Tensions sur la Chine lors de la réunion des ministres des Finances du G7, alors que la crise bancaire s’aggrave

La réunion de trois jours des ministres des Finances des principaux pays capitalistes, qui s’est tenue au Japon et qui s’est achevée samedi, alors que le système bancaire américain connaissait les problèmes les plus graves depuis la crise de 2008, a publié une déclaration obligatoire qui affirme que l’économie mondiale avait fait preuve de « résilience » face au COVID, à la guerre en Ukraine et à l’inflation.

Toutefois, après cette déclaration rassurante, le communiqué indique que le G7 doit « rester vigilant et faire preuve d’agilité et de souplesse dans sa politique macroéconomique dans un contexte d’incertitude accrue quant aux perspectives de l’économie mondiale ».

Alors que les principales banques centrales augmentent les taux d’intérêt dans le cadre de la prétendue lutte contre l’inflation, destinée à supprimer les revendications salariales de la classe ouvrière, le communiqué souligne que les dépenses des gouvernements doivent être conformes à celles des banques centrales.

« L’orientation budgétaire globale [des gouvernements] devrait assurer la stabilité à moyen terme et se trouver cohérente avec l’orientation de la politique monétaire dans un contexte de pressions inflationnistes », a-t-il déclaré.

En d’autres termes, alors que les banques centrales poursuivent leur offensive contre la classe ouvrière, allant jusqu’à provoquer une récession si cela est jugé nécessaire, les gouvernements doivent ajouter à cette attaque en restreignant les dépenses.

Cependant il existe une exception au régime d’austérité: les dépenses militaires et la guerre des États-Unis et de l’OTAN, qui ont occupé la première place dans la déclaration officielle.

Celle-ci commence par réaffirmer « notre soutien indéfectible à l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra », déclare qu’elle continuera à répondre aux besoins de financement à court terme de l’Ukraine, et réitère «notre détermination inébranlable à imposer et à appliquer des sanctions et d’autres mesures économiques» à l’encontre de la Russie ».

Mais derrière cette démonstration d’unité, des tensions apparaissent clairement. Alors que, les problèmes financiers centrés sur les États-Unis continuent de s’aggraver, l’économie mondiale ralentit considérablement en raison de divergences sur la question de la Chine. Cette dernière est la principale source de la croissance limitée qu’on constate au niveau mondial.

Dans un communiqué publié à l’issue de la réunion, le ministre japonais des Finances, Shunichi Suzuki, a déclaré : « Le fait que le G7 ait réussi à renforcer son unité plutôt que de se séparer pour relever les grands défis internationaux est une grande réussite pour nous ». En d’autres termes, les conflits qui se sont sans doute produits à huis clos — du moins dans une certaine mesure — ont été soustraits à l’attention du public.

Le G7 a pu présenter un front uni sur la guerre en Ukraine, mais pas sur la Chine. Avant la réunion, la secrétaire d’État américaine au Trésor, Janet Yellen, a appelé à une « action coordonnée » des pays du G7 contre ce qu’elle a appelé la « coercition économique » de Pékin.

En fait, l’accusation des États-Unis est une projection sur la Chine de ses propres pratiques, avec les interdictions radicales sur l’acquisition par la Chine de nouvelles technologies qui visent à paralyser ce secteur vital de son économie.

À la suite de l’appel de Yellen, le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré qu’il était la victime, et non l’auteur, des mesures coercitives.

« Si un pays doit être critiqué pour sa coercition économique, c’est bien les États-Unis. Les États-Unis ont exagéré le concept de sécurité nationale, abusé du contrôle des exportations et pris des mesures discriminatoires à l’encontre des entreprises étrangères. Cela viole gravement les principes de l’économie de marché et de la concurrence loyale », a déclaré Wang Wenbin, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Le ministère des Affaires étrangères a étayé ses affirmations en citant des rapports de presse qui montrent que le total des sanctions du gouvernement américain, atteint 40  pays. Cela fait près de la moitié de la population mondiale. Il avait augmenté de 933 pour cent entre 2000 et 2021. Plus de 9.400 sanctions étaient entrées en vigueur au cours de l’année fiscale  2021.

À la veille de la réunion du G7, un haut fonctionnaire anonyme de l’Union européenne a déclaré au Financial Times qu’un accord pourrait être trouvé sur un « langage commun » concernant les investissements en Chine, mais pas sur un « mécanisme partagé » avec les États-Unis.

Or, le communiqué de 14  pages ne mentionne pas la Chine. Un fonctionnaire du ministère japonais des Finances a déclaré qu’on avait soulevé la question de la coercition économique, mais n’a donné aucun détail.

Sur le plan financier, le communiqué indique que le G7 travaillera en étroite collaboration avec les autorités de régulation afin de suivre l’évolution de la situation ett prendra les mesures qui s’imposent pour maintenir la stabilité financière.

Au moment même où se tenait la réunion, certains signes indiquaient que les turbulences du système bancaire américain, qui ont commencé avec la faillite de la Silicon Valley Bank en mars et qui ont entraîné trois des quatre plus grandes faillites bancaires de l’histoire des États-Unis, étaient loin d’être terminées.

La dernière banque qui s’est trouvée mise sous pression est PacWest. Ses actions ont plongé à la fin de la semaine dernière, qui porte la baisse totale à 80 pour cent depuis le début du mois de mars. La dernière chute est intervenue après que la banque a annoncé qu’elle avait perdu 9,5 pour cent de ses dépôts au début du mois. L’indice KBW des banques régionales a encore chuté de 2,4 pour cent. C’était après une baisse d’environ 30 pour cent depuis le début du mois de mars, et les actions d’autres banques régionales se trouvent mises sous pression.

Le Wall Street Journal a rapporté que les inquiétudes concernant la stabilité des banques de taille moyenne persisteraient tant que la «Société fédérale d'assurance des dépôts» (Federal Deposit Insurance Corporation – FDIC) ne relèverait pas la limite d'assurance des dépôts de 250 000 dollars, voire ne fournirait même pas assurance pour tous les dépôts.

La déclaration du G7 affirme que le « système financier est résilient ». Elle assure qu’il a été renforcé par la réglementation bancaire accrue introduite après la crise de 2008.

Mais outre le fait qu’une crise a éclaté en dépit de ces réglementations, d’autres sources potentielles de turbulences existent dans le secteur financier non bancaire. Comme l’a montré un rapport du Fonds monétaire international publié le mois dernier, les autorités financières n’ont qu’une très vague idée de ce qui se passe dans ce secteur du système financier, qui s’est développé à pas de géant au cours des 15 dernières années.

La déclaration n’avance aucune proposition concrète pour faire face à cette situation. Elle se contente de dire qu’elle « continuera à donner la priorité au traitement des vulnérabilités de l’intermédiation financière non bancaire ».

Toute mesure mise en place sera aussi inefficace que celles introduites après la crise de 2008. Alors que, les ministres des Finances du G7 se réunissaient, le FT a publié une critique cinglante de ces mesures par l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mervyn King.

«Il y a quinze ans, écrit-il, l’effondrement du système bancaire occidental a conduit à l’adoption de milliers de pages de réglementations complexes. Pourtant, nous nous trouvons au milieu d’une nouvelle crise de confiance envers les banques ».

Ces réformes « n’étaient guère plus que des “emplâtres”» .

Il a noté que cette année, l’attention s’est concentrée sur les retraits des déposants, alors que la crise financière a résulté de la réticence des fournisseurs de financement de gros à renouveler leur financement.

La leçon à en tirer est que toute obligation dite « runnable » (facilement attaquable) — comme les dépôts qui peuvent être rapidement retirés ou tout ce qui est remboursable à la demande — peut obliger la banque centrale à fournir des liquidités.

Dans ce qui s’apparente à un appel aux banques centrales pour qu’elles soutiennent l’ensemble du système financier, King a déclaré qu’il n’était pas logique de faire ce qu’on a fait aux États-Unis, c’est-à-dire de « garantir tous les dépôts d’une banque qui fait faillite tout en maintenant la limite supérieure de l’assurance-dépôts pour toutes les autres banques ».

Dans l’ensemble, la réunion des ministres des Finances du G7 a donné un aperçu d’un système en décomposition terminale — une réunion dominée par la guerre, jointe à une crise de plus en plus grave du système financier du capitalisme mondial.

(Article paru d’abord en anglais le 15 mai 2023)

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