Le Premier ministre britannique Sunak annonce une manne d’énergies fossiles pour les trusts, dont profitera aussi sa famille

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a levé toutes les restrictions sur l'extraction de nouveaux combustibles fossiles en accordant des centaines de nouveaux permis d’exploitation pour le pétrole et le gaz en mer du Nord.

S'exprimant lundi dans la ville écossaise d’Aberdeen, la capitale pétrolière britannique, après être descendu du jet privé qu'il utilise régulièrement pour voyager sur la minuscule masse terrestre britannique, Sunak s'est engagé à « maximiser l’exploitation » des réserves de pétrole et de gaz du Royaume-Uni. Le forage sera approuvé dans les plus grandes réserves inexploitées du Royaume-Uni, le champ de Rosebank, un gisement d’environ 300 à 500 millions de barils.

Le Premier ministre Rishi Sunak, accompagné du secrétaire d'État pour l'Écosse Alister Jack, visite l'usine à gaz Shell St Fergus près d'Aberdeen, en Écosse [Photo by Simon Walker/No 10 Downing Street / CC BY-NC-ND 2.0]

On a justifié cette pyromanie écologique par le mensonge éhonté qu’autoriser l'extraction jusqu’à la dernière goutte du pétrole de la mer du Nord était « conforme à nos ambitions » pour que le Royaume-Uni atteigne zéro émissions nettes d'ici 2050.

En fait, les Nations Unies, l'Agence internationale de l'énergie et les climatologues du monde entier sont clairs sur le fait que le ‘zéro net’ d'ici 2050 signifie l’absence totale de nouvelle extension des infrastructures pétrolières et gazières sur toute la planète. Quelques semaines seulement avant l'annonce de Sunak, le Comité du changement climatique, l'organisme de surveillance officiel de la Grande-Bretagne, a averti que son gouvernement s’était déjà écarté de l'objectif du ‘zéro émission net’ d'ici 2050.

Le monde s'est réchauffé de 1,2 degrés Celsius par rapport au niveau préindustriel et une étude de 2021 publiée dans Nature, « Les combustibles fossiles inexploitables dans un monde à 1,5°C », explique que 60 pour cent des réserves connues de pétrole et de gaz doivent rester dans le sol pour avoir la moindre chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus du niveau préindustriel. Selon les projections les plus optimistes, la production de pétrole et de gaz doit plafonner immédiatement et chuter de 3 pour cent chaque année jusqu'au milieu du siècle.

Attribuer des milliards de livres de contrats pétroliers et gaziers au milieu d'une catastrophe climatique, c'est littéralement chanter pendant que Rome brûle. Sunak a annoncé son plan la semaine où les Nations Unies confirmaient que juillet 2023 devait être le mois le plus chaud de l'histoire de l'humanité et que le monde était entré dans une phase d '«ébullition planétaire». Les vagues de chaleur et les incendies de forêt meurtriers ont balayé l'Europe du Sud et l'Afrique du Nord, réduisant la production céréalière prévue en Europe du Sud de 60 pour cent par rapport à 2022 et, rien qu'en Grèce, brûlant assez de forêts pour libérer l'équivalent de 5,5 pour cent de carbone sur le total annuel du pays.

Rien de tout cela n'a d'importance pour Sunak car il est peut-être le représentant le plus exemplaire de l'oligarchie financière à la tête d'un gouvernement dans le monde. Ce n'est pas sa classe qui en subira les conséquences.

En effet, la politique annoncée par Sunak, dans des conditions où les grandes compagnies pétrolières annoncent d'énormes profits, a été élaborée dans les conseils d'administration de celles-ci. Le 1er août, BP a célébré la manne à venir en mer du Nord et annoncé des bénéfices d'environ 2 milliards de livres au deuxième trimestre.

La femme de Sunak est Akshata Murthy, héritière de son père milliardaire NR Narayana Murthy, qui a fondé le conglomérat informatique Infosys basé en Inde. L'an dernier, elle détenait environ 690 millions de livres sterling en actions. Le couple est si riche que leur richesse commune, alors évaluée à 730 millions de livres, les a vus figurer dans la Liste des riches du Sunday Times (article en anglais) de l'année dernière. De plus, à ce stade, Murthy ne détient qu'une participation déclarée de 0,93 pour cent dans Infosys, ce qui est encore suffisant pour lui rapporter plus de 40 millions de livres sterling de dividendes depuis le début de 2020, selon une analyse de l’Evening Standard.

Sunak, qui occupait le poste de ministre des Finances dans le cabinet de Boris Johnson, était déjà multimillionnaire alors qu’il avait une vingtaine d’années. Il a travaillé pour la banque Goldman Sachs et un fonds spéculatif dirigé par le milliardaire britannique Sir Chris Hohn avant d'entrer au Parlement en 2015.

Infosys a enregistré un chiffre d'affaires de 19 milliards de dollars en 2023, dont une part croissante provient de sa relation avec Sunak. L’entreprise a reçu des contrats du gouvernement britannique d'une valeur de 172 millions de livres sterling, le premier octroyé en 2015, l'année où Sunak devint député.

La société a depuis remporté des marchés de plusieurs millions de livres avec les organismes comme Care Quality Commission, Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency, East Sussex County Council, Westminster Council et le London Borough of Merton. L’Evening Standard ajoute qu'en avril dernier, « lorsque le contrat le plus récent a été attribué, l'entreprise a été chargée de fournir « conseil, développement de logiciels, Internet et aide logicielle à Transport for London ».

L'impact destructeur de l'oligarchie multimilliardaire n’est nulle part plus clair que dans l'industrie des combustibles fossiles. Et là aussi, la famille Sunak est pleinement impliquée. Le 1er août, le journal en ligne London Economic a publié un article intitulé, « L'entreprise familiale de Sunak a signé un accord d'un milliard de dollars avec BP avant que le premier ministre n'attribue de nouveaux permis en mer du Nord ».

L'article fait remarquer qu’« une entreprise fondée par le beau-père de Rishi Sunak a signé un accord d'un milliard de dollars [1,5 milliard de dollars] avec BP deux mois avant que le Premier ministre n'attribue des centaines de nouveaux permis d'extraction de pétrole et de gaz en mer du Nord. »

« En mai, le Times of India a rapporté qu’Infosys avait conclu un marché énorme avec la société mondiale d'énergie, considéré comme le deuxième plus important de l'histoire de l'entreprise. »

Le London Economic note encore que « l'un des autres clients majeurs d'Infosys est Shell, dont le PDG [Wael Sawan] a rejoint il y a deux semaines le Conseil des Affaires récemment créé par Rishi Sunak et a promis une ‘ franche collaboration’ avec son gouvernement ».

Ce n’est pas là juste un cas de corruption individuelle. Sunak incarne les intérêts de la classe capitaliste et ses liens intimes avec des gouvernements soi-disant démocratiques.

L’organisation Global Witness, qui s’efforce d’«obliger les entreprises et les gouvernements à rendre compte de leur destruction de l'environnement, de leur mépris pour la planète et de leur incapacité à protéger les droits de l'homme » a fait coïncider avec l'annonce du Premier ministre sa révélation qu’« entre janvier et mars de cette année, le Premier ministre Rishi Sunak et les ministres du Climat et de l'Énergie ont rencontré 54 fois des sociétés de combustibles fossiles, en moyenne plus d'une fois tous les deux jours ». Cela représentait « environ 20 % de toutes les réunions de lobbying qu'ils ont tenues durant cette période ».

L'oligarchie personnifiée par Sunak et sa femme n'a de comptes à rendre à personne et le fait savoir (article en anglais). Le Premier ministre a insisté pour dire que les liens de sa femme avec Infosys et leur enrichissement n'étaient « d'aucun intérêt public légitime ». Cela fut dit au moment où l’on révélait que pendant qu'il était ministre des Finances, l'épouse de Sunak, une ressortissante indienne, avait le statut de non-domiciliée au Royaume-Uni. Ce qui lui permit d'éviter de payer l'impôt sur ses revenus étrangers. On estime qu’elle a ainsi pu économiser environ 20 millions de livres sterling d'impôts sur les dividendes de ses actions Infosys.

Que cela n'ait pas mené à l’interdiction séance tenante que Sunak exerce jamais des fonctions publiques, et encore plus qu’il devienne Premier ministre peu de temps après, témoigne de la domination de la politique officielle par une oligarchie financière criminelle. Sunak a été nommé Premier ministre comme l'un des leurs, chargé de mener la guerre nécessaire contre la classe ouvrière qu’on avait considéré Liz Truss, qui l’a précédé, trop incompétente pour qu’elle la mène à bien.

Cette guerre est menée sur tous les fronts, contre le niveau de vie et les services sociaux – pour payer l'entretien des milliardaires et la guerre de l'OTAN contre la Russie – et contre les conditions de base pour la vie sur Terre, pour satisfaire les investisseurs super riches dans l’industrie des énergies fossiles.

Sunak a raison d’affirmer que ses extractions de combustibles fossiles en mer du Nord n’auront aucun impact sur les engagements climatiques du gouvernement car tout le monde sait qu'ils ne valent pas le papier sur lequel ils sont écrits. Ce qui compte, ce sont les bénéfices et rien d'autre.

Comme l'a noté Global Witness, « Au cours des 10 prochaines années, on estime que les entreprises de combustibles fossiles produiront 2,3 milliards de barils de pétrole et 253 milliards de mètres cubes de gaz à partir en mer du Nord [...] Une fois brûlé, cela pourrait produire 1,4 milliard de tonnes de carbone, plus de l'Allemagne, l'Italie et la France produisent ensemble chaque année.

Il ne peut y avoir de combat victorieux pour arrêter la dévastation de la planète en dehors d'un assaut frontal mené contre la richesse et le pouvoir de l'oligarchie capitaliste incarnée par les Sunaks. Ce n'est qu'ainsi que pourra être réalisée la restructuration fondamentale de la vie sociale et économique dans le sens d'une satisfaction durable et équitable des besoins humains.

(Article paru en anglais le 4 août 2023)

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