Un fasciste russe ayant des liens avec les principaux néonazis allemands a dirigé l’incursion soutenue par l’Ukraine en Russie

Dans les jours qui ont suvi l’arrêt par l’armée russe de l’incursion de quarante-huit heures menée dans la région de Belgorod, de plus en plus d’informations ont transpiré qui prouvent le caractère ouvertement néonazi des forces impliquées.

Selon le Kremlin, une opération militaire d'envergure impliquant armée de terre, aviation et garde nationale, a permis de tuer 70 membres du Bataillon des volontaires russes d'extrême droite et de la légion ultra-nationaliste Liberté de la Russie, après plus de 24 heures de combat.

Des centaines de bâtiments ont été détruits dans des villages russes au cours de cette attaque, qui comprenait frappes de drones, véhicules blindés produits par les États-Unis et cyberattaque. L’assaut des unités de saboteurs a été préparée par une série de frappes aériennes ukrainiennes, ce qui indique clairement qu’elle a été coordonnée et planifiée par une armée ukrainienne opérant de fait sous le commandement de l’OTAN. C’était la plus grande incursion en territoire russe depuis le début de la guerre entre l’OTAN et la Russie en Ukraine.

Les forces qui l’ont menée étaient des néonazis avérés aux vastes relations internationales, surtout en Allemagne. Denis Kapustin, alias Denis Nikitin, chef du Corps des volontaires russes (RVC), a une importance particulière. Le RVC a été créé en août dernier en Ukraine. Son objectif déclaré est la création d’un État-nation russe «ethniquement pur», sans les dizaines de millions de Russes musulmans et de membres d’autres minorités nationales, religieuses et ethniques qui sont citoyens de la Fédération de Russie. Le RVC utilise des symboles de l’armée Vlasov, qui a collaboré avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale dans leur guerre d’anéantissement contre l’Union soviétique, et divers insignes de l’extrême droite internationale.

Des néonazis du Corps des volontaires russes se préparent à la conférence de presse non loin de la frontière dans la région de Sumy, en Ukraine, le mercredi 24 mai 2023. [AP Photo/Evgeniy Maloletka]

Selon le magazine allemand Der Spiegel, Kapustin est connu sous le nom de «Rex». Les autorités allemandes le considèrent comme «l’une des figures les plus influentes» de la scène néonazie européenne. Kapustin s’est installé adolescent en Allemagne en 2001 et a été interdit d’entrée dans le pays en 2019. Mais ses liens avec la scène néonazie allemande, étroitement liée à l’appareil d’État, restent importants.

Depuis 2008, il dirige la marque de vêtements d’extrême droite «White Rex». Il est devenu une force majeure sur la scène néonazie internationale, et participe à l’organisation de nombreux événements d’extrême droite à grande échelle en Europe. En Russie, Kapustin a été impliqué pendant des années dans le milieu notoirement violent et d’extrême droite des hooligans.

En Allemagne, Kapustin est connu pour entretenir des liens avec deux néonazis de premier plan, Tommy Frenk et Thorsten Heise. Heise est dirigeant du parti néonazi NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschlands) et jouerait également un rôle central dans Combat  18, un réseau terroriste néonazi international. Heise avait également des liens avec le réseau terroriste néonazi allemand NSU, qui a assassiné au moins 10  immigrants. L’État allemand, en particulier son renseignement intérieur (Verfassungsschutz) a largement construit et couvert le NSU.

D’autres membres du RVC sont eux aussi des néonazis notoires, liés à l’État ukrainien et à l’OTAN. Ainsi, le Russe Alexei Liovkin (ou Levkin), qui est membre du Groupe Black Metal  «m8181th», qui signifie prétendument «le Marteau d’Hitler» et ancien membre du bataillon néonazi Azov. Celui-ci a joué un rôle majeur dans la politique ukrainienne depuis le coup d’État de 2014 à Kiev, soutenu par les États-Unis.

Les démentis de Kiev concernant les liens directs avec ces forces néonazies manquent de crédibilité. Selon le Der Spiegel, une semaine avant l’attaque, Kapustin et un dirigeant de la légion Liberté de la Russie ont été photographiés à Kiev juste à côté du siège du renseignement militaire ukrainien. Lors d’interviews accordées en 2022, Kapustin s’était également vanté d’avoir rencontré la moitié des dirigeants de l’armée ukrainienne et avait affirmé être un soldat régulier de l’armée ukrainienne.

Cette incursion est une leçon de choses sur le caractère de la guerre que l’OTAN mène contre la Russie. Contrairement à ce que le New York Times et la Maison-Blanche veulent faire croire aux travailleurs, cette guerre n’a rien à voir avec la défense de la « démocratie ». Elle a bien été provoquée et préparée sur des décennies ; entre autre par l’expansion de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, mais aussi par la promotion et l’armement de forces néonazies qu’on a systématiquement développées en base principale d’une «insurrection» et d’une opération de changement de régime à Moscou. Le but ultime de la guerre est de découper la Russie et l’ensemble de l’ex-Union soviétique selon des critères nationaux et ethniques, afin de placer toute la région sous le contrôle direct de l’impérialisme.

En Russie, l’incursion a suscité d’importantes critiques à l’égard des chefs de l’armée. Un commentaire dans la Nezavisimaya Gazeta souligne qu’un nouveau «mur d’enceinte», érigé pour 10  milliards de roubles en mars dans le but de prévenir d’autres incursions en provenance d’Ukraine, n’avait pas réussi à empêcher l’attaque. Le gouverneur de la région de Belgorod, Viacheslav Gladkov, a déclaré jeudi qu’il avait lui aussi «beaucoup de questions» à poser aux cehfs militaires.

Evgueni Prigojine, chef de la force mercenaire Wagner construite par le service de renseignement militaire russe GRU et opérant comme partie de celui-ci, a accordé une longue interview la semaine dernière, critiquant vivement les chefs de l’armée. Le groupe Wagner a joué le rôle principal dans la prise de Bakhmout mais a annoncé qu’il se retirait de la ville et la remettait à l’armée régulière.

Dans l'interview, Prigozhin a demandé le remplacement du ministre de la Défense Sergei Shuigu et celui du chef d'état-major, Valery Gerasimov. «J'aime ma patrie, je sers Poutine, Shoigu doit être jugé et nous continuerons à nous battre » a-t-il déclaré.

Prigozhin a déclaré que les dirigeants militaires avaient «merdé» encore et encore et a cité l’incursion dans la région de Belgorod comme exemple de nouvel échec de l’armée. Il a averti que l’Ukraine chercherait à pénétrer encore plus profondément en Russie. Il a insisté pour dire que la Russie devait passer complètement à une économie de guerre et mobiliser bien plus d’hommes que les 300.000  mobilisés à l’automne dernier avec l’ordre de mobilisation partielle de Poutine.

Les déclarations les plus remarquables de Prigozhin dans l’interview témoignent des traditions contre-révolutionnaires et réactionnaires où se place non seulement lui mais encore tout le régime oligarchique de Poutine. En attaquant les chefs de l’armée, Prigozhin a évoqué Joseph Staline – chef de longue date de la bureaucratie soviétique et fer de lance de la réaction nationaliste contre la révolution d’Octobre, responsable de l’assassinat de dizaines de milliers de révolutionnaires socialistes et de travailleurs durant la Terreur des années  1930 – comme exemple positif pour Vladimir Poutine. Il a déclaré que dans un tel échec de la direction militaire, «Iosif Vissarionovich [Staline] aurait tiré des conclusions – il aurait fusillé 200  personnes… Mais jusqu’à présent, personne ici n’a tiré de conclusions».

Il a ensuite explicitement mis en garde contre une répétition de la révolution d’Octobre. Fustigeant le mode de vie des enfants de Shoigu et d’autres ministres, il a averti que le mode de vie somptueux des élites en temps de guerre «peut se terminer comme en 1917 par une révolution, où d’abord se soulèveront tous les soldats, et ensuite leurs proches. Il y en a déjà des dizaines de milliers, les parents de ceux qui ont été tués. Et il y en aura probablement des centaines de milliers, on ne peut pas l’éviter».

Les avertissements de Prigozhin révèlent les principales craintes de l’oligarchie russe. Issue de la réaction stalinienne contre la révolution socialiste d’Octobre, qui a culminé dans la destruction de l’Union soviétique et la restauration du capitalisme, elle craint surtout que cette guerre ne conduise, comme la Première Guerre mondiale, à une éruption de mouvements révolutionnaires et que les travailleurs de Russie et d’Ukraine ne renouent avec leurs puissantes et communes traditions politiques marxistes et internationalistes. Cette voie – celle de la lutte révolutionnaire indépendante – est précisément celle que les travailleurs de cette région et du monde doivent emprunter pour arrêter l’escalade de cette guerre vers une Troisième Guerre mondiale nucléaire.

(Article paru d’abord en anglais le 27  mai 2023)

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