Les grévistes de Clarios rejettent massivement la seconde entente de principe proposée par l’UAW

Dans une défaite retentissante pour la bureaucratie de l’United Auto Workers, les travailleurs en grève de l’usine de batteries automobiles Clarios à Holland, dans l’Ohio, ont massivement rejeté un deuxième contrat bourré de reculs proposé par l’UAW lors d’une réunion syndicale lundi matin.

Bien que les responsables syndicaux locaux n’aient pas publié les résultats officiels, plusieurs travailleurs ont signalé au World Socialist Web Site qu’ils avaient reçu des informations selon lesquelles l’accord avait été rejeté par 75 à 80 pour cent des membres.

Travailleurs de Clarios devant le local syndical après le vote du 22 mai 2023

Dans des commentaires adressés au Toledo Blade, le directeur de la région 2B de l’UAW, David Green, a reconnu que l’entente de principe avait été rejetée.

La nouvelle direction de l’UAW, dirigée par le président Shawn Fain, a eu recours aux mêmes méthodes antidémocratiques que ses prédécesseurs pour tenter de faire passer un contrat pro-patronal. Elle a organisé un vote lundi, juste après avoir publié les «grandes lignes» de l’accord. Mais les travailleurs n’ont pas été dupés ni intimidés par la pression exercée par Green et les responsables de la section locale 12.

Les travailleurs ont déclaré aux journalistes du WSWS que le «nouveau» contrat était pratiquement identique à l’accord précédemment proposé par l’UAW, que les travailleurs avaient rejeté à 98 pour cent le 27 avril.

La proposition de contrat de trois ans contenait la même augmentation salariale annuelle de 3 % que la première. Les travailleurs étaient furieux de cette offre insultante, compte tenu de l’impact de l’inflation galopante de ces deux dernières années et des changements de tarifs à la pièce imposés par Clarios qui se sont traduits par une baisse de salaire de 10 dollars par l’heure pour de nombreux travailleurs. Les représentants de l’UAW ont tenté de faire passer l’augmentation de la prime à la signature – un paiement imposable de 3.500 dollars, contre 1.500 dollars dans le premier accord – comme une augmentation de salaire, mais les travailleurs n’étaient pas dupes.

Un ouvrier de Clarios portant un T-shirt appelant à voter «non»

La question la plus importante pour les travailleurs est la tentative de l’entreprise d’introduire un nouvel horaire «2-2-3» (deux jours de travail, deux jours de repos, trois jours de travail, deux jours de repos, etc.) qui comprend des équipes de 12 heures sans rémunération des heures supplémentaires après huit heures. Les responsables de l’UAW ont affirmé qu’ils avaient mis un «frein» à ce système en limitant sa mise en œuvre dans le deuxième accord. Cependant, ils ont ouvert la porte à son introduction pour tous les travailleurs en approuvant le nouvel horaire dans le département TBS en expansion, où les travailleurs utilisent de nouvelles machines de fabrication de batteries construites par la société britannique TBS Engineering pour les «chaînes de production de prochaine génération» et pour tous les «nouveaux employés embauchés après la ratification».

«En fait, rien n’a changé, sauf la prime à la signature», a déclaré un travailleur au WSWS. «Si nous signions, ils démonteraient toutes les anciennes machines et construiraient de nouvelles chaînes, et nous serions tous soumis à l’horaire TBS. Cela prendrait environ six mois et l’horaire serait introduit pour l’ensemble de l’entreprise. Ils veulent également que tous les nouveaux employés soient soumis à l’horaire de 12 heures. Mais nous nous battons pour les nouveaux. Beaucoup d’entre nous ont des enfants qu’ils veulent faire venir ici pour trouver un emploi, et nous n’allons pas leur faire payer ça».

L’ouvrier a déclaré que les travailleurs de la base étaient parfaitement conscients que s’ils acceptent les demandes de l’entreprise, ces dernières seront utilisées contre les travailleurs des trois grands constructeurs automobiles (General Motors, Ford et Stellantis) dont les propres contrats expirent dans moins de quatre mois. «C’est là tout l’enjeu. Ils nous soutiennent et nous ne pouvons pas les abandonner. Si nous plions, ça va laisser le champ libre à GM, Ford et Stellantis. On ne va pas laisser ça arriver. On garde la tête haute.»

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Un autre travailleur, qui travaille depuis huit ans à l’usine, a déclaré: «Les responsables syndicaux ont soutenu ce contrat, en particulier le grand manitou de la région 2-B de l’UAW, qui a essayé de faire croire qu’il s’agissait d’une bonne affaire. Ils doivent se retirer et laisser la base décider.»

«Le 2-2-3 affectera les nouveaux embauchés et tous les travailleurs des chaînes que l’entreprise est en train de développer. D’ici 2025, l’ensemble de l’usine pourrait relever du TBS. Ils doivent vraiment nous prendre pour des imbéciles pour nous présenter ce contrat. Les dirigeants syndicaux agissent contre les travailleurs. Mais nous voyons ce qui se prépare».

Il a ajouté: «On nous dit déjà que notre grève provoque des ralentissements à l’usine Jeep, ici à Toledo, parce qu’ils manquent de batteries. Lorsque nous avons commencé, nous ne savions pas à quel point notre usine était essentielle pour l’ensemble des Trois Grands».

«Je voudrais dire à nos frères et sœurs de GM, Ford et Stellantis: notre combat est le vôtre. Nous devons tous nous serrer les coudes. Ils ne sont rien sans nous. L’ensemble du secteur repose sur nos épaules, pas sur les leurs. Si nous sommes solidaires et que nous leur disons que c’est assez, nous pourrons obtenir ce dont on a besoin».

Travailleurs de Clarios au local syndical de Toledo

«C’est désormais évident que nous sommes essentiels, non seulement pour les travailleurs à l’intérieur des frontières américaines, mais aussi dans le monde entier. Nous tous, de la France au Mexique, sommes la classe ouvrière. Partout dans le monde, les gens se rendent compte que tout est entre nos mains et que nous avons le pouvoir de le saisir».

Un autre travailleur a déclaré au WSWS: «Beaucoup de gens dans les Trois Grands ne veulent pas utiliser les batteries de briseurs de grève. Voudriez-vous acheter une nouvelle voiture assemblée avec des pièces de briseurs de grève»?

Malgré leur rhétorique bidon sur la «solidarité» et la nouvelle «UAW axée sur les membres», Fain et le reste de la direction de l’UAW n’ont rien fait pour informer les membres de l’UAW, et encore moins pour les mobiliser afin qu’ils soutiennent les travailleurs de Clarios en grève. La bureaucratie de l’UAW autorise les trois grands constructeurs automobiles à utiliser les batteries de l’usine en grève.

Parmi les travailleurs, cependant, il y a un large soutien aux grévistes et à l’interdiction de manipuler des batteries de briseurs de grève. Un jeune intérimaire du complexe Jeep de Toledo a déclaré au WSWS: «Les travailleurs de Clarios ont trop sacrifié pour n’accepter qu’un petit peu. Rendez-leur tout, et même un peu plus. Les temps sont durs en ce moment, et on ne peut pas faire vivre nos familles avec des augmentations de 3 pour cent après avoir subi des réductions de salaire de 8 pour cent et plus».

«Je dis: “Ne touchez pas aux batteries de briseurs de grève”. Nous ne devrions pas avoir à les utiliser. Unis, nous sommes forts. Si nous n’utilisons pas de ces batteries, cela obligera Clarios à ramener les travailleurs sur la chaîne de production et à leur donner tout ce qu’ils veulent, et même plus. Les travailleurs des Trois Grands ont le pouvoir, et si nous les soutenons un peu, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons, nous y compris. Les patrons de l’automobile pensent peut-être qu’ils peuvent vaincre les travailleurs de Clarios et ensuite faire la même chose avec nous, mais nous suivons cette grève de près, tout autant qu’eux. Et nous espérons prendre toutes les mesures nécessaires pour obtenir ce que nous voulons pour nos familles. Tout le monde doit s’unir pour cette grève, car ce sera l’année des Trois Grands».

«Nous sommes le syndicat, mais nous élisons des membres pour nous représenter. S’ils ne le font pas, nous le ferons. C’est ce que nous avons fait lorsque le COVID est apparu. L’UAW et l’entreprise peuvent essayer de s’en attribuer le mérite, mais nos travailleurs ont quitté la ligne de production et ont exigé une action. Nous aurions continué à travailler si l’entreprise en avait eu la possibilité et, au lieu de perdre 10 personnes à cause du COVID, nous en aurions perdu des centaines. Nous avons sauvé la vie de nos frères et sœurs à long terme. Nous devons résister, c’est ce que nous avons fait à l’époque et c’est ce que nous allons faire maintenant».

Après le rejet de l’entente par les travailleurs de Clarios, David Green a déclaré au Toledo Blade: «Les membres se sont exprimés. Je travaille pour eux et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’ils obtiennent un accord dont ils puissent être fiers. L’UAW est une organisation dirigée par ses membres et ses dirigeants travaillent pour eux. Nous attendons de l’entreprise qu’elle revienne à la table des négociations».

Rien n’est plus faux. L’appareil de l’UAW est un pion de la direction de l’entreprise. Fain, Green & Cie ne réagiront pas à cette défaite en se pliant à la volonté des travailleurs, mais en redoublant d’efforts pour isoler la grève, épuiser les travailleurs et faire passer une autre version du même contrat. C’est ce qu’ont vécu les travailleurs à Volvo Trucks, Deere, Dana, CNH et d’innombrables autres membres de l’UAW.

C’est pourquoi les travailleurs doivent constituer un comité de base afin de transférer le pouvoir de l’appareil de l’UAW aux travailleurs de l’usine. Le comité de négociation de la section locale 12 de l’UAW a perdu toute crédibilité et devrait être remplacé par un comité de travailleurs de confiance élus par la base. Dans le même temps, les travailleurs de GM, Ford et Stellantis devraient former des comités de solidarité de la base pour mobiliser l’ensemble des membres de l’UAW afin de s’opposer aux briseurs de grève de Clarios et des tribunaux et s’assurer que les batteries de briseurs de grève ne soient pas utilisées.

(Article paru en anglais le 23 mai 2023)

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