Italie : 10.000 travailleurs au sol des aéroports en grève dans tout le pays

Quelque 10.000 travailleurs au sol des aéroports italiens ont mené une grève d’avertissement de huit heures le samedi 15 juillet, de 10h00 à 18h00. En conséquence, près de 1.000 vols ont dû être annulés et environ un quart de million de passagers ont été affectés.

Des passagers consultant l’affichage des vols à l'aéroport international Leonardo da Vinci de Rome. [AP Photo/Andrew Medichini]

Le service de presse italien ANSA a rapporté qu’un «silence surréaliste» régnait dans les terminaux de Linate et Malpensa, les deux aéroports de Milan. La grève a fortement touché les aéroports de Roma-Fiumicino, Bologna-Marconi, Venezia Marco Polo et Caselle Torinese. Elle a aussi touché Naples, Bari, Palerme, Gênes et Venise, où de nombreux avions sont restés au sol. Elle a affecté l’ensemble du pays, de Milan à Catane.

La grève a été suivie à presque cent pour cent. À l'aéroport international Leonardo da Vinci de Rome, 99 pour cent des travailleurs au sol interrogés ont voté en faveur de la grève, et dans toute l'Italie, les appels à la grève nationale étaient clairs. En conséquence, les syndicats ont été contraints d'appeler à une grève de huit heures le 15 juillet, impliquant le personnel de piste, les services d'assistance au sol et les services d'enregistrement.

La déclaration de leur porte-parole, Sara Di Marco, (FILT-CGIL) sur l’impact économique de la grève montre bien que les syndicats ont agi sous la pression. Elle a déclaré que son organisation n’avait aucunement l’intention de «nuire à d’autres collègues», mais que les travailleurs avaient contraint le syndicat à se mettre en grève après que le gouvernement eut refusé de négocier avec les syndicats.

Les syndicats des transports impliqués dans la grève sont la FILT-CGIL, la FIT CISL, Uiltrasporti et UGL Trasporto Aereo. Leur principale revendication concernait la convention collective couvrant les salaires des travailleurs des services au sol dans les aéroports, qui a expiré il y a des années. Le contrat des travailleurs des services de piste, qui chargent et déchargent les avions et s’occupent de tous les bagages, date de décembre 2015 et a expiré il y a six ans et demi. Pendant cette période, l’inflation a dévoré les salaires.

Les employés de l’aire de trafic travaillent dans des conditions épouvantables sur le tarmac brûlant de l’aéroport. L’Italie connaît actuellement une vague de chaleur sans précédent, avec des températures record atteignant 48 degrés Celsius (118 degrés Fahrenheit). Même avec des couvre-chefs, des protège-cous et de l’eau potable gratuite, ces travailleurs, qui n’ont aucun moyen d’échapper à la chaleur, risquent l’insolation ou l’arrêt circulatoire. En automne et en hiver, ils sont à nouveau exposés au vent et aux intempéries.

Malgré leurs efforts considérables, ces travailleurs gagnent un salaire de misère. Selon le site Worldsalaries, le revenu mensuel brut des personnes qui travaillent pour les prestataires de services aéroportuaires italiens se situe entre 1.300 et 4.150 euros par mois. Cela comprend le personnel de guichet, les agents de sécurité et les employés de contrôle et d’administration.

Le personnel des aires de trafic se situe au bas de l’échelle. Le salaire des manutentionnaires non qualifiés peut être si bas qu’ils ne gagnent que 800 euros. En moyenne, le salaire des manutentionnaires d’aéronefs est d’environ 1.400 euros nets. Pour une chambre individuelle à Rome, le loyer type est d’environ 600 euros. À Milan, les frais de subsistance mensuels s’élèvent à eux seuls à au moins 1.200 euros.

Cette grève est la deuxième à perturber le trafic aérien italien cet été, après une grève de 24 heures dans les aéroports le 20 juin. Elle s’inscrit dans la vague croissante de révoltes des travailleurs à travers l’Europe, ce que le gouvernement italien a manifestement compris.

Deux jours plus tôt, les cheminots italiens de la compagnie ferroviaire publique Trenitalia, ainsi que ceux du groupe privé Italo ont entamé une grève de 24 heures pour lutter contre les heures supplémentaires persistantes, les bas salaires et le manque de personnel. La grève devait durer jusqu’à vendredi 14 juillet au soir.

Mais le vice-chancelier italien, Matteo Salvini (Lega), qui est également ministre des Transports, a catégoriquement interdit la poursuite de la grève pour un deuxième jour. En violation du droit de grève garanti par la Constitution, Salvini a également menacé les travailleurs au sol des aéroports d'une interdiction de grève.

«Je n’accepte pas que certains syndicats fassent obstruction à l’Italie. Ils causent des désagréments et des préjudices à des millions de travailleurs italiens et de touristes étrangers», s’est emporté Salvini. «Si le bon sens ne l’emporte pas, je suis prêt à intervenir, comme je l’ai déjà fait, pour empêcher le blocage total des trains».

Toutefois, il n’a pas pu empêcher plusieurs équipages aériens de reprendre et d’étendre la grève le jour même. Les pilotes et les hôtesses de l’air de nombreuses compagnies aériennes subissent également suppressions d’emplois et salaires de misère, la conséquence des attaques du gouvernement et de la concurrence mondiale impitoyable dans le transport aérien.

Les pilotes de Malta Air, qui exploitent les vols Ryanair en Italie, ont entamé une grève unitaire de 12h00 à 16h00 le même samedi. Chez Vueling Airline, les pilotes et le personnel de cabine ont fait grève de 10h00 à 18h00. La grève chez Malta Air a également affecté les avions-exploités par ITA Airways, l’ancienne Alitalia, qui a dû annuler un total de 133 vols ce jour-là.

Chez Ryanair, la grève a également entraîné l’annulation de 120 vols à l’aéroport de Bruxelles-Sud Charleroi en Belgique, et Ryanair a déclaré qu’on devait s’attendre à des annulations et à des restrictions sur les vols à destination et en provenance d’Italie. Les pilotes de Ryanair luttent toujours pour que leurs salaires retrouvent leur niveau d’avant la pandémie. Les syndicats avaient accepté d’importantes réductions de salaire durant la période de la pandémie, qui n’ont pas encore été récupérées, sans même parler de compenser l’inflation galopante.

Les arguments en faveur d’une grève commune et transnationale dans le transport aérien européen sont évidents. Mais une telle grève nécessite une rupture d’avec les bureaucraties syndicales qui, effrayées par le succès des grèves des cheminots, travailleurs au sol et pilotes ces derniers jours, cherchent à engager au plus vite de nouveaux pourparlers avec Matteo Salvini et le gouvernement Meloni. Ce qui est nécessaire est la formation de comités d’action de la base indépendants qui rejoignent l’Alliance internationale des travailleurs des comités de base (initiales anglaises IWA-RFC).

(Article paru d’abord en anglais le 22 juillet 2023)

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