Des milliers d’enseignants brésiliens organisent une grève nationale contre les bas salaires et la réforme de droite de l’enseignement secondaire

Des milliers d’enseignants des 26 États du Brésil et du District fédéral ont participé mercredi à une grève nationale d’une journée dans le cadre d’un mouvement mondial des enseignants contre la hausse de l’inflation et les attaques contre l’éducation publique. Ils demandent le respect du salaire minimum national des enseignants et s’opposent à la réforme de droite des lycées.

Les enseignants du district fédéral se sont rassemblés le 26 avril lors d’une assemblée qui a voté pour la grève. [Photo: Facebook/SINPRO]

Des manifestations de rue ont également eu lieu dans tout le Brésil. Lors de la plus importante d’entre elles, 10.000 enseignants se sont rassemblés sur l’avenue Paulista à São Paulo.

Il s’agissait de la deuxième grève nationale cette année, appelée par la Confédération nationale des travailleurs de l’éducation (CNTE), affiliée à la fédération syndicale CUT contrôlée par le Parti des travailleurs (PT), afin de laisser les enseignants brésiliens se défouler après une série ininterrompue d’attaques contre l’éducation publique, qui vont des précédents gouvernements du PT jusqu’au gouvernement d’extrême droite de l’ancien président Jair Bolsonaro.

Les enseignants de nombreux systèmes éducatifs municipaux et étatiques ont également approuvé des grèves illimitées cette semaine, poursuivant un mouvement de grève depuis que la nouvelle administration du PT du président Luiz Inácio Lula da Silva a déclaré une augmentation de 14,94 pour cent du salaire minimum national des enseignants, qui n’a pas encore été mise en œuvre par les gouvernements étatiques et municipaux à travers le Brésil. Seul un tiers des administrations locales respectent le salaire minimum, qui s’élève actuellement à 4.420 reais (806 euros) par mois.

Lundi, les enseignants du système municipal de Guarulhos, la deuxième plus grande ville de l’État le plus riche du Brésil, São Paulo, se sont mis en grève. Un jour plus tard, des dizaines d’enseignants ont occupé le Centre de services aux citoyens pendant plusieurs heures pour protester contre le refus du maire de négocier. Au mépris d’une décision de justice qui jugeait la grève illégale, les enseignants de Guarulhos se sont réunis en assemblée jeudi et ont décidé de poursuivre la grève.

Mercredi, les enseignants du district fédéral (DF) ont tenu une assemblée massive et ont décidé de se mettre en grève à partir du 4 mai. Ils réclament une augmentation de leurs salaires, qui sont restés inchangés depuis 2015. Le même jour, les enseignants de l’Amapá ont décidé de reprendre une grève entamée au début du mois. Ils réclament une augmentation de 40 pour cent après 11 ans sans augmentation de salaire.

Plusieurs autres grèves dans le secteur de l’éducation ont eu lieu au Brésil depuis le début de l’année. Des grèves d’enseignants municipaux ont éclaté à Fortaleza, la capitale du Ceará, début février, et à Recife, la capitale du Pernambuco, début avril. Les enseignants ont fait grève à São Bernardo do Campo, une ville industrielle située à la périphérie de São Paulo et berceau politique du PT. À Ribeirão Preto, l’une des plus grandes villes de la campagne de l’État de São Paulo, les enseignants ont organisé des grèves à la fin du mois de mars et au début du mois d’avril. D’autres employés municipaux les ont rejoints pour obtenir de meilleurs salaires et conditions de travail.

Dans les États du Maranhão et du Rio Grande do Norte, les enseignants sont restés en grève tout au long du mois dernier contre les gouvernements alliés à Lula. L’État du Maranhão est dirigé par Carlos Brandão du Parti socialiste brésilien (PSB), le même parti que le vice-président Geraldo Alckmin, tandis que dans l’État du Rio Grande do Norte, Fátima Bezerra du PT est au pouvoir depuis 2019.

Malgré le caractère objectivement national de ce mouvement grandissant, la fédération syndicale CNTE s’est efforcée d’isoler les luttes les unes des autres, même lorsqu’elles se déroulent dans la même ville parmi les enseignants des réseaux municipaux et de l’État. Avec l’aide des organisations étudiantes bureaucratiques contrôlées par le PT et ses satellites, les syndicats empêchent également les luttes des travailleurs de l’éducation de fusionner avec les protestations des jeunes contre une réforme réactionnaire des programmes scolaires connue sous le nom de «New High School».

Ce scénario perfide répète le sabotage par la CNTE d’une précédente vague de grèves d’enseignants l’année dernière, que la bureaucratie syndicale a cherché à canaliser derrière l’élection d’une nouvelle administration du PT. Maintenant que Lula est de retour au pouvoir, les bureaucrates syndicaux tentent de neutraliser la révolte des travailleurs en limitant ses objectifs à une simple pression sur l’État bourgeois.

Dimanche, le président de la CNTE, Heleno Araújo, lui-même membre du PT, a déclaré: «Le retour du président Lula ouvre la perspective d’un débat pour faire avancer ces discussions et mettre en pratique nos revendications».

Cette affirmation est une véritable escroquerie. Le gouvernement du PT a un caractère bourgeois réactionnaire et il est arrivé au pouvoir avec l’objectif ouvert de représenter un «large front» de l’establishment politique brésilien dirigé par l’oligarchie financière. La nouvelle administration de Lula poursuit et développe ses deux mandats précédents (2003-2010), au cours desquels il s’est révélé être un défenseur implacable des élites capitalistes brésiliennes et impérialistes.

Le caractère anti-ouvrier du gouvernement Lula est incarné par le ministère de l’éducation lui-même, dirigé par l’ancien gouverneur du Ceará du PT, Camilo Santana. Pendant les huit années où il a été gouverneur, Santana a mis en œuvre des politiques éducatives de droite en étroite collaboration avec des ONG éducatives contrôlées par les plus grandes banques et entreprises brésiliennes, telle que la Fondation Lemann et Todos pela Educação (Tous pour l’éducation). Une fois nommé ministre de l’Éducation, il a rempli son ministère de représentants de ces fondations capitalistes, qui sont à l’origine de la formulation de la réforme réactionnaire du «New High School». Cette dernière exclut les jeunes de la classe ouvrière de l’apprentissage de sujets tels que l’art, la philosophie et la science.

Après avoir été approuvés début 2017 par le Congrès brésilien au milieu d’occupations d’universités et d’écoles, de protestations et de grèves, les changements du «New High School» ont commencé à être mis en œuvre l’année dernière. Pour atténuer l’opposition croissante parmi les enseignants et les jeunes, le gouvernement du PT a annoncé le 4 avril qu’il suspendrait sa mise en œuvre pendant 60 jours pour «débattre publiquement» de la question. Bien que Lula lui-même ait admis que «nous n’allons pas abroger [la réforme]», les syndicats corrompus et les organisations étudiantes ont célébré la «suspension» annoncée comme une victoire de leur «pression» sur le gouvernement.

L’échec de cette manœuvre a été mis en évidence lundi, lorsque le gouvernement a lancé sa consultation publique. Fernando Cássio, professeur à l’université fédérale ABC qui dénonce le caractère procapitaliste des politiques éducatives du gouvernement du PT, a écrit sur Twitter: «Les 11 points du questionnaire [du ministère de l’Éducation] présentent essentiellement ce que veulent les fondations/instituts corporatifs dans la réforme, ainsi que certains aspects qu’ils avaient déjà abandonnés (parce qu’ils étaient absolument inacceptables)».

Le soutien irrévocable apporté par la CNTE et les syndicats en général au gouvernement du PT et à ses politiques procapitalistes s’explique par le fait que ces organisations ne représentent pas véritablement la classe ouvrière, mais constituent plutôt une bureaucratie privilégiée dépendante de l’État national bourgeois et hostile aux intérêts des travailleurs.

Cette perspective se manifestera ouvertement, une fois de plus, lors du rassemblement frauduleux de la fête du 1er mai que la CUT et d’autres fédérations syndicales organiseront. Cette année, les syndicats ont invité à leur festival le président Lula, les présidents de la Chambre et du Sénat, ainsi que le gouverneur de São Paulo, Tarcísio de Freitas, un fidèle allié de Bolsonaro.

En opposition totale avec les syndicats corporatistes et leur perspective nationaliste et procapitaliste, le World Socialist Web Site, le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) et le Mouvement international des jeunes et des étudiants pour l’égalité sociale (IYSSE) ont tenu leur rassemblement international du 1er mai en ligne.

Ce rassemblement révolutionnaire du 1er mai international lutte pour l’organisation d’un mouvement de la classe ouvrière et de la jeunesse dans le monde entier contre la guerre et le capitalisme. Vous pouvez le visionner sur le World Socialist Web Site!

(Article paru en anglais le 28 avril 2023)

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