élargir aux travailleurs du secteur public dans les provinces et aux travailleurs du secteur privé dans tout le pays, qui sont tous confrontés à l’impact dévastateur de l’inflation et ont un intérêt commun à mener une lutte unifiée. Cela nécessite la formation de comités de base pour permettre aux travailleurs de sortir de l’isolement que leur impose l’AFPC, de faire appel au soutien des travailleurs à travers le Canada et à l’étranger, et de développer une lutte politique contre l’alliance libérale, néo-démocrate et syndicale qui prône l’austérité et la guerre.

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