La droite espagnole remporte les élections régionales, le vote de Podemos s’effondre

Dimanche, les électeurs se sont rendus aux urnes pour élire les membres de 8.131  conseils municipaux et de 17  assemblées législatives régionales en Espagne. Ces élections étaient largement considérées comme un préambule aux élections devant se tenir en décembre. Lundi, le Premier Ministre espagnol Pedro Sanchez, a annoncé à la surprise générale la tenue d’élections législatives anticipée à la date du 23 juillet.

Le Parti populaire (PP) de droite a remporté les élections alors que le parti d’extrême droite Vox bénéficie d’un soutien grandissant, tandis que les partis du gouvernement espagnol, le Parti socialiste espagnol (PSOE) et le parti de pseudo-de gauche Podemos, ont subi une défaite majeure.

Des personnes font la queue pour voter lors des élections locales à Barcelone, en Espagne, le dimanche  28  mai 2023. [AP Photo/Emilio Morenatti]

Le PSOE a perdu 500.000  voix par rapport aux élections précédentes, passant de 6,7  millions à 6,2  millions de voix, tandis que le PP est passé de 5,1  millions à 6,9  millions de voix. Le PP, seul ou en alliance avec Vox, a remporté toutes les grandes villes d’Espagne, à l’exception de Barcelone. Il a remporté Madrid, Valence, Séville, Valladolid, Palma de Majorque, Saragosse, Cadix, Cordoue, Grenade, Huelva et Jaén.

C’est là une rebuffade humiliante pour le gouvernement PSOE-Podemos, qui a défendu des politiques d’ultra-droite durant ses trois années au pouvoir. Il s’est fait le champion de la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, a réduit les pensions et les salaires, a fait une politique des profits avant les vies dans la pandémie COVID-19 et a augmenté massivement le budget militaire et les renflouements de grandes banques et entreprises. Il a également attaqué sauvagement les chauffeurs routiers et les métallurgistes en grève. Le résultat a été un effondrement de son soutien.

La caractéristique la plus frappante des élections c’est la désintégration complète du vote pour Podemos et ses divers alliés régionaux et scissions. Podemos a perdu tous ses conseillers à Madrid, Valence, Saragosse, Tenerife, Burgos, Valladolid, Vigo et La Corogne. À Barcelone, la maire Ada Colau, soutenue par Podemos, a perdu son poste après huit ans.

Les élections dans les régions espagnoles, aux pouvoirs très importants, qui contrôlent les dépenses dans les services publics clés comme l'éducation, le logement et les soins de santé, donnent une image similaire. Sur les dix régions dirigées par le PSOE ayant voté dimanche, seules les Asturies et la Castille-La Manche ont été conservées. Le PP et Vox ont gagné dans les régions de Valence, d’ Aragon, des Baléares, de Cantabrie et de La Rioja.

Au niveau régional, Podemos a perdu 10  députés régionaux dans la région de Madrid, et huit au parlement valencien, les deux plus importants en jeu. Más Madrid, une scission de Podemos avec une forte présence à Madrid, s’est également effondré. Il a perdu sept conseillers dans la ville de Madrid, tombant à douze. Dans la région de Madrid, bien qu’il ait gagné quatre sièges régionaux, profitant des pertes de Podemos, son vote a néanmoins chuté d’environ 100.000  voix.

Adelante Andalucía, un groupe dirigé par la faction Pabliste Anticapitalistas de Podemos, a perdu la mairie de Cadix au profit du PP. Adelante Andalucía est passé de 13 à 6  conseillers et se retrouve sans représentation dans toutes les autres villes importantes d’Andalousie. Les pablistes ont joué un rôle perfide lors de la répression de la grève des métallurgistes de Cadix en novembre 2021.

La campagne électorale fut un spectacle avilissant, une expression du mouvement incessant vers la droite de la politique bourgeoise européenne. Le PP et le parti d’extrême droite Vox ont surtout absorbé le vote du parti libéral de droite Ciudadanos (Citoyens). En 2019, Ciudadanos avait obtenu 1,9  million de voix, dimanche, à peine 300.000. Podemos et ses diverses scissions ont évité toute discussion sur la guerre et les inégalités sociales, axant leur campagne sur la politique identitaire et les questions promues par l’extrême droite.

La première des deux semaines de campagne a été dominée par des attaques du groupe armé basque défunt ETA, qui a cessé d’exister il y a 12  ans. Cependant, EH Bildu, un parti séparatiste basque, a présenté des candidats ayant appartenu à ce groupe petit-bourgeois. Les attaques terroristes de l’ETA – et même son existence – ont été utilisées pendant des décennies comme l’occasion de supprimer les droits démocratiques.

Le PP et Vox ont appelé à mettre EH Bildu hors-la-loi et le PSOE et Podemos ont participé à cette mascarade de droite. Le chef du gouvernement, Pedro Sánchez, a qualifié la démarche d’EH Bildu de «légale, mais indécente». Le député de Podemos pour la Biscaye, Roberto Uriarte, a exigé que les personnes condamnées pour des «crimes de sang» soient retirées.

La deuxième semaine a été dominée par le «problème des squats». On a dénoncé les squatters pour couvrir le vrai problème de l’accessibilité au logement et du manque de logements locatifs. Les loyers élevés, associés à des salaires médiocres et à la précarité de l’emploi, empêchent de nombreux jeunes de quitter le domicile de leurs parents.

La périphérie politique de Podemos a participé à ce débat, appelant à une action policière contre les squatters. Rita Maestre, candidate à la mairie de Madrid pour la scission de Podemos Más Madrid, a dit dans une interview au quotidien de droite El Mundo que «squatter est illégal et crée des problèmes pour l’harmonie sociale». Maestre a tristement qualifié de «plaisir et de fierté» le fait que Madrid ait accueilli le sommet de l’OTAN l’an dernier, où les principales puissances impérialistes ont comploté la guerre contre la Russie et la Chine.

À Barcelone, la maire Ada Colau, soutenue par Podemos, a approuvé la répression policière après l’apparition d’une vidéo montrant la police anti-émeute de la ville en train de tabasser deux éducateurs d’activités extrascolaires. Colau, autrefois surnommée «maire du changement», est connue pour sabrer les dépenses, attaquer les travailleurs des transports publics en grève et persécuter les migrants.

L’année dernière, elle a rencontré en Ukrainele maire d’extrême droite de Kiev Vitali Klichkó, lui a promis de l’argent pour de l’aide et des camions de pompiers, tout en dénonçant les «crimes contre l’humanité» de Poutine. Elle s’est exclamée: «L’Ukraine, c’est l’Europe».

Tout au long de la campagne, Podemos et sa nouvelle scission, Sumar, ont redoublé d’efforts dans la politique identitaire. Yolanda Díaz, vice-première ministre et candidate à l’élection législative, s’est félicité à un débat électoral à une heure de grande écoute que seules des femmes y assistaient. «Les hommes sont élevés pour faire la guerre. Ils sont très guerriers», a-t-elle déclaré, ajoutant que les hommes hétérosexuels étaient ennuyeux.

Díaz fait partie d’un gouvernement qui entraîne et arme des soldats ukrainiens pour combattre la Russie pour le compte de l’OTAN, tout en doublant la présence des troupes espagnoles en Europe de l’Est.

Sur le COVID-19, Podemos a centré sa critique de la Première ministre de droite de la région de Madrid, Isabel Ayuso, sur la corruption plutôt que sur la politique des profits avant les vies qui a tué plus de 11.000  personnes âgées dans la région. On les a laissé mourir de la façon la plus cruelle imaginable dans les maisons de retraite. Podemos est resté silencieux à ce sujet, lui qui a mis en œuvre la même politique au plan national, ce qui a coûté 160.000  vies et des millions d’infections.

Les élections régionales étaient largement considérées comme préparant le terrain pour les élections législatives. La survie du gouvernement PSOE-Podemos est désormais fortement remise en question. Il également possible qu’une coalition d’extrême droite composée du Parti populaire (PP) conservateur et du parti néofasciste Vox prenne le pouvoir – la première fois que l’extrême droite reviendrait au pouvoir depuis l’effondrement de la dictature fasciste de Franco dans les années  1970.

La politique du gouvernement PSOE-Podemos suscite une opposition explosive et de gauche dans la classe ouvrière. Mais les partis de la pseudo-gauche qui soutiennent Podemos agissent pour bloquer la formation de toute organisation qui conteste Podemos sur sa gauche. La possibilité d’une victoire de la droite est réelle et croissante.

Pour vaincre le virage de la bourgeoisie européenne vers la guerre et la politique fasciste, il faut construire une avant-garde révolutionnaire trotskyste dans la classe ouvrière, qui permette de surmonter le rôle contre-révolutionnaire de partis comme Podemos. La seule façon de lutter contre la guerre, la paupérisation et la montée de l’extrême droite est que la classe ouvrière lutte sur la base de son propre parti et programme. Cela nécessite une rupture d’avec le PSOE et Podemos, et une lutte pour construire des sections du Comité international de la Quatrième Internationale luttant pour le socialisme, en Espagne et à l’international.

(Article paru d’abord en anglais le 29  mai 2023)

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