Perspective

La faillite de Yellow Corp: Une attaque brutale contre la classe ouvrière

Yellow Corp, cinquième entreprise de camionnage des États-Unis, a mis fin à ses activités et licencié 30.000 chauffeurs, ouvriers d’entrepôt et employés de bureau dans l’ensemble des États-Unis. L’entreprise devrait se placer sous la protection de la loi sur les faillites auprès d’un tribunal fédéral cette semaine.

La faillite de Yellow et les licenciements massifs constituent un acte d’intimidation impitoyable à l’encontre de tous les travailleurs. Face à un mouvement de plus en plus militant de la classe ouvrière, l’administration Biden a décidé de permettre à l’entreprise de se placer sous la protection de la loi sur les faillites en guise d’avertissement, une mesure qui vise en particulier les 340.000 chauffeurs et les autres employés d’UPS qui commenceront à voter sur un accord de capitulation soutenu par l’appareil syndical des Teamsters cette semaine.

Bien que le président général des Teamsters, Sean O’Brien, ait qualifié l’accord UPS d’«historique», il provoque une tempête d’opposition de la part de la base parce qu’il maintient les salaires de misère des travailleurs à temps partiel, qui comptent pour les deux tiers de la main-d’œuvre, et inclut un gel de fait des salaires réels des livreurs de colis et une réduction des paiements de pension dans les États de l’Ouest.

Plus de 22.000 travailleurs de Yellow étaient prêts à se mettre en grève le 24 juillet après que l’entreprise ait renoncé à verser les pensions au début du mois. Cependant, la bureaucratie des Teamsters a soudainement annulé la grève, affirmant qu’elle avait conclu un accord avec Yellow pour payer son obligation de pension de 50 millions de dollars dans les deux semaines.

Il est désormais clair que la direction du syndicat des Teamsters n’avait aucunement l’intention de déclencher une grève chez Yellow et que son annonce justifiant la décision était basée sur des mensonges. La bureaucratie syndicale savait pertinemment que l’entreprise se dirigeait vers la faillite, mais elle était déterminée à empêcher une grève, de peur qu’elle n’enhardisse les travailleurs d’UPS et d’autres sections de la classe ouvrière. Le président des Teamsters, O’Brien, a clairement indiqué qu’il ne mènerait même pas le semblant d’une lutte contre les licenciements massifs en déclarant au cours du week-end: «Les nouvelles d’aujourd’hui sont malheureuses, mais pas surprenantes».

En fait, l’entreprise a profité du répit que lui ont accordé les Teamsters pour retirer du fret de ses quais et mettre ses camions et autres équipements aux enchères. Les tribunaux des faillites seront utilisés pour permettre aux propriétaires de Yellow de réduire leurs obligations envers les employés, de démanteler l’entreprise et de racheter les actifs restants à des prix défiant toute concurrence.

Des dizaines de milliers de travailleurs de Yellow se retrouvent brusquement au chômage, et les conséquences seront dévastatrices. Au siège de l’entreprise à Overland Park, au Kansas, où plus de 4.000 employés de bureau ont été licenciés, KCTV a rapporté que les employés ayant neuf ans ou moins d’ancienneté ne recevront que deux semaines de salaire en guise d’indemnité de départ. «C’est très dur», a déclaré un employé de bureau, «nous sommes nombreux ici et nous inondons le marché [de l’emploi]».

Les responsables du syndicat les Teamsters sont toujours engagés dans des discussions à huis clos avec l’entreprise au sujet de nouvelles concessions. Cependant, le président des Teamsters, Sean O’Brien, et le reste de la bureaucratie cherchent avant tout à empêcher toute grève qui renforcerait la position des 340.000 membres des Teamsters chez UPS. Deux jours seulement après l’annonce de l’accord avec Yellow, O’Brien a annoncé qu’il avait conclu un accord avec UPS, qui évite ainsi une grève qui devait commencer à 23h59 lundi soir.

L’accord avec UPS a sans aucun doute été négocié par le gouvernement Biden. Biden s’est appuyé sur la bureaucratie syndicale pour maintenir les augmentations de salaire en dessous du taux d’inflation et pour empêcher les grèves qui perturberaient la poursuite de la guerre par procuration des États-Unis contre la Russie et les plans d’une guerre encore plus importante contre la Chine. Alors que la Maison-Blanche et le Congrès sont prêts à utiliser des lois antigrève contre les travailleurs d’industries clés – comme ils l’ont fait contre les cheminots l’année dernière – ils préfèrent utiliser les services de la bureaucratie syndicale pour éviter un affrontement politique direct avec des sections de plus en plus militantes de la classe ouvrière.

La classe dirigeante américaine et ses serviteurs de la bureaucratie syndicale utilisent la fermeture de Yellow et la perspective d’un chômage de masse pour repousser les revendications des travailleurs qui veulent des augmentations salariales importantes pour contrer l’impact de l’inflation et des décennies de baisse des salaires réels. Deux jours seulement avant que Yellow ne ferme ses portes, la Réserve fédérale américaine a relevé ses taux d’intérêt à leur plus haut niveau depuis vingt ans, dans le cadre d’une politique délibérée visant à faire grimper le chômage et à contrer le «marché du travail tendu» qui, selon le Wall Street Journal, «permet aux travailleurs de négocier des salaires élevés, ce qui rend plus difficile la réduction de l’inflation».

Elle coïncide également avec les menaces des dirigeants de l’industrie automobile, dont Carlos Tavares, PDG de Stellantis, selon lesquelles les travailleurs doivent accepter d’importants reculs en matière de salaires et d’avantages sociaux, faute de quoi ils devront faire face à de nouvelles fermetures d’usines et à des licenciements massifs. Les contrats de 150.000 travailleurs de l’automobile aux États-Unis et de 20.000 autres au Canada expirant à la mi-septembre, Tavares a déclaré que le nombre d’usines et de travailleurs que l’entreprise conserverait aux États-Unis «dépendait des coûts de production totaux que nous pouvions atteindre aux États-Unis avec nos fournisseurs et dans nos propres usines».

La liquidation de Yellow est motivée par les intérêts les plus parasitaires de Wall Street. En 2019, la société de capital-investissement Apollo Global Management a essentiellement pris le contrôle de l’entreprise criblée de dettes, lui accordant une ligne de crédit de 600 millions de dollars et profitant ensuite de ses relations avec le gouvernement Trump pour obtenir un prêt d’aide à la pandémie de 700 millions de dollars auprès du Trésor américain, au motif douteux que l’entreprise était essentielle à la «sécurité nationale».

Avec près de 600 milliards de dollars d’actifs gérés, Apollo a une longue histoire d’endettement des entreprises en difficulté, de collaboration avec les syndicats pour attaquer les emplois, les salaires et les retraites des travailleurs, avant de vendre ou de liquider les entreprises dépouillées de leurs actifs. Dans l’un des cas les plus célèbres, Apollo s’est associé à d’autres sociétés de capital-investissement pour arracher des concessions massives aux mineurs de charbon de Warrior Met en Alabama, qui ont mené une grève héroïque de deux ans avant qu’elle ne soit trahie par le syndicat United Mine Workers.

Au cours des quatre dernières décennies, les tribunaux américains des faillites ont été utilisés pour dépouiller les travailleurs de leurs moyens de subsistance et assurer l’enrichissement continu de l’oligarchie financière. La liste des employeurs comprend Continental, Eastern, United, American et d’autres compagnies aériennes, d’innombrables entreprises sidérurgiques, de fournisseurs de pièces automobiles et de charbon, GM, Chrysler, Delphi et Visteon, ainsi que la ville de Detroit, où les pensions et les prestations de santé des travailleurs municipaux ont été radicalement diminuées, et les actifs publics liquidés lors de la plus grande faillite municipale de l’histoire des États-Unis il y a dix ans.

L’attaque contre les travailleurs de Yellow peut et doit être stoppée. Mais les travailleurs doivent retirer la lutte des mains de la bureaucratie syndicale des Teamsters en organisant des comités de base qui transféreront le pouvoir de décision aux chauffeurs et aux travailleurs des entrepôts. Ces comités doivent établir des lignes de communication directes avec d’autres travailleurs d’autres entreprises de camionnage et d’UPS afin de préparer des grèves conjointes pour exiger des emplois sûrs et bien rémunérés pour tous les travailleurs.

Ces comités doivent revendiquer l’ouverture des livres de comptes de Yellow à l’examen public, y compris la divulgation complète de tous les actifs de l’entreprise et des paiements aux créanciers, y compris le département du Trésor américain. La garantie des emplois, des salaires et des pensions de tous les travailleurs doit être prioritaire, et toutes les ressources gaspillées pour les salaires et les honoraires des dirigeants d’entreprise, des investisseurs de Wall Street et des bureaucrates syndicaux doivent être entièrement récupérées.

Surtout, la propriété capitaliste privée de l’industrie du transport routier s’est avérée être un désastre pour les consommateurs et les travailleurs: que ce soit la perte massive d’emplois après la déréglementation, jusqu’au récent «massacre» dans le transport routier qui a vu la disparition de milliers d’entreprises, la réduction impitoyable des coûts et l’augmentation de la cadence de travail par Amazon, et les horaires malsains et épuisants que vivent tous les chauffeurs, y compris les propriétaires exploitants. L’industrie du transport routier doit être transformée en entreprise publique, détenue collectivement et dirigée démocratiquement par la classe ouvrière, dans le cadre de la réorganisation socialiste de la vie économique.

(Article paru en anglais le 31 juillet 2023)

Loading