Les élections générales grecques ont lieu ce dimanche ; les partis politiques sont en crise sur fond de mécontentement de masse dans une classe ouvrière dont la position sociale a été décimée par plus d'une décennie d'austérité.
Il y a quatre ans, la Nouvelle Démocratie conservatrice (ND) était le bénéficiaire par défaut de la haine populaire envers SYRIZA (Coalition de la gauche radicale), qui venait d'imposer pendant quatre ans des coupes sociales pires encore que celles des précédents gouvernements ND et sociaux-démocrates (PASOK). SYRIZA était arrivé au pouvoir plébiscité après avoir promis de mettre fin à l'austérité.
Cette année, l'âge de voter a été abaissé à 17 ans pour la première fois. Les personnes âgées de 16 ans pourront voter si elles atteignent l'âge de 17 ans l'année de l'élection. Autre nouveauté, les citoyens grecs vivant à l'étranger seront autorisés à voter dans leur pays de résidence, ce qui signifie que plus de 9,8 millions de Grecs pourront voter.
SYRIZA a adopté ces lois alors qu'il était au pouvoir, mais il est peu probable qu'il en bénéficie de manière significative. C’est là un véritable réquisitoire contre une organisation – le doyen des partis de pseudo-gauche à l'international – qui, malgré quatre années supplémentaires dans l'opposition, est incapable d'offrir quoi que ce soit pour convaincre les travailleurs qu'il ferait le nécessaire pour améliorer leur quotidien.
Jusqu'à 13 pour cent des électeurs, dont de nombreux jeunes, ne savent pas pour qui voter, ce qui reflète l'hostilité populaire envers l'ensemble des partis pro-capitalistes qui ont conspiré pour détruire les conditions de vie des travailleurs. La réalité politique de la Grèce a été résumée en février par le terrible accident de train de Tempi qui a déclenché des manifestations de millions de personnes pendant des semaines contre la mort évitable de 57 personnes, principalement des jeunes, suite à des années de coupes budgétaires et de privatisations.
SYRIZA n'a pu profiter de cette opposition. Personne n'a oublié que c'est SYRIZA qui a préparé la privatisation de l'entreprise publique ferroviaire TrainOSE, s’assurant notamment que l’entreprise reste dangereusement en sous-effectif, avant de la vendre pour des clopinettes à l'opérateur ferroviaire italien Ferrovie Dello Stato Italiane.
À l'approche des élections, l'avance de ND sur SYRIZA s’est réduite par rapport aux plus de 10 pour cent qu’il a eu pendant longtemps, mais elle est toujours d'environ 5 à 7 points. Le PASOK occupe la troisième place dans les sondages avec environ 10 pour cent d’intentions de vote.
On s'attend à ce qu’aucun parti n’obtienne une majorité absolue au premier tour, ce qui donnera lieu à des tentatives d'établir une coalition. Un accord entre ND et d'autres partis de droite est une possibilité, ou une alliance avec le PASOK. Une complication est que l'un des principaux facteurs de la crise politique de ND est la révélation l'an dernier que l'Agence nationale de renseignement (EYP) a illégalement piraté le téléphone du président du PASOK, Nikos Androulakis.
Le gouvernement et ses soutiens médiatiques mènent une campagne électorale sur la base que les mesures économiques qu'ils ont mises en œuvre ont stabilisé la Grèce et l'ont rendue à nouveau rentable pour les banques et les grandes entreprises.
Plus tôt cette année, le gouverneur de la Banque de Grèce, Yannis Stournaras, a déclaré qu'il était « confiant » que les agences de notation de crédit revaloriseraient les obligations grecques en quelques mois, leur attribuant une cote de solvabilité élevée, après plus d'une décennie où elles ont été considérées comme des obligations de pacotille.
Mais pour que cela se produise, il faudrait que le nouveau gouvernement poursuive une austérité brutale. Stournaras a déclaré : « La Grèce a réussi à corriger les déséquilibres macroéconomiques et à améliorer la compétitivité des prix et des salaires, mais la compétitivité structurelle reste faible par rapport aux autres membres de la zone euro », ajoutant, « un effort budgétaire durable sera nécessaire » de la part du nouveau gouvernement.
Faire de la Grèce un paradis pour les investisseurs nécessite une nouvelle attaque contre une classe ouvrière déjà saignée à blanc. L'inflation a atteint plus de 12 pour cent l'an dernier, mais les salaires annuels moyens sont toujours inférieurs d'environ 25 pour cent par rapport à leur pic de 2009, selon les données de l'OCDE . Les salaires avaient été brutalement réduits par le gouvernement SYRIZA, le salaire mensuel minimum passant de 586 euros à seulement 650 euros au cours de son mandat. Les jeunes reçoivent des salaires de misère, mais beaucoup ne peuvent toujours pas trouver d'emploi, le taux de chômage des jeunes étant de près de 25 pour cent.
La Grèce, utilisée comme banc d'essai pour l'austérité dans toute l'Europe, a vu des partis de tous bords politiques procéder à une réduction historique du niveau de vie des travailleurs, facilitée par la trahison d’une bureaucratie syndicale qui agit comme partenaire des partis au pouvoir.
Le porte à voix du capital financier, le Financial Times , insiste pour que ce programme de guerre des classes soit intensifié. Il écrit cette semaine dans un éditorial que la Grèce « est l'une des économies à la croissance la plus rapide du bloc [UE], et le gouverneur de sa banque centrale s'attend à ce qu'elle retrouve sa cote de crédit de qualité cette année », cependant, « il est vital que le prochain gouvernement s'appuie sur des progrès durement gagnés. Les bases de la relance économique ont été forgées par les gouvernements successifs qui ont adopté des mesures d'austérité, notamment des hausses d'impôts, des contrôles des salaires dans le secteur public et des modifications des retraites ».
C'est la prescription du FT alors même qu’il note combien « le coût élevé de la vie a […] aggravé la souffrance des Grecs après des années d'austérité: la part des personnes menacées de pauvreté ou d'exclusion sociale est l'une des plus élevées de l'UE ».
Un exemple de cette pauvreté écrasante a été donné dans une interview de Reuters avec un habitant de la classe ouvrière d'Athènes. Niki Klaoudatou, âgée de 40 ans, employée d’une entreprise de téléphonie, a déclaré à l'agence de presse qu'elle ne gagnait que 850 euros par mois, comme elle « le faisait en tant qu'employée de supermarché lorsqu’elle avait 20 ans en 2004 ».
L'article note: « Klaoudatou, qui partage un petit appartement dans la banlieue athénienne d'Alimos avec ses deux enfants et sa mère, a vu son remboursement de prêt de logement monter à 450 euros par mois, 100 euros de plus qu'il y a un an. Elle partage les charges avec sa mère, qui perçoit une retraite mensuelle d'environ 850 euros. Mais la famille n'arrive toujours pas à joindre les deux bouts. »
Outre les prix élevés du carburant, les revenus des travailleurs sont grevés par la hausse des prix alimentaires et une série de taxes régressives, notamment une TVA de 13 pour cent sur les produits alimentaires et une taxe de vente sur les produits essentiels comme le lait et le pain. En ce qui concerne son attitude face à l'élection, cette mère a déclaré: « Je vais voter pour un petit parti, plus pour montrer que je ne suis pas satisfaite des grands partis. »
Aucun des partis de la classe dirigeante n'est une alternative pour la classe ouvrière. SYRIZA ne propose rien que d'augmenter le salaire minimum mensuel à seulement 880 euros et celui des travailleurs du secteur public de 10 pour cent, ce qui est loin de compenser les pertes de la dernière décennie. Ses propositions visant à rétablir une prime annuelle de retraite allant jusqu'à 500 euros et à augmenter toutes les retraites de 7,5 pour cent sont tout aussi pitoyables et seraient de toute façon abandonnées au premier signe des investisseurs internationaux.
Lors d'un débat organisé entre les principaux dirigeants de partis début mai, le chef de SYRIZA, Alexis Tsipras, a souligné la retenue dont font preuve les propositions de dépenses de son parti, insistant pour dire qu'il était « pleinement conscient des capacités budgétaires du pays ». Il s'est déclaré ouvert à participer à toute coalition gouvernementale, ne voulant « exclure personne à l'avance ». En 2015, SYRIZA était allé au gouvernement avec pour partenaires le parti xénophobe des Grecs indépendants.
Quelle que soit la coalition pourrie qui sortira des élections, elle poursuivra l'offensive contre la classe ouvrière. Elle le fera dans le cadre de l'engagement continu de la Grèce envers une alliance de l'OTAN qui fait actuellement la guerre à la Russie. Athènes est en tête des dépenses militaires de l'OTAN en termes de PIB, soit 7,44 milliards d'euros l'an dernier, soit 3,54 pour cent du PIB grec; plus que les 3,46 pour cent des États-Unis.
Lors du débat des chefs de partis, Tsipras a déclaré que son parti « honorerait évidemment les contrats de défense que la Grèce a signés, mais se battrait également pour apporter des projets à l'industrie de défense grecque ». Il s'est plaint qu’il était « inacceptable qu'un programme de 14-15 milliards d'euros n'ait pas apporté un seul euro à l'industrie de défense grecque ».
Le débat dans lequel il est intervenu avec tant d'enthousiasme s'articulait autour d'une prétendue invasion imminente par la Turquie. Interrogé sur ce qu'il ferait au gouvernement si des commandos turcs débarquaient sur un îlot grec, l'ex-ministre des Finances de SYRIZA et actuel dirigeant du MeRA25 (Front européen de désobéissance réaliste),Yanis Varoufakis, a répondu: « La défense de notre espace national est une obligation que nous avons tous. »
(Article original paru en anglais le 19 mai 2023)
