En Angleterre, les soignants en grève dans la moitié des hôpitaux

Des milliers de soignants ont mené lundi une grève de 28 heures touchant la moitié des hôpitaux, des services psychiatrique et des services sociaux d'Angleterre. Commencée dimanche à 20 heures, elle s'est terminée lundi à minuit et a impacté les 125 groupements d’hôpitaux du NHS (Service national de santé).

Cette grève est le dernier d’une série de conflits du travail organisés depuis décembre dernier par les travailleurs du NHS pour obtenir un accord salarial supérieur à l'inflation. C’est la première fois que les soignants débrayaient dans tous les secteurs du NHS, y compris les unités de soins intensifs, les services d’oncologie et les urgences. Comme c’est la pratique courante, le syndicat infirmier RCN (Royal College of Nursing) a mis en place des exemptions afin que les soignants puissent quitter les piquets de grève pour assurer les soins vitaux.

Soignants sur le piquet de grève à l'Infirmerie générale de Leeds, le 1er mai 2023

Bien que la grève n'ait touché qu'environ la moitié du NHS en Angleterre – dû au fait que d'autres groupements d’hôpitaux n’aient pas dépassé la barre du nombre de votants requis en vertu des lois anti-grève, l'action a eu un impact majeur, le NHS Angleterre avertissant que les patients seraient confrontés à « des perturbations et des retards dans les services pendant la période de grève ».

Les services du NHS ont également été touchés par une grève distincte des membres du syndicat Unite des hôpitaux Guy's et St Thomas dans le sud de Londres et des ambulanciers dans la région du Yorkshire.

La grève des soignants s'est poursuivie après une action en justice devant la Haute Cour par le gouvernement conservateur (article en anglais) qui s’est servi des lois anti-grève pour obtenir un jugement imposant que le mandat de grève de six mois du syndicat RCN ne se prolongeait pas jusqu'au 2 mai.

Les soignants ne se battent pas seulement contre le gouvernement conservateur pour gagner leurs revendications, mais encore contre la bureaucratie syndicale du RCN. Celle-ci a tout fait pour forcer les travailleurs à accepter une hausse capitularde d’un paiement unique de 4 pour cent et une augmentation de 5 pour cent pour 2023-2024. Cela rendrait la plupart des soignants plus pauvres d’environ 4 400 £ en termes réels par rapport à 2008, et c’est moins de la moitié de l'inflation des prix à la consommation de 13,8 pour cent en février.

Le siège du RCN avait menacé d'appeler la police pour enquêter sur des soignants de la base ayant organisé une pétition pour une assemblée générale d'urgence et une motion de défiance à l'égard de la direction. Les travailleurs ont défié ces menaces et rejeté l'accord le mois dernier, forçant le RCN à appeler à la grève.

Tout en évoquant la « plus grande grève » des soignants « à ce jour », qu'elle a tout fait pour empêcher, la secrétaire générale du RCN Pat Cullen a continué de supplier le gouvernement de faire une offre pouvant être vendue aux membres en colère du syndicat. Dans une déclaration sur le site Web du RCN, elle a déclaré: « Après une pause de trois mois, la grève du personnel infirmier reprend malheureusement ce soir […] Seules les négociations peuvent résoudre ce problème et j'exhorte les ministres à rouvrir les discussions formelles avec le RCN sur les salaires en particulier ».

Lundi, elle a déclaré aux médias que le conflit « se terminera lorsque notre gouvernement fera le geste honorable pour les soignants, le geste honorable pour le peuple anglais et fera réellement le geste honorable pour le NHS ».

Le RCN organise à la mi-mai son scrutin statutaire de grève pour d’autres grèves et a déclaré que si le vote était favorable, « nous aurons pour mandat de mener des grèves pendant encore six mois ». Mais tout ce que la bureaucratie syndicale a fait jusque là, appeler à une série de grèves sporadiques – la dernière remontant à il y a trois mois – et essayer de faire passer en force son accord pourri, montre qu’elle a l’intention de mettre fin au conflit à la première occasion.

La tentative du RCN de faire passer en force son accord inférieur à l’inflation a été si flagrante que le secrétaire conservateur à la Santé, Steve Barclay, a pu déclarer pendant la grève que les travailleurs devaient accepter l'offre du gouvernement et du RCN parce que c’était « un accord que Pat Cullen [avait] elle-même recommandé à ses membres après des jours de négociation pour un règlement juste et raisonnable. »

Pour faire accepter cet accord salarial qui fera qu'environ 1,1 million de travailleurs du NHS sous contrat ‘Agenda for Change’ seront confrontés à plus d'années de très bas salaires – après avoir déjà souffert de plus d'une décennie d'austérité – le gouvernement s'appuie fortement sur les autres syndicats de la santé ayant recommandé l’accord. Parmi ceux-ci, il y a Unison, le GMB et le syndicat des sage-femmes dont les membres ont voté l’acceptation à contre-coeur après avoir conclu que les syndicats avaient capitulé au gouvernement.

Le gouvernement prévoit à présent d'utiliser le soutien des principaux syndicats à son offre salariale comme base pour imposer l'accord aux membres du RCN et d’Unite. Mardi, le Conseil du personnel du NHS, composé de représentants des 14 syndicats du NHS, devait se réunir pour décider d'accepter ou non l'offre du gouvernement. Barclay avait dit avant la grève des soignants: «Le Conseil du personnel du NHS se réunira pour voter pour savoir s'il accepte l'accord que nous avons négocié avec eux. Je pense qu'il est juste d'attendre que le Conseil du personnel du NHS parvienne à cette décision. Et je pense que cette grève est prématurée et irrespectueuse envers les syndicats qui se réuniront mardi.»

Dimanche, l'Observer a rapporté que « les ministres prévoient d'imposer un accord salarial aux travailleurs du NHS alors même que les soignants continuent de le rejeter [...] au moment où les syndicats de la santé se préparent à tenir des pourparlers décisifs sur l’offre cette semaine. »

« La plupart des initiés s'attendent à ce qu’elle [l'offre salariale du gouvernement] soit votée [par les syndicats], malgré qu’une certaine opposition continue » a commenté le journal, ajoutant: « Si les syndicats opposés à un accord étaient mis en minorité, des sources ont déclaré que les ministres continueraient simplement avec la mise en application de l'accord. »

Les travailleurs de la santé ne peuvent permettre que leur lutte échoue en la laissant entre les mains de la bureaucratie syndicale, pour aboutir à ce qui serait une autre défaite dévastatrice de la classe ouvrière. Le contrôle du conflit doit être retiré des mains du RCN et des autres bureaucraties syndicales qui continueront à vivre une vie privilégiée pendant que les travailleurs souffriront de la pire crise du coût de la vie de mémoire d'homme. Cela nécessite la formation de comités de la base, s'organisant indépendamment des directions syndicales, une décision désormais prise par les postiers qui refusent que le Syndicat des travailleurs de la communication (article en anglais) trahisse leur combat.

Nous appelons tous les travailleurs de la santé à contacter NHS FightBack (Riposte NHS)

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