Biden intensifie ses attaques contre les demandeurs d’asile à la veille de l’expiration du Titre 42

Jeudi, le gouvernement Biden a annoncé des changements dans les règles d’immigration qui intensifient considérablement l’attaque contre les droits des migrants qui cherchent à entrer aux États-Unis par la frontière sud.

Ces changements, préparés à la veille de l’expiration le 11 mai des règles du Titre 42 mises en place en 2020 par le gouvernement Trump et maintenues par Biden pour procéder à des déportations massives, impliquent de qualifier presque tous les migrants qui traversent la frontière d’«illégaux» expulsables vers le Mexique ou leur pays d’origine.

L’une des pièces maîtresses de cette politique est la création de «centres de traitement régionaux» dans les pays d’Amérique latine, où les fonctionnaires de l’immigration tenteront d’empêcher les migrants d’entamer leur voyage vers les États-Unis en les déclarant inéligibles à l’asile.

Des officiers fédéraux enlèvent les menottes avant de relâcher des hommes à travers une porte dans un mur frontalier à Tijuana, au Mexique, le mercredi 15 mars 2023, à San Diego. [AP Photo/Gregory Bull]

En outre, le plan de la Maison-Blanche prévoit que les personnes qui tenteront de franchir la frontière américaine et de demander l’asile, sans avoir au préalable déposé une demande dans un autre pays, seront immédiatement expulsées sans pouvoir bénéficier d’une audition en bonne et due forme.

Lors d’une conférence de presse conjointe au département d’État, le secrétaire d’État Antony Blinken et le directeur de la Sécurité Intérieure Alejandro Mayorkas ont expliqué que ces mesures ont été prises pour endiguer l’afflux de migrants à la frontière sud lorsque le Titre 42 sera levé dans deux semaines.

Les règles du Titre 42 ont permis au gouvernement américain d’expulser des centaines de milliers de migrants au motif qu’ils représentaient un risque pour la santé publique pendant la pandémie de coronavirus. Cette politique xénophobe a été mise en place en mars 2020 par le président Trump, alors que son gouvernement niait en même temps que le COVID-19 représentait une quelconque menace sur le territoire américain.

Dans ses remarques de jeudi, Mayorkas a clairement indiqué que la nouvelle politique est une extension et une intensification du programme anti-immigrant de Trump. Il a déclaré: «À partir du 12 mai, nous placerons les individus éligibles qui arrivent à notre frontière sud dans une procédure d’expulsion accélérée».

Mayorkas a poursuivi en expliquant que les nouvelles règles seront plus sévères et que les migrants seront interdits de séjour pendant cinq ans et poursuivis en justice pour avoir tenté d’entrer aux États-Unis. «Contrairement à l’autorité de santé publique du Titre 42», a-t-il déclaré, «la peine encourue en cas d’expulsion des États-Unis en vertu du Titre 8 par le biais d’une procédure d’expulsion accélérée et d’autres lois sur l’immigration que nous mettrons en œuvre n’est pas seulement l’expulsion. Une personne expulsée est soumise à une interdiction d’admission aux États-Unis pendant au moins cinq ans et peut faire l’objet de poursuites pénales pour toute tentative ultérieure de franchir illégalement la frontière».

Mayorkas a déclaré que des technologies de pointe et de plus vastes installations seront utilisées pour procéder rapidement aux expulsions et renvoyer les migrants dans leur pays d’origine. Il a hypocritement tenté de prétendre que le gouvernement Biden était sensible au sort des migrants qui vivent l’expérience traumatisante du voyage vers les États-Unis et qui sont souvent exploités par les passeurs.

Le programme de centres de traitement débutera d’abord en Colombie et au Guatemala, avant d’être étendu à d’autres pays avec lesquels les États-Unis entretiennent des relations diplomatiques. Le personnel de ces centres sera composé d’organisations internationales partenaires du gouvernement Biden. Mayorkas a indiqué que les personnes qui souhaitent entrer aux États-Unis doivent prendre rendez-vous dans ces centres.

Les migrants originaires du Venezuela, de Cuba, d’Haïti et du Nicaragua – des pays vers lesquels les États-Unis ne peuvent pas ou ne veulent pas expulser directement – seront renvoyés au Mexique en vertu d’un accord conclu avec le gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador.

Bien que Mayorkas ait déclaré que les autorités frontalières américaines n’avaient «pas l’intention de détenir des familles» à la frontière, on sait que le gouvernement Biden avait envisagé de relancer le programme utilisé par la Maison-Blanche de Trump.

Pour sa part, le secrétaire d’État Blinken a mis l’accent sur les considérations globales qui sous-tendent les nouvelles politiques. Il a déclaré qu’il était important de «prendre du recul» et d’examiner le fait qu’«il y a plus de 100 millions de personnes en mouvement aujourd’hui, obligées de quitter leur foyer à la recherche de sécurité et d’une vie meilleure».

Blinken a parlé des «facteurs à long terme» de la crise des migrants, expliquant que «la violence, la corruption, le manque d’opportunités économiques continuent de pousser les gens à quitter leur foyer: des problèmes qui ont été exacerbés par la pandémie, les crises de gouvernance et les événements météorologiques extrêmes causés par le changement climatique».

Bien sûr, Blinken n’a pas noté que les facteurs qu’il a cités sont le résultat des politiques de l’impérialisme américain et des gouvernements démocrates et républicains qui se sont succédé pendant de nombreuses décennies. Le pillage de «l’arrière-cour de l’Amérique», la politique d’immunité collective pour le COVID et le refus et l’incapacité de s’attaquer au changement climatique sont tous directement liés à la campagne de domination mondiale du grand patronat et des intérêts financiers américains.

La plupart des médias bourgeois s’efforcent de soutenir les affirmations du gouvernement Biden que les nouvelles règles d’immigration visent à augmenter de manière significative les admissions dans les programmes de réinstallation des réfugiés et d’autres «voies d’accès à la résidence aux États-Unis». Cependant, la Maison-Blanche n’a fourni aucun détail à ce sujet et s’est plutôt concentrée sur le fonctionnement du programme d’expulsion.

L’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) s’est engagée à intenter une action en justice contre l’interdiction d’asile imposée aux migrants qui franchissent la frontière méridionale. Lee Gelernt, directeur adjoint du projet sur les droits des immigrés de l’ACLU et avocat principal dans les procès liés au Titre 42, a déclaré à Politico: «Nous avons réussi à faire cesser les interdictions d’asile de Trump et nous ferons de même si le gouvernement Biden promulgue ces règles antiasile».

Le Projet international d’assistance aux réfugiés a déclaré dans un communiqué qu’il «s’opposait fermement» aux nouvelles mesures «en tant que compromis pour limiter les droits légaux des personnes demandant l’asile aux États-Unis». L’organisation a déclaré que le gouvernement imposait une «interdiction d’asile».

Lacy Broemel, analyste politique du projet, a déclaré au Washington Post que l’organisation était préoccupée par le manque de détails du plan Biden, et a ajouté: «Nous avons plus de questions que de réponses».

Le moment choisi pour la conférence de presse sur l’immigration, qui intervient deux jours après que Joe Biden a annoncé sa campagne de réélection pour 2024, est clairement un effort pour répondre à la pression des républicains et des forces politiques d’extrême droite et fascistes au Congrès.

Comme le rapporte le Wall Street Journal, «les républicains de la Chambre des représentants, qui ont vivement critiqué la gestion de la frontière par Biden, devraient dévoiler jeudi un vaste projet de loi sur l’immigration et la sécurité des frontières, après des mois de désaccords internes sur la manière d’aborder la question des demandeurs d’asile. Certains républicains ont suggéré que le projet de loi, qui ne sera probablement pas accepté par les démocrates et la Maison-Blanche, pourrait être présenté à la Chambre le 11 mai pour coïncider avec la fin du Titre 42».

(Article paru en anglais le 28 avril 2023)

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