Des dizaines de milliers d’internes vont faire grève dans toute l’Angleterre pendant trois jours, dans le cadre d’un conflit de longue date portant sur les salaires et les conditions de travail. Cette grève est la dernière d’une série impliquant depuis décembre dernier des centaines de milliers de travailleurs du National Health Service (NHS).

À l’appel de l’Association médicale britannique (British Medical Association – BMA), la grève a commencé hier matin et est la première depuis une grève de quatre jours en avril, qui faisait suite à une grève de trois jours en mars.

La grève qui affecte chaque “NHS Trust” aura un impact majeur. Lors du débrayage d’avril, 196.000  rendez-vous à l’hôpital et opérations préprogrammées ont été annulés et reprogrammés. Depuis décembre, plus de 300.000  opérations et rendez-vous ont été touchés.

Des médecins et soignants chevronnés ont été recrutés pour assurer les soins d'urgence, ce qui a eu des répercussions sur l'ensemble du Système national de santé.

La BMA avait initialement demandé une augmentation de 35  pour cent des salaires pour remédier à une baisse des salaires en termes réels sur 15 ans de plus de 26  pour cent jusqu'en 2022, et à un nouvel effondrement depuis lors – avec une inflation RPI de plus de 13  pour cent cette année-là. Bien que la direction de la BMA ait déclaré être prête à accepter une baisse des salaires, le gouvernement conservateur a refusé de bouger. Après plusieurs cycles de négociations, les conservateurs ne proposent qu'une augmentation de salaire de 5  pour cent et un versement unique de 1.500 livres. Le gouvernement a refusé d'entamer d'autres négociations tant que la BMA ne s'engageait pas à mettre fin à toute action de grève.

La BMA veut à tout prix mettre fin à la grève et cherche à obtenir une offre salariale légèrement améliorée qu’elle espère pouvoir vendre à ses membres sans déclencher de rébellion comme celle du Collège royal des infirmières (Royal College of Nursing). Lors de l’émission Sophie Ridge Dimanche, diffusée sur Sky, Robert Laurenson, président du comité des internes de la BMA, a répondu, après qu’on lui ait demandé de s’excuser auprès de la population pour les grèves encore à venir: «Les grèves n’ont pas besoin d’avoir lieu, le gouvernement peut s’asseoir à la table des négociations et nous faire une offre crédible».

Interrogé pour savoir si la BMA était toujours attachée à l’augmentation de 35  pour cent, Laurenson a seulement déclaré qu’un accord salarial de 10  pour cent ne serait pas suffisant et qu’un accord étalé sur plusieurs années suffirait. «Nous sommes heureux d’envisager un étalement sur plusieurs années, mais nous devons travailler avec les gouvernements pour comprendre où ils en sont et ce qu’ils pensent être abordable».

Les internes font partie d’un effectif de plus d’un million de salariés au sein du NHS, mais à part une petite section de membres du syndicat Unite, aucun groupe important de travailleurs de la santé ne fera grève à leurs côtés. Les précédentes grèves des travailleurs du NHS – y compris des internes – ont été isolées et limitées à 24 ou 48  heures alors que les syndicats menaient des négociations en coulisses en vue d’une capitulation. Le point culminant en fut la réunion du Conseil du personnel du NHS le 2  mai où 12  syndicats représentant les travailleurs de la santé en Angleterre – à l’exception des médecins et dentistes – ont voté à la majorité pour accepter une hausse de salaire de 5  pour cent, inférieure à l’inflation, pour 2023-2024 ainsi que deux paiements non consolidés pour 2022-2023 au titre du cadre salarial de l’Agenda pour le changement.

Le principal syndicat d’infirmières, le RCN, qui compte 280.000  membres en Angleterre, aurait accepté l’accord pourri du Conseil du personnel du NHS si ses membres en Angleterre n’avaient déjà voté en avril pour rejeter cette offre dérisoire ; cela au mépris d’une recommandation d’acceptation de la part de la direction et de la secrétaire générale, Pat Cullen. Le syndicat Unite, qui compte environ 100.000  membres au NHS, dont des milliers d’ambulanciers, a voté contre.

Depuis, le RCN n’a pas autorisé une seule grève et Unite n’a appelé qu’à quelques arrêts de travail symboliques, ses membres du Service d’ambulance des Midlands de l’Ouest (West Midlands Ambulance Service) s’étant mis en grève le 12  juin. Mercredi, pour une seule journée coïncidant avec la grève des internes, les membres de Unite de l’Hôpital Christie de  Manchester et de l’Hôpital de la ville de Birmingham feront grève.

La BMA a divisé ses membres par tous les moyens possibles. Mardi, BMA Scotland a annoncé que «les internes écossais ont voté de manière concluante pour rejeter l’offre salariale faite par le gouvernement écossais». Lors d’un vote consultatif, 71,1  pour cent de ses membres ont rejeté une offre salariale du gouvernement du Parti national écossais (SNP) tout aussi dérisoire que celle des conservateurs. La BMA a présenté l’offre de 14,5  pour cent sur deux ans sans recommandation.

Ses membres ayant rejeté l’offre, BMA Scotland n’a eu d’autre choix que d’annoncer une grève. Mais celle-ci n’aura lieu que dans un mois, sur trois jours, du  12 au 15  juillet. La BMA a fait cette annonce sous réserve qu’elle « pense qu’une action peut encore être évitée si le gouvernement écossais revient à toute nouvelle négociation avec une meilleure offre qui commence de manière convaincante à inverser les 15  années d’érosion salariale que les internes ont endurées en Écosse».

On n’aurait pu écrire déclaration plus diviseuse 24 heures seulement avant que des dizaines de milliers d’internes du même syndicat ne fassent grève en Angleterre. Le texte de 767 mots ne contient pas une seule mention de la grève commencée hier au sud de la frontière.

Cette grève aura lieu séparément des grèves de deux jours des consultants du NHS – les médecins les plus expérimentés du service de santé – et des radiographes, prévues pour les 20 et 21  juillet, à condition que le scrutin devant se terminer le 27  juin soit un succès. Un vote consultatif a produit une majorité de 86  pour cent. En cas de grève des 17.000  internes, seule la «couverture du jour de Noël» serait assurée, ce qui signifie que les services d’urgence seraient interrompus ainsi que tous les services de routine.

La bureaucratie syndicale a déjà saboté toutes les grèves dans les secteurs public et privé, qu’elles soient dirigées par des gens de droite ou par des gens se disant de gauche, comme c’est le cas pour les dirigeants des internes. Si les internes et leurs collègues titulaires ne veulent pas subir le même sort, le conflit doit être retiré des mains de la BMA.

Les travailleurs de la santé en Grande-Bretagne, dans toute l’Europe et à l’international font face à une offensive si féroce de la part de l’élite dirigeante parce que celle-ci considère des salaires, des conditions de travail et des retraites décents comme un obstacle intolérable à que les gouvernements poursuivent la guerre contre la Russie et développent leurs machines de guerre en dépensant des sommes faramineuses. Toutes les dépenses sociales de santé, d’éducation, de logement et d’aide sociale doivent être démantelées, un objectif majeur étant la privatisation totale du NHS.

NHS FightBack, une initiative du Parti de l'égalité socialiste, exhorte les médecins à lutter pour la formation de comités de la base, indépendants de la bureaucratie de la BMA. En prenant le contrôle du conflit, ces comités peuvent tendre la main aux soignants et autres travailleurs du NHS pour organiser une contre-offensive contre le gouvernement Sunak et les gouvernements décentralisés d'Écosse et du Pays de Galles, qui cherchent à imposer des attaques similaires sur les salaires et les conditions de travail.

Nous exhortons les soignants et les travailleurs de la santé à contacter NHS FightBack pour faire avancer cette lutte dès aujourd'hui.

(Article paru d’abord en anglais 14 June 2023)