Boris Johnson démissionne du parlement après avoir été reconnu coupable de mentir sur les fêtes tenues durant la pandémie

La démission de l'ancien Premier ministre Boris Johnson du Parlement le 9 juin est une étape importante dans la virulente guerre de factions au sein d'un gouvernement conservateur détesté.

La cause immédiate de la démission de Johnson a été la conclusion à laquelle est parvenue une enquête de la Commission des privilèges parlementaires, composée de sept députés, sur la tenue de fêtes illégales au Parlement et, à mesure que le scandale se développait, également à la résidence de campagne de Johnson, Checkers, durant les confinements de la pandémie.

Boris Johnson quitte sa maison de Londres, le mercredi 22 mars 2023. L'ex-Premier ministre britannique a été interrogé mercredi 7 juin par un comité de législateurs sur la question de savoir s'il avait induit le Parlement en erreur au sujet des fêtes illégales dans les bâtiments gouvernementaux pendant la pandémie de coronavirus. [AP Photo/Alberto Pezzali]

La commission parlementaire, dirigée par Harriet Harman du Parti travailliste mais avec une majorité de quatre députés conservateurs, a conclu que Johnson avait fait des déclarations inexactes au point d’être irresponsables et avait délibérément menti aux députés lors du scandale du «Partygate» ; ceci, aggravé par des affirmations inexactes faites sous serment lorsqu'il a été interrogé par la commission. L'outrage délibéré au Parlement signifiait que la commission recommanderait plus que la suspension de 10 jours requise et déclencherait une élection pour le siège parlementaire de Johnson dans une circonscription très contestée pouvant forcer la tenue d’une élection partielle.

Johnson a eu accès au rapport de la commission à l'avance par l'intermédiaire de ses avocats. On lui a dit séparément que le gouvernement ne demanderait pas aux députés conservateurs de voter contre les sanctions recommandées par la commission. Johnson avait également conclu un accord avec le Premier ministre Rishi Sunak pour approuver sa liste d’honneur de démission, récompensant ses alliés dans le scandale du « Partygate » et plus de 40 de ses plus proches collaborateurs.

Cette liste comprenait des ordres de Mérite promouvant les députés Nadine Dorries, Alok Sharma et Nigel Adams à la Chambre des Lords. Mais lorsque Johnson a vu la liste vendredi, deux autres intéressés récompensés comme donateurs du Parti conservateur, David Ross et Stuart Marks n'y figuraient pas, ajoutant à son amertume personnelle. Dorries a démissionné de son siège juste avant Johnson. Adams l'a fait samedi, laissant le Premier ministre Sunak affronter trois élections partielles.

Dans sa déclaration de démission, Johnson a accusé Sunak et ses partisans de collaborer avec les travaillistes et d'autres pour le destituer afin de contrecarrer le Brexit et de trahir les valeurs conservatrices. Il a décrit la commission des privilèges comme un tribunal de pacotille, « déterminé à utiliser les poursuites contre moi pour me chasser du parlement », sans « la moindre preuve que j'aie sciemment ou de façon irresponsable induit la Chambre des communes en erreur ».

« Il faillait s’attendre à ce que le Parti travailliste, les libéraux démocrates et le Parti national écossais [SNP] fassent tout en leur pouvoir pour m’exclure du parlement », a-t-il écrit ; mais il y avait « actuellement des députés conservateurs » qui voulaient « prendre vengeance pour le Brexit et finalement pour renverser le résultat du référendum de 2016. Mon retrait est la première étape nécessaire, et je pense qu'il y a eu une tentative concertée pour y parvenir. »

Sunak ne tirait « pas le meilleur parti du Brexit », y compris en réduisant « les impôts des entreprises et des particuliers » et abandonnait « passivement la perspective d'un accord de libre-échange avec les États-Unis », forçant la démission de Johnson « au moins pour le moment ».

Les spéculations dans les milieux conservateurs tendent à la conclusion que cela pourrait être le point culminant d’une révolte des partisans de Johnson, malgré la prédiction initiale d'une demi-douzaine d'autres démissions. Le Sunday Times a écrit que la rébellion s'était « éteinte », comme cela s'était produit avec sa précédente menace de révolte en mars visant à bloquer l'accord-cadre de Sunak à Windsor sur l'Irlande du Nord, qui n'avait mobilisé que 21 députés.

D'autres ont prédit que Johnson n'avait pas envie de se battre rapidement pour retrouver son siège au Parlement, pas en se présentant pour le siège sûr de Dorries dans le Mid-Bedfordshire ou même aux prochaines élections législatives. Le Guardian cite ainsi un ami proche de Johnson: « Il gagne beaucoup d'argent. Il a besoin d'argent. Il aime l'argent. »

Mais cela ne fera rien pour résoudre la crise à laquelle est confronté le gouvernement. Comme le WSWS l'a expliqué à propos de la démission de Johnson de son poste de Premier ministre en juillet 2022, « la bourgeoisie britannique est en proie à une crise politique qui a ses racines dans un effondrement du capitalisme mondial, une pandémie qui fait toujours rage, une spirale inflationniste mondiale, une guerre commerciale, l'éruption de la guerre et, surtout, la résurgence de la lutte des classes » en Grande-Bretagne et dans le monde.

L'objectif du quartier général conservateur, depuis la révolution de palais qui commença avec la démission en masse de 58 députés et qui est parvenue à destituer Johnson comme Premier ministre, a été d'éloigner le parti d'une figure profondément polarisante qui menaçait sa capacité de faire la guerre contre la classe ouvrière et contre la Russie en Ukraine.

Johnson est devenu le premier dirigeant d'un grand pays impérialiste à devoir quitter le pouvoir pendant la guerre de l'OTAN avec la Russie, parce que, comme l'a expliqué le WSWS, « malgré ses promesses d'imposer des politiques économiques et sociales thatchériennes et son insistance sur le fait qu'il ne devait pas être démis de ses fonctions en temps de guerre », de nombreux députés conservateurs et figures éminentes de Washington « le considéraient comme un boulet, incapable d’accomplir ni l’un ni l’autre ».

Cela a tout de suite très mal tourné lorsque les partisans d’un Brexit dur au sein du parti ont choisi la catastrophe ambulante Liz Truss pour le remplacer, avant qu'elle ne soit chassée de ses fonctions et remplacée par Sunak pour avoir tenté de remettre des milliards aux super-riches sans imposer d’abord les brutales coupes budgétaires exigées par les investisseurs internationaux.

La sortie tardive de Johnson du parlement alors qu'il se lance dans des tournées de conférences et peut-être des passages à la télévision ne laisse derrière lui pour des millions de travailleurs qu'une plaie politique purulente.

Personne ne croit qu'il ait été seul à imposer la politique COVID meurtrière qui a fait plus de 200 000 morts et laissé des centaines de milliers de gens endeuillés ou souffrant de covid long. De plus, sa chute initiale est survenue alors que l'opposition massive de la classe ouvrière à des décennies d'austérité déclenchait une vague de grèves auxquelles ont participé cheminots, postiers, soignants, médecins, ambulanciers, enseignants, travailleurs des collectivités locales et fonctionnaires et dont les attaques de Sunak n’ont fait qu’accentuer les mobilisations.

Cela s'est développé dans des conditions où des millions de travailleurs entraient également en lutte à l'international, comme dans les manifestations contre la réforme des retraites du gouvernement Macron en France qui ont vu la plus grande mobilisation de la classe ouvrière depuis la grève générale de mai-juin 1968.

Le facteur le plus déterminant garantissant qu'il n'y aura pas de retour à la stabilité politique est l'escalade de la guerre non déclarée de l'OTAN avec la Russie. Le gouvernement Sunak est à l’unisson avec l'administration Biden pour préparer la voie à une confrontation directe entre les forces de l'OTAN et la Russie, dont la contre-offensive ukrainienne et ses attaques directes en territoire russe et en mer Noire est le prélude.

Les divisions au sein de l'élite dirigeante sont dans ces conditions inévitables.

La démission de Johnson est intervenue le jour même où l'ex-président américain Donald Trump était inculpé pour avoir conservé des documents militaires top secrets à des fins personnelles, dont des discussions de haut niveau sur la guerre. Dimanche a eu lieu l'arrestation puis la libération ultérieure sans inculpation – dans l'attente d'une enquête plus approfondie – de l'ancienne cheffe du SNP et Première ministre écossaise Nicola Surgeon, sur fond de lutte interne entre factions, centrée sur les finances du parti.

De telles divisions ne sont que le signe avant-coureur et l’accélérateur du conflit plus fondamental entre la classe ouvrière et des régimes capitalistes préconisant l'austérité et la guerre au plan international.

Les conservateurs n'ont pu rester au pouvoir que parce que la classe ouvrière a été systématiquement démobilisée et empêchée d'intervenir. Jeremy Corbyn a utilisé sa position à la tête du Parti travailliste de 2015 à 2019 pour s'opposer à toute lutte contre la droite du parti ou contre les gouvernements conservateurs dirigés par David Cameron, Theresa May puis Johnson.

Le tweet tardif de son successeur, Sir Keir Starmer, samedi à 22h 15, exigeant que Sunak « trouve enfin une colonne vertébrale » et « convoque des élections », est rédigé par quelqu'un qui a passé trois ans à préparer le Parti travailliste pour prendre la relève de l'austérité et de la guerre en vue d’une probable défaite des conservateurs.

La bureaucratie syndicale a joué le rôle central dans l’étouffement systématique et la trahison où c’était possible de la marée montante des grèves, alors même que les conservateurs préparaient le cadre législatif pour criminaliser grèves et manifestations. Mais la bureaucratie travailliste et syndicale s'est par là massivement discréditée aux yeux de millions de travailleurs. Cela crée les conditions pour que la classe ouvrière se libère de son emprise, à condition qu'elle soit armée d'un programme de lutte socialiste.

(Article paru en anglais le 11 juin 2023)

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