En Angleterre, les soignants votent pour continuer les grèves mais doivent surmonter le sabotage du syndicat RCN

Le vote des membres du syndicat des soignants RCN (Royal College of Nursing) en Angleterre pour rejeter l'offre salariale dérisoire du gouvernement, inférieure à l'inflation, et poursuivre(article en anglais) leur action revendicative, est une décision courageuse.

Il est nécessaire en même temps de lancer un sérieux avertissement. Laissés aux mains de la bureaucratie du RCN, qui a recommandé d’accepter cet accord pourri, les soignants sont confrontés à une campagne d'attrition de la part de l'appareil syndical, visant à leur imposer la capitulation. La dirigeante du RCN, Pat Cullen, parle d'une éventuelle grève étalée sur six mois sans présenter aucune perspective pour remporter réellement ce conflit. Son objectif est d’user la résistance des soignants avec la perspective de grèves sporadiques, coûteuses et délibérément inefficaces.

La dirigeante du RCN, Pat Cullen, s'adressant aux médias alors qu’elle se rendait à un piquet de grève de soignants en Angleterre

Après des mois de grèves déterminées de la part des soignants et d’autres personnels de la santé, comment en sont-ils arrivés à l’actuelle situation?

Le NHS (Service national de santé) est considéré par les travailleurs comme une formidable réalisation, fournissant des soins de santé complets accessibles à tous et gratuits. Les soignants et les autres travailleurs du NHS ont fait d'énormes sacrifices pendant des décennies, surtout durant la pandémie où beaucoup ont payé de leur vie et de leur santé pour assurer le fonctionnement des services essentiels. La réponse du gouvernement conservateur fut d’organiser le coup publicitaire cynique «Applaudissons les Soignants» alors qu'il arrosait ses amis des affaires de milliards de livres, entre autre avec des contrats pour des EPI de qualité inférieure, pour dire ensuite au personnel du NHS qu'il n'y avait pas d'argent pour une hausse de salaire décente.

La grève des travailleurs de la santé est soutenue par des millions de gens, qui comprennent que sans personnel correctement rémunéré, le NHS risque de s'effondrer. Pourtant, plutôt que de mobiliser leurs membres sur la base de ce soutien massif, la lutte pour le rattrapage des salaires et la défense du NHS a pris le tournant d'une confrontation directe opposant soignants, médecins internes et autres travailleurs de la santé, et dirigeants syndicaux.

Les syndicats de la santé ont divisé les grèves par pays, par région par métier et même par centres hospitaliers, en faisant une série de grèves limitées à des jours différents, dans des endroits différents. Le nombre de travailleurs participant à des grèves dont dépend la survie du NHS a déjà été réduit par la trahison des syndicats de la santé qui ont approuvé des accords au rabais, sous l'inflation, en Écosse et au Pays de Galles, avec les gouvernements décentralisés du Parti national écossais et du Parti travailliste gallois.

À présent, cette stratégie de la division bat son plein en Angleterre. Le vote des membres du RCN en Angleterre pour rejeter la dernière offre salariale insultante a eu lieu malgré une campagne massive d'intimidation, (article en anglais) allant jusqu’aux menaces de faire intervenir la police contre ceux qui organisaient une pétition pour une assemblée générale extraordinaire afin de remplacer la direction du syndicat.

Mais le RCN a réussi à faire baisser le vote à 54 pour cent en faveur d’une poursuite de la grève et à réduire le taux de participation à 61 pour cent. Le jour même où le résultat du vote au RCN a été annoncé, Unison, le plus grand syndicat du secteur de la santé, a annoncé l'acceptation du même accord par 74 pour cent des votants.

Les syndiqués du RCN en Angleterre se retrouvent donc seuls à se battre aux côtés des internes dans une bataille salariale pour laquelle ni le RCN ni le syndicat médical British Medical Association ne proposent de moyen de gagner. Lors d’une interview avec la BBC dimanche, Pat Cullen a même catégoriquement exclu une grève coordonnée avec les médecins internes.

Dans toutes leurs déclarations, les dirigeants syndicaux, au plan national comme régional, disent aujourd'hui encore qu’un compromis est possible avec les conservateurs, peu importe combien de gifles les responsables comme le secrétaire à la Santé Steve Barclay assènent aux travailleurs du NHS. La fonction de ces « négociations » interminables, unilatérales et infructueuses n'est pas de récupérer les milliers de livres que les travailleurs de la santé ont perdus en plus d'une décennie d'austérité et d'arrangements salariaux sous l'inflation, mais de s'entendre sur la taille des baisses de salaire.

Les conservateurs ont même déclaré publiquement qu'il n'y avait rien à négocier avec les soignants, citant l'insistance de Cullen pour dire que c'était « l'offre finale » lorsqu'elle a recommandé d'accepter le dernier accord. Un porte-parole du gouvernement a répondu: « Le RCN a clairement indiqué que les pourparlers ne seront pas rouverts si les membres rejettent l'offre salariale et nous sommes d'accord. »

Le gouvernement a clairement indiqué que le seul argent qu'il comptait dépenser était destiné au renflouement des trusts et des banques, aux réductions d'impôts pour les riches et au financement de la guerre menée par l'OTAN contre la Russie en Ukraine. D'ici la fin de cette année, le gouvernement britannique aura dépensé près de 5 milliards de livres en armement pour l'Ukraine, une somme plus que suffisante pour assurer à chaque travailleur de la santé un salaire décent.

Le problème central auquel sont confrontés les soignants, les internes et tous les travailleurs de la santé est donc de régler les comptes sur le plan politique et organisationnel avec une bureaucratie syndicale qui fonctionne comme la cinquième colonne du gouvernement conservateur pour leur faire porter le fardeau de la crise capitaliste.

Le NHS FightBack (NHS Riposte) soutient pleinement la demande d'un vote de défiance et la révocation de Cullen, des membres du Conseil exécutif national ayant approuvé l'accord, et du comité de négociation du RCN. Nous dénonçons les attaques contre le groupe NHS Workers Say NO [les Travailleurs disent Non] pour y avoir appelé et exigeons que la même action soit entreprise dans tous les syndicats ayanz imposé des accords au rabais pourris à leurs membres.

Mais NHS FightBack insiste sur le fait que briser l'emprise d'une bureaucratie travaillant main dans la main avec le gouvernement conservateur et l'État et redonner le contrôle de leur sort aux travailleurs de la santé signifie mener une guerre civile dans les syndicats. Il ne suffit pas que les anciens dirigeants soient chassés. Il faut construire du neuf.

La victoire dépend de la construction d’organisations représentatives des travailleurs, de comités de la base, indépendants des structures syndicales et dirigés par les travailleurs les plus dignes de confiance.

Une campagne associant le combat des travailleurs de la santé à celui des postiers du Royal Mail, aux travailleurs du rail, et aux enseignants des universités et des lycées, liés par des comités de la base, fournirait la base d'une puissante contre-offensive pour déjouer la division de la bureaucratie syndicale et sa répression des luttes ouvrières.

Il faut avant tout s’opposer politiquement aux efforts déployés par les syndicats pour maintenir les travailleurs du Royaume-Uni isolés de leurs frères et sœurs de classe des autres pays.

Pas une seule fois, jamais, un dirigeant syndical ne parle de la lutte pour défendre le NHS autrement qu'en termes nationaux, et cela dans des conditions où des millions de travailleurs dans le monde se battent contre les mêmes baisses de salaire et la même destruction des services essentiels et des prestations sociales.

Des millions de gens sont descendus dans la rue en France pour s'opposer aux coupes dans les retraites imposées par le gouvernement Macron. Mais alors que les travailleurs adoptent allègrement le hashtag #BeMoreFrench [Soyons plus Français], la bureaucratie elle, craint que la lutte des classes ne franchisse les 32 km de la Manche.

Parmi les travailleurs du secteur public qui font grève en Allemagne il y a les soignants et d'autres membres du personnel hospitalier; en Galice, en Espagne, les médecins sont entrés grève illimitée la semaine dernière.

Des dizaines de milliers de travailleurs dans les Amériques, en Asie et en Australie ont mené des luttes acharnées pour obtenir leurs augmentations de salaire, y compris de nombreux infirmiers et travailleurs de la santé aux États-Unis(article en anglais).

Il y a deux conclusions essentielles à tirer qui guideront la riposte au NHS :

L'affirmation qu’on peut persuader les conservateurs de préserver le NHS par un peu de pression d'en bas ne tient pas la route quand on voit la campagne universelle de la classe dirigeante pour faire payer à la classe ouvrière les milliards remis aux grandes entreprises durant la pandémie, l'inflation galopante qui décime le niveau de vie et l'escalade du militarisme et de la guerre. La lutte doit être une lutte pour faire tomber le gouvernement à travers une grève générale.

Dans la lutte contre cette offensive de la classe dirigeante, les alliés des travailleurs au Royaume-Uni sont leurs frères et sœurs de classe en Europe et dans le monde. En unifiant son combat, la classe ouvrière internationale deviendra une force imparable.

NHS FightBack apportera toute l’aide nécessaire dans cette lutte. Contactez-nous dès maintenant.

(Article paru en anglais le 18 avril 2023)

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