Les travailleurs de Clarios et Stellantis appellent à une action commune pour faire gagner la grève à l’usine de batteries de Toledo (Ohio)

Vous êtes un travailleur de Clarios en grève? Remplissez le formulaire à la fin de cet article pour obtenir plus d'informations sur la manière de rejoindre le mouvement des comités de la base.

C’était hier le troisième jour de grève de plus de 520 travailleurs de Clarios à l’usine de fabrication de batteries de Holland (Ohio) près de Toledo. Le syndicat de l’automobile UAW (United Auto Workers) a été contraint d’appeler à la grève après que les travailleurs eurent rejeté à la quasi-unanimité il y a une semaine et demie un contrat de concession à l’entreprise soutenu par l’UAW. Ceux-ci ont exigé que les responsables syndicaux cessent de prolonger le contrat, expiré le 19  avril.

Les travailleurs de Clarios au premier jour de la grève

Clarios est le plus grand fabricant mondial de batteries au plomb et principal fournisseur de GM, Ford, Stellantis (Chrysler) et d’autres constructeurs. L’entreprise, qui a racheté la division batteries de Johnson Controls en 2019, a réalisé 1,6  milliard de dollars de bénéfices l’an dernier. La semaine dernière, ses dirigeants ont déclaré aux investisseurs qu’ils prévoyaient de faire monter les bénéfices à plus de 2  milliards de dollars à travers la réduction des coûts et l’expansion sur le marché très rentable des batteries pour véhicules électriques.

L’issue de cette grève aura des conséquences majeures pour les 170.000  ouvriers de l’automobile aux États-Unis et au Canada, dont les contrats expirent cet été. Les constructeurs automobiles comptent sur la collusion de la bureaucratie de l’UAW et de son nouveau président Shawn Fain. Ils préparent une attaque massive contre l’emploi pour la transition vers l’électrique, et l’extension des partenariats de batteries pour véhicules électriques, les membres de l’UAW non licenciés devant toucher salaires et avantages loin des normes.

Mais les travailleurs de la base de GM, Ford et Stellantis, tout comme leurs homologues de Clarios, sont déterminés à obtenir des augmentations neutralisant l'inflation, à mettre fin aux conditions de travail épuisantes et brutales, et à annuler des années de concessions aux constructeurs défendues par l'UAW. En prévision de la bataille contractuelle de cette année, les travailleurs forment et élargissent le réseau des comités de la base qui luttent pour transférer la prise de décision et le pouvoir, de l'appareil de l'UAW pro-patronat vers les travailleurs des ateliers.

Un ouvrier de Clarios qui travaille depuis sept ans dans l’usine a comparé la lutte au soulèvement des travailleurs en France contre l’augmentation de l’âge de la retraite par le gouvernement Macron. «Avant, nous avions peur de nous battre contre des pouvoirs plus importants. Mais regardez ce qui se passe en France, nous commençons à faire la même chose, à nous battre contre les trusts et les gangsters. Les représentants de l’UAW, ajoute-t-il, disent qu’ils travaillent pour nous, mais ils travaillent pour l’entreprise».

Un autre travailleur en grève ayant quatre ans d’ancienneté a dit au WSWS: «Le syndicat voulait que nous acceptions une augmentation de salaire de 3  pour cent alors que nous avions déjà perdu 10  dollars de l’heure lors des deux dernières baisses de salaire. Il est hors de question que nous acceptions cela alors que les prix alimentaires et le coût de la vie ne cessent d’augmenter. De plus, nous ne recevons aucune compensation pour travailler dans un environnement malsain qui fait que les retraités attrapent des cancers et meurent quelques années après avoir quitté cet endroit».

«Cette société d’investissement, Brookfield Partners, a pris le relais et tout ce qui l’intéresse, c’est l’argent, pas de savoir si nous mourrons ou si nous vivrons demain».

«Ceci est une des plus grandes usines de batteries au monde. Nous avons dix chaînes différentes et les machines de chacune d’elles peuvent produire de 800 à 1.000  batteries par jour. Une nouvelle chaîne peut produire de 1.500 à 2.000  batteries par jour».

Le salaire de base commence à 12  dollars de l’heure et va jusqu’à 20  dollars ou plus, selon l’ancienneté du travailleur. Décrivant le système de rémunération à la pièce de l’usine, il précise: «Nous recevions 200  pour cent de notre salaire si nous produisions 800  piles par jour. Ils sont passés à 900, et maintenant à 1.000. Ils disent à ces nouveaux travailleurs qu’ils peuvent gagner 100.000  dollars par an s’ils travaillent dur, mais beaucoup d’entre eux touchent à peine 13  dollars de l’heure».

« Nous fabriquons des batteries pour Stellantis, Ford, GM et le marché de l'après-vente. Nous y mettons simplement différents autocollants [DieHard, Interstate, Duralast, AC Delco, Costco's Kirkland et plus de 20 autres marques] avant qu'elles ne sortent de l'usine. Elles se vendent 300 dollars en magasin, et ils nous paient des clopinettes. L'entreprise est très cupide et nous avons de la chance si nous recevons 1 000 dollars de participation aux bénéfices par an».

Des membres du comité des travailleurs de la base de Dana soutiennent les grévistes de Clarios

Décrivant les conditions de travail intolérables, il a déclaré: «Quand il fait 80ο [26ο C] dehors, il fait 120ο [49ο C]ici, parce que nous avons affaire à du plomb chaud. Nous devons nous doucher deux fois par jour. Nous utilisons un savon spécial au plomb parce qu'il colle au cheveux. C'est pourquoi nous ne pouvons pas avoir de poils sur le visage. Nous passons des tests sanguins tous les mois pour vérifier notre taux de plomb, mais il n'y a pas de concentration de plomb dans le sang qui soit sans danger. Il devrait y avoir un meilleur système de circulation de l'air dans l'usine, mais ils ne veulent pas investir dans ce domaine. Au lieu de quoi ils préfèrent payer pour plus de machines afin de produire plus de batteries».

Il a également déclaré que les travailleurs s’opposaient au projet de mise en œuvre d’un horaire  «3-2-3». «Nous travaillerions trois jours d’affilée, par équipes de 12  heures, sans paiement d’heures supplémentaires, avant d’avoir deux jours de repos, puis de travailler à nouveau trois jours d’affilée. Les gens sont très mécontents de cela».

Il ajouta: «Nous en avons assez de la façon dont on nous traite. Si nous ne nous serrons pas les coudes et ne parlons pas haut et fort, et là je veux dire tous les travailleurs de l’automobile, nous resterons toujours les laissés-pour-compte, ceux qui produisent leur argent et qui se font toujours baiser. L’UAW nous dit toujours, c’est le meilleur contrat que vous puissiez avoir et que si nous le rejetons, ils délocaliseront l’usine au Mexique. Mais si nous acceptons encore un mauvais contrat, ils nous prendront toujours plus de choses».

« Nous étions unis dans notre usine. Nous l'avons rejeté et nous étions prêts à faire grève, à ne pas continuer à fabriquer des batteries pour que l'entreprise puisse en stocker en vue d'une grève. Mais les responsables de l'UAW voulaient prolonger la situation et continuer à étendre le contrat, pour que l'entreprise puisse nous faire produire des batteries pour des mois. Si on les avait laissé faire, on aurait continué à fabriquer des batteries. Mais on ne l'a pas fait. C’est les travailleurs qui ont causé cette grève ».

«Nous nous moquons de ce que veut Bruce Baumhower [président de la Section locale  12] ou l’UAW International, c’est nous qui les payons. C’est nous qui allons décider, et nous n’allons pas accepter un contrat qui ne nous convient pas».

Il a conclu en lançant un appel aux travailleurs de l'automobile des ‘‘Trois Grands’’ (Ford,General motors et Stellantis). «Nous construisons 1.500 batteries par jour rien que pour les Ram 1500 à l'usine Warren Truck. Je dirais à ces ouvriers d'arrêter de mettre des batteries dans les camions. Nous devons tous nous serrer les coudes. Nous devrions tous faire grève en même temps».

Craignant que la grève ne s’étende aux Trois Grands, la bureaucratie de l’UAW fait tout pour isoler cette lutte et n’a même pas pris la peine de la signaler sur son site Internet. Loin d’organiser une action commune pour défendre les travailleurs de Clarios, les responsables de l’UAW ont fait défiler une politicienne du Parti démocrate sur le piquet de grève mardi matin.

La députée américaine Marcy Kaptur avec des représentants de l'UAW sur le piquet de grève de Clarios le 9 mai 2023 [Photo: Facebook: Representative Marcy Kaptur]

La députée du Congrès Marcy Kaptur est venue pour une séance photos avec des responsables locaux et régionaux de l’UAW. Elle a exhorté les travailleurs à se tourner vers le président Biden pour qu’il soutienne leur lutte. Ce que les responsables syndicaux n’ont pas dit aux travailleurs. c’est que Marcy Kuptar faisait partie des 211  démocrates ayant voté au Congrès en novembre dernier pour interdire la grève de 120.000  cheminots et leur imposer un contrat favorable au patronat, qu’ils avaient déjà rejeté. Biden a ensuite signé la loi qui a permis de briser la grève.

Alors même que Kuptar parlait, ses collègues démocrates du comté de Lucas – dont Peter Gerken, un dirigeant de longue date de la Section  12 et de l’UAW national et actuel commissaire du comté – envoyaient des adjoints du shérif pour escorter des camions briseurs de grève à travers les piquets de grève des travailleurs de Clarios, pour qu’ils puissent livrer les usines automobiles.

Les démocrates ne sont pas plus «les amis des travailleurs» que Trump et les républicains. Les deux partis contrôlés par le patronat veulent écraser la résistance à leurs plans visant à faire payer à la classe ouvrière pour la crise inflationniste, les renflouements bancaires sans fin et la confrontation militaire irresponsable avec la Russie et la Chine, qui pourrait déclencher la Troisième Guerre mondiale.

Mais Clarios obtiendra pour une lutte commune un puissant soutien des travailleurs de la base. Mardi, des membres du comité des travailleurs de la base de Dana ont été sur les piquets de grève pour discuter d’une action commune entre les grévistes de Clarios et les travailleurs qui luttent contre les licenciements injustes et les abus de la direction à l’usine voisine de Dana Driveline.

Après avoir été informé de leur grève par le WSWS, un travailleur de Stellantis et membre du Comité de la base de Warren Truck a déclaré: «J’ai vérifié, et nous recevons des batteries de Clarios. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir leur grève et cesser de travailler avec ces pièces briseuses de grève ».

«Ces travailleurs vivent un esclavage moderne. Ils travaillent 19  jours d’affilée, 12  heures par jour, avec seulement deux jours de repos. On les fait littéralement travailler jusqu’à ce qu’ils meurent prématurément. De plus, on les menace d’arrestation s’ils font grève».

«Nous devons tous nous serrer les coudes, car l’UAW ne travaille pas pour nous, mais pour les entreprises. Nous devons défendre ce qui est juste pour nous, partout dans le monde. Nous en avons tous assez de nous faire malmener par des entreprises qui ne pourraient rien faire sans notre travail. Nous ne pouvons plus rester les bras croisés et les regarder nous dépouiller de tout. Ils nous prennent notre argent, nos soins médicaux et nous font travailler comme des chiens. C’est le moment de prendre la parole et de se battre pour les besoins des travailleurs. En rejoignant et en créant des comités de la base, les travailleurs peuvent parler ensemble et s’organiser. Nous pouvons apprendre contre quoi nous nous battons réellement».

«La bureaucratie de l'UAW se bat contre nous tous les jours et nous devons combattre le feu par le feu. Cela fait des années qu'ils s’en tirent. Mais c'est cette année que cela va s'arrêter. Au lieu de les laisser nous monter les uns contre les autres, nous devons consacrer toute notre énergie à faire quelque chose de mieux pour nous tous».

(Article paru d’abord en anglais le 10  mai 2023)

Loading