Le gouvernement britannique accélère son projet visant à forcer réfugiés et demandeurs d'asile à vivre sur des barges et sous des tentes

La ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman, envisage d’héberger des milliers de migrants sous des tentes ou des chapiteaux installés sur des sites militaires désaffectés. Une source du ministère de l’Intérieur a confirmé à Sky News que les tentes pourraient accueillir des réfugiés et des demandeurs d’asile dans ces camps de détention d’ici quelques semaines.

Selon le Times de Londres, le ministère de l’Intérieur a acheté les tentes «pour héberger jusqu’à 2.000 migrants sur des sites militaires désaffectés d’ici fin août, dans le cadre de plans d’urgence visant à éviter le processus coûteux de réservations d’hôtel de dernière minute».

La police des frontières prévoit que les trois prochains mois seront la période la plus chargée pour les traversées de la Manche par les migrants. Une source du ministère de l’Intérieur a déclaré: «Il est évident que nous ne pouvons plus nous trouver dans une situation où nous devons réserver à la volée des hôtels coûteux pour les migrants. Il n’y a rien de mal à utiliser ce type d’hébergement temporaire en cas de besoin. D’autres pays y ont également recours».

Parmi les «autres pays» cités, on a omis toute référence à la Grèce.

En septembre 2020, un gigantesque incendie a détruit le tristement célèbre camp de détention de réfugiés de Moria, sur l’île de Lesbos. À sa place, le gouvernement grec conservateur de la Nouvelle Démocratie, en alliance avec l’Union européenne, a mis en place le camp de réfugiés temporaire de Kara Tepe. Ce camp est sur une ancienne zone d’entraînement militaire adjacente à la mer. Non seulement les conditions y sont pires qu’à Moria, mais les autorités y ont installé des clôtures de barbelés, des restrictions de sortie et des drones pour surveiller tous les mouvements.

Sur le projet de loger les réfugiés dans des tentes en Grande-Bretagne, des sources gouvernementales ont déclaré qu'une proposition similaire avait été rejetée lorsqu'elle avait été présentée par l'ancien Premier ministre Boris Johnson «en raison des avertissements qu’elle déclencherait des recours juridiques fondés sur le traitement inhumain des demandeurs d'asile. Certains membres du gouvernement l'ont même comparée à des camps de concentration», selon le Times.

Le ministère de l’Intérieur a érigé plusieurs chapiteaux temporaires au centre de traitement de Manston, une ancienne base de la Royal Air Force, l’automne dernier pour traiter les arrivées de migrants. Mais, dépourvus d’installations hygiéniques de base, ces chapiteaux n’étaient pas conçus pour servir d’hébergement au-delà de quelques jours.

En octobre dernier, 700 réfugiés ont été évacués vers Manston à la suite de l’incendie criminel du centre de traitement des migrants Western Jet Foil à Douvres, conséquence directe de l’atmosphère anti-migrants créée par le gouvernement, l’opposition travailliste et les médias.

Répétant la propagande du gouvernement, son amplificateur des médias ne se lasse pas de déclarer que l’hébergement en hôtel «coûte au contribuable environ 6 millions de livres par jour».

On utilise le même argument pour le déploiement imminent de la barge Bibby Stockholm, qu’on a comparée à une prison flottante, dans le port de Portland, dans le Dorset. La barge devrait rester dans le port pendant au moins 18 mois. Conçue pour accueillir 222 personnes, elle hébergera jusqu’à 506 demandeurs d’asile, dont les demandes sont déjà en cours d’examen. Des chambres minuscules, équipées d’un à trois lits superposés pour augmenter la capacité d’accueil, attendent des réfugiés désespérés. Les deux chambres superposées ne mesurent que 1,5 m sur 1,5 m.

Le Bibby Stockholm amarré à Hambourg [Photo by GNU Free Documentation License / CC BY-SA 3.0]

Le rapport «Bibby Stockholm – À quel prix?» des ONG Reclaim the Seas et One Life to Live confirme que le plan vise à dissuader les migrants de venir en Grande-Bretagne et qu’il ne s’agit pas simplement d’une question de coût. Selon ce rapport, l’utilisation de la péniche pour héberger les demandeurs d’asile permettrait d’économiser moins de 10 livres par personne et par jour.

Bien que le déploiement du Bibby Stockholm ait suscité une vive opposition de la part des organisations humanitaires, le navire a quitté la cale sèche de Falmouth et est arrivé au port de Portland le 18 juillet. Selon le Financial Times, ce retard s'explique par le fait que «la coque en acier s'était dégradée au point de devenir dangereusement mince, ce qui nécessitait le remplacement de sections entières».

Les journalistes autorisés à monter à bord du navire ont mis en évidence de graves problèmes de sécurité, notamment des risques de surpeuplement, des couloirs étroits et l’absence de gilets de sauvetage. Le 31 juillet, le Times a rapporté que la péniche pourrait devenir un «Grenfell flottant» potentiel, en référence à l’incendie de la tour Grenfell à Londres en 2017, qui a coûté la vie à 72 personnes.

Le ministre Grant Shapps, a déclaré aux journalistes qu’il n’y avait aucune raison pour que la péniche «ne soit pas absolument sûre». Les inquiétudes exprimées par le secrétaire général adjoint du syndicat des pompiers, Andy Dark, que «les pompiers pensent que le Bibby Stockholm est un piège mortel potentiel» ont été balayées par le gouvernement qui les a qualifiées de «politiquement motivées».

Dans un rapport consulté par le quotidien Independent, un pompier de longue date a qualifié la barge de «risque majeur pour la vie». Il a averti que la plupart des camions de pompiers de la zone voisine sont «de garde», ce qui ralentit les délais d’intervention.

Les 50 premiers réfugiés devraient être embarqués sur le Bibby Stockholm dans les prochains jours.

Plus de 170 organisations, dont le Refugee Council et des centres juridiques, avaient écrit au Premier ministre Rishi Sunak en avril pour lui demander d’abandonner les projets de camps de réfugiés sur d’anciennes bases militaires à Scampton (Lincolnshire), Wethersfield (Essex) et Catterick (Nord-Yorkshire) et sur le site d’une ancienne prison dans l’Est-Sussex, de même que les propositions d’utilisation de ferries et de barges.

La lettre indiquait que les sites étaient «profondément inadaptés» et que le gouvernement risquait de créer une «catastrophe humanitaire tout à fait évitable».

Les nouveaux sites ont été annoncés suite à l’abandon, l’année dernière, d’un projet de site sur une ancienne base de l’armée de l’air à Linton-on-Ouse (Nord-Yorkshire) après une campagne menée par la population locale et des organisations de soutien aux réfugiés.

«Nous pensons que les gens devraient être logés dans les communautés, et pas dans des camps», indique la lettre. «Placer des milliers de personnes dans des sites confinés, dans des endroits éloignés, causera un préjudice important aux personnes qui fuient la guerre et la persécution et nuira aux relations communautaires».

Réagissant à la dernière proposition du gouvernement, Tim Nao Hilton, directeur général de Refugee Action, a déclaré qu’il était «stupéfiant» que le ministre de l’Intérieur aille de l’avant avec ces plans. «Les gagnants de ce plan cruel seront les fournisseurs de logements pour demandeurs d’asile du ministère de l’Intérieur, qui empochent des dizaines de millions de livres en bénéfices subventionnés par le contribuable, alors que les normes continuent de s’effondrer».

Le Parti travailliste à la même approche que le gouvernement. La ministre de l’Intérieur fantôme [de l’opposition], Yvette Cooper, a déclaré à Times Radio: «L’élément clé ici est qu’il existe des logements pour demandeurs d’asile dans tout le pays depuis des années… Ce dont ils ont besoin, c’est d’une véritable stratégie pour mettre un terme à l’utilisation des hôtels».

Dimanche, le Parti travailliste s'est encore rapproché de la droite, le ministre fantôme de l'immigration, Stephen Kinnock, confirmant à Sky News qu’au pouvoir, son parti continuerait d'utiliser les barges pour détenir les demandeurs d'asile. «La réalité, c'est que dès le premier jour d'un gouvernement travailliste, nous devrons nous occuper de l'infrastructure que nous avons dans le gâchis complet, chaotique et bordélique que le gouvernement conservateur nous aura laissé... Nous n’aurons pas d'autre choix que de gérer la pagaille dont nous hériterons».

Les réfugiés qui fuient des pays pauvres et déchirés par la guerre – le résultat de décennies de violence impérialiste infligée par les forces britanniques aux côtés des États-Unis et de l’OTAN – risquent à présent d’être entassés sur des barges bondées et dans des tentes pour subir des traitements inhumains avant d’être expulsés vers leur pays d’origine ou vers un pays tiers.

L’accélération de cette campagne brutale fait suite à l’adoption par le Parlement, le 20 juillet, du projet de loi sur l’immigration illégale, qui permet d’expulser les réfugiés vers un pays tiers. Le même jour, le projet de loi sur les grèves (taux de service minimum), qui oblige les travailleurs à continuer à travailler pendant une grève dans les «services essentiels», est également devenu loi.

Sunak a fait le lien entre ces deux lois, déclarant: «Nous avançons dans notre travail et aujourd’hui avons adopté de nouvelles lois qui joueront un rôle important dans nos efforts pour arrêter les bateaux, aider les entreprises à se développer et permettre au public d’accéder aux services essentiels en cas de perturbation».

Ces développements confirment les mises en garde du World Socialist Web Site que l’assaut barbare et fasciste mené contre les réfugiés, les demandeurs d’asile et les travailleurs migrants par les gouvernements de toutes tendances politiques est le fer de lance d’une offensive contre la classe ouvrière tout entière.

(Article paru d’abord en anglais le 7 août 2023)

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