Sri Lanka: un universitaire de la pseudo-gauche prêche une «alternative» bidon à l’austérité du FMI

La Fédération inter-universitaire des étudiants (IUSF) du Sri Lanka a organisé le 6  avril une conférence publique à l’auditorium de la bibliothèque nationale de Colombo sur le thème «Chassons la junte de Ranil-Rajapakse qui vend peuple et biens publics et la pieuvre du FMI».

Kalpa Rajapaksha s’adressant à l’auditorium de la Bibliothèque nationale à Colombo le 6  avril 2023. [Photo: IUSF Facebook]

La conférence fut tenue par Kalpa Rajapaksha, un enseignant du département d’économie et de statistiques de l’université de Peradeniya, qui se présente faussement comme un partisan de l’économie politique marxiste. Il est étroitement associé au FSP (Parti socialiste de première ligne), un parti pseudo-de gauche et promeut depuis des années l’IUSF, contrôlé par le FSP. Le président de l’IUSF, Wasantha Mudalige, a également pris la parole lors de la réunion.

Dans un contexte de crise politique et économique sans précédent au Sri Lanka, le conférencier a dénoncé l’actuel gouvernement et sa mise en œuvre des exigences d'austérité du FMI (Fonds Monéttaire International). Mais son alternative était une série de remèdes fantaisistes, tous dans le cadre du capitalisme, visant surtout à empêcher une lutte des travailleurs et des jeunes pour le socialisme.

L’an dernier d’avril à juillet, le Sri Lanka fut secoué par un soulèvement populaire. Des millions de travailleurs et de pauvres se sont opposés à la dévastation sociale à laquelle ils étaient confrontés. Ce mouvement de masse, qui a contraint l’ancien président Gotabhaya Rajapakse à fuir le pays et à démissionner, a semé la terreur dans l’ensemble de l’establishment politique.

Les syndicats et les groupes de la pseudo-gauche comme le FSP ont délibérément limité les grèves et poussé le mouvement de protestation dans les bras des partis d’opposition capitalistes, qui déclarent tous qu’il n’y a pas d’autre alternative que d’accepter les conditions du FMI.

La classe dirigeante cependant, en l’absence d’une alternative socialiste, a pu installer à la présidence à l’issue d’un vote parlementaire totalement anti-démocratique Ranil Wickremesinghe, politicien largement discrédité et ouvertement favorable à l’acceptation des conditions du FMI.

Une nouvelle vague de luttes ouvrières se développe contre l’attaque croissante par le régime Wickremesinghe des conditions de vie et des droits démocratiques. Tous les radicaux et faux groupes de gauche – dont Rajapaksha et le FSP – colportent la dangereuse illusion que l’immense crise sociale à laquelle sont confrontés les travailleurs peut être résolue sans renverser le capitalisme.

Des partisans de l’IUSF protestent contre l’attaque par le gouvernement Wickremesinghe des conditions sociales et des droits démocratiques, le 7  mars 2023.

«Nous devons lancer une contre-opération intellectuelle» contre l’affirmation du régime Wickremesinghe qu’il n’y a pas d’alternative au programme du FMI, a déclaré le conférencier.

Il a dit proposer une alternative au programme d’austérité du FMI. Ce qu’il préconise n’est toutefois pas du socialisme, mais des mesures visant à réglementer de nouveau l’économie capitaliste sri-lankaise.

Non seulement a-t-il ignoré les changements fondamentaux survenus dans le capitalisme mondial ces 40 dernières années, mais la crise actuelle du capitalisme sri-lankais et international est la plus grave depuis la Grande Dépression des années 1930!

La conférence de Rajapaksha était basée sur le pamphlet ‘‘A people’s solution to the economic crisis’’ (Une solution pour le peuple à la crise économique), qu’il avait rédigé l’an dernier avec Jagath Gurusinghe, un dirigeant syndical de l’entreprise publique Telecom, et un autre faux professeur de gauche, Sumanasiri Liyanage.

Ce pamphlet dit explicitement: «En prenant des décisions radicales pour réguler l’économie, conformément à un plan économique national, la crise économique exagérée [au Sri Lanka] peut non seulement être résolue, mais le pays peut également être amené sur la voie du développement».

Il fait porter la responsabilité à la «politique d’économie de marché ouverte» néolibérale mise en œuvre au Sri Lanka après 1977 et suggère que la crise actuelle du pays pourrait être résolue en «inversant ces politiques [néolibérales]».

Cet argument est totalement faux.

Le tournant vers le néo-libéralisme à la fin des années  1970 et au début des années  1980 n’était pas simplement une politique adoptée par des gouvernements individuels, mais reflétait des changements fondamentaux du capitalisme mondial découlant de la fin du boom de l’après-Seconde Guerre mondiale. Au milieu d’une profonde crise internationale du capitalisme et d’une vague de bouleversements politiques dans le monde entier, les classes capitalistes internationales ont cherché à mondialiser la production pour tirer parti de la main-d’œuvre à bon marché, en particulier en Asie, et ont exigé le démantèlement des barrières posées par les réglementations économiques nationales.

Le Sri Lanka a été l’un des premiers à abandonner le programme précédent de réglementation nationale et de substitution des importations et à adopter des politiques de marché ouvert – démantèlement des barrières commerciales, privatisation et sape des services sociaux essentiels. Le virage rapide vers le néolibéralisme reflétait non seulement le caractère droitier du gouvernement UNP (Parti national uni) de J. R.  Jayawardene, mais aussi la faiblesse inhérente de l’économie sri-lankaise, petite et vulnérable.

Des mesures similaires ont toutefois été adoptées par les gouvernements du monde entier, qu’il soient conservateurs comme celui du président américain Ronald Reagan et de la Première ministre britannique Margaret Thatcher, ou travaillistes et sociaux-démocrates en Australie, Nouvelle-Zélande et dans divers pays européens. Le caractère de plus en plus mondialisé de la production a sapé toutes les économies, institutions et partis fondés sur la régulation économique nationale, comme l’ont montré de manière éclatante la dissolution de l’Union soviétique, l’effondrement des régimes staliniens d’Europe de l’Est et le tournant vers la restauration capitaliste en Chine.

Loin de résoudre les contradictions du capitalisme, la mondialisation de la production les a intensifiées et a alimenté une succession de crises, entraînant tensions et conflits géopolitiques d’une part, et guerre contre la classe ouvrière d’autre part. La crise économique actuelle du capitalisme sri-lankais – loin d’être «exagérée» – est l’expression d’un effondrement profond du capitalisme mondial, déclenché par la pandémie de COVID-19 et exacerbé par la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine. La flambée des prix, la stagnation des salaires, le chômage et le démantèlement des services sociaux favorisent l’émergence de la lutte des classes dans de nombreux pays.

Pourtant, Rajapaksha et le FSP promeuvent le fantasme réactionnaire que tous les immenses problèmes sociaux des travailleurs peuvent être résolus en coupant l’île de Sri Lanka de l’économie mondiale et en faisant revenir les pendules à l’époque de la régulation économique nationale d’avant 1977, grâce à des propositions de contrôle des importations et de taux d’intérêt basés sur les priorités nationales. Une telle perspective n’est pas seulement impossible, elle vise encore à empêcher la classe ouvrière et la jeunesse de se tourner vers le seul programme qui mettra fin à la crise sociale et à la campagne de guerre menée par les États-Unis, à savoir la lutte révolutionnaire pour le socialisme au Sri Lanka et à l’international.

C’est pour cela que le Parti de l’égalité socialiste au Sri Lanka, en collaboration avec ses partis frères du Comité international de la Quatrième Internationale, se bat.

Quelles politiques Rajapaksha a-t-il présentées dans sa conférence?

* Le pays doit opter pour un moratoire de trois à cinq ans sur la dette afin de renforcer l’économie à l’intérieur du pays et de commencer ensuite à rembourser [les dettes étrangères]. Il déclare qu’un moratoire «renforcerait les conditions économiques internes» et permettrait au pays de «commencer à rembourser les prêts» aux requins internationaux.

L’appel de Rajapaksha en faveur d’un moratoire sur la dette est une démonstration claire de son abjecte servilité à l’égard du capital financier international, qui a formulé ses exigences par l’intermédiaire du FMI. Il ne s’agit pas de quémander un moratoire, mais que les travailleurs et les jeunes se battent pour une répudiation complète de la dette extérieure, comme le préconise le SEP. Les travailleurs et les pauvres ne sont pas responsables des énormes prêts étrangers contractés par des régimes successifs.

Que proposerait Rajapaksha si son appel à un moratoire échouait? La réponse se trouve dans son adulation de Yanis Varoufakis, le ministre des Finances du gouvernement pseudo-de gauche Syriza en Grèce. Ce dernier est arrivé au pouvoir en 2015 en s’engageant à s’opposer aux exigences du FMI, de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne, mais il a abjectement capitulé et imposé des mesures d’austérité qui ont dévasté la classe ouvrière grecque.

* «L’extension planifiée et prévoyante des dépenses de l’État pour la stimulation», qui «peut fournir des investissements et des soutiens accrus de l’État aux petites et moyennes industries effondrées».

Dans le capitalisme, la capacité de l’État à augmenter ses dépenses est avant tout déterminée par les banques et le capital financier international. Déjà accablé de dettes massives, n’importe quel gouvernement capitaliste de Colombo trouverait impossible de fournir une quelconque assistance, même s’il le voulait.

Le PES appelle également à une assistance financière et technique pour les agriculteurs et les petites entreprises. Mais cela ne peut se faire que dans le cadre d’une lutte de la classe ouvrière pour prendre le contrôle des banques et des grandes entreprises. Par-dessus tout, cela nécessite une lutte politique pour un gouvernement ouvrier et paysan.

* « Au lieu de privatiser, les industries doivent être confiées à des travailleurs capables de les gérer».

Cet appel à une gestion des industries par les travailleurs dans le capitalisme n’a strictement rien à voir avec la nationalisation sous contrôle ouvrier qui ne peut être mise en œuvre que lorsque les travailleurs prennent le pouvoir d’État. Sous le capitalisme, une telle démarche au nom de la «gestion des industries par les travailleurs» ne peut que forcer les travailleurs à travailler encore plus dur pour faire des profits pour l’État.

Au cours de sa conférence, Rajapaksha a déclaré à plusieurs reprises que les étudiants étaient la «force sociale active» qui pouvait apporter les «idées de gauche» aux masses. En réalité, les «idées de gauche» de l’IUSF sont un obstacle à la lutte pour le socialisme et ont donc toujours empêché les étudiants de se tourner vers la classe ouvrière.

Son orientation politique est de faire pression sur les gouvernements capitalistes pour qu’ils fassent des concessions. Le président de l’IUSF, Mudalige, en accord avec son mentor universitaire, a colporté ce programme en faillite, déclarant que les réformes peuvent être obtenues en construisant un «pouvoir populaire» hors du parlement. Il a suggéré de manière absurde qu’avec un «large mouvement populaire», «même le gouvernement Wickremesinghe peut réaliser une intervention aussi radicale».

Les jeunes du monde entier, y compris du Sri Lanka, sont en première ligne de la lutte pour le droit à l’éducation et contre le manque d’infrastructures éducatives, le chômage, la dégradation sociale et la répression qui ont leur source dans la crise sans précédent du capitalisme mondial.

La seule façon de lutter pour les droits sociaux et démocratiques est de s’appuyer sur un programme politique visant à éliminer le capitalisme à l’échelle mondiale. Cela signifie qu’il faut se tourner vers la classe ouvrière, la seule force sociale révolutionnaire capable de renverser le capitalisme et de mettre en œuvre le socialisme.

Au lieu de devenir le véhicule d’une campagne pour une politique nationaliste et d’appeler à des réformes au sein du système capitaliste, les étudiants doivent se tourner vers la classe ouvrière et mener une lutte pour son indépendance politique vis-à-vis de tous les partis et agences de la bourgeoisie, y compris des syndicats et des organisations pseudo-de gauche comme le FSP.

Le SEP rejette totalement toutes les formes de nationalisme et de chauvinisme qui ne font que diviser la classe ouvrière. Les luttes des travailleurs au Sri Lanka font partie des puissantes luttes de classe qui se développent dans le monde entier, y compris en Europe et en particulier en France, et aux États-Unis. Le SEP et ses partis frères du Comité international de la Quatrième Internationale luttent pour l’unité des travailleurs sur la base de l’internationalisme socialiste.

Nous appelons les étudiants à former des branches de l’IYSSE dans leurs universités respectives, à rejoindre le SEP, à se tourner vers la classe ouvrière et à lutter pour notre perspective socialiste internationale révolutionnaire.

(Article paru d’abord en anglais le 24  mai 2023)

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