Le gouvernement ukrainien persécute un pacifiste, Zelensky rencontre un dirigeant néo-nazi

Yurii Sheliazhenko

Le gouvernement du président Volodymyr Zelensky, soutenu par l’OTAN, a officiellement accusé le militant pacifiste ukrainien Yurii Sheliazhenko de «justifier l’agression russe». Après la perquisition de son appartement à Kiev par le service de sécurité du pays (SBU) au début du mois, on a interrogé Sheliazhenko et l’a assigné à résidence toutes les nuits dans l’attente de poursuites judiciaires.

Sheliazhenko est actuellement secrétaire exécutif du Mouvement pacifiste ukrainien, qui est membre du Bureau européen pour l’objection de conscience et du «World BEYOND War» (Monde au-delà de la Guerre).

L’accusation portée contre Sheliazhenko est spécifiquement basée sur un document pacifiste pris par le SBU dans leur raid et intitulé «Agenda de paix pour l’Ukraine et le monde». Ce document, adopté par son organisation en septembre et envoyé au bureau de Zelensky, appelle «à la paix». Il «condamne l’agression russe, demande instamment la protection du droit humain de refuser de tuer et appelle à une solution pacifique du conflit armé».

Lors d’un entretien avec [le mouvement américain] Democracy Now! Sheliazhenko a raconté qu’au cours de son interrogatoire, il s’est rendu compte que le gouvernement Zelensky avait commencé à le surveiller il y a plus d’un an, après qu’il ait publié un document intitulé «Un droit humain à l'objection de conscience au service militaire».

Il se souvient: «Au cours de cet interrogatoire, l’enquêteur m’a remis une copie de la demande adressée au tribunal. Il avait demandé au tribunal de m’assigner à résidence. Il a divulgué certains documents, et je dois dire qu’à partir de cette pile de documents, j’ai vu qu’en effet, la surveillance avait commencé il y a un an … lorsque j’ai publié, en tant que défenseur des droits de l’homme, un document d’aide juridique qui appelait [le droit] à l’objection de conscience au service militaire un droit de l’homme. Et ils ont considéré que c’était une menace pour la sécurité nationale. Ils l’ont considéré comme une menace pour la mobilisation des forces armées ukrainiennes. Et ils ont commencé à me surveiller».

Bien qu’il risque une peine de prison et des violences potentielles de la part du SBU et d’infâmes milices fascistes, Sheliazhenko s’est engagé à rester dans le pays pour lutter contre les accusations manifestement anti-démocratiques dont il fait l’objet.

«Je ne fuirai pas mon foyer et mon pays», a écrit Sheliazhenko le 6 août, «si je suis envoyé en prison pour pacifisme, je trouverai un moyen d’être utile à l’Ukraine pacifique en prison également».

Les poursuites engagées contre Sheliazhenko s’inscrivent dans le cadre d’une vaste campagne de répression visant les personnes et les groupes considérés comme insuffisamment loyaux envers le régime pro-OTAN de Kiev, arrivé au pouvoir à la suite du coup d’État de 2014 organisé par l’UE et les États-Unis, en tandem avec l’extrême droite du pays.

La campagne qui vise à traquer, arrêter et poursuivre, voire tuer, les «traîtres» et les «collaborateurs» s’est accélérée après le début de la guerre ouverte, avec l’invasion russe de février 2022.

Outre l’interdiction en mai 2022 des partis politiques d’opposition du pays, on estime qu’au début de cette année, le SBU avait engagé 2.500 procédures pénales contre des «collaborateurs» présumés et détenu 600 agents étrangers et espions.

Parmi les cas les plus notables, on peut citer les poursuites engagées contre l’activiste pacifiste Ruslan Kotsaba et l’arrestation et les poursuites engagées contre les frères antifascistes Alexander et Mikhail Kononovich.

Alors que des militants anti-guerre comme Sheliazhenko sont poursuivis, Zelensky a trouvé le temps de rencontrer Andriy Biletsky, le fondateur néonazi du bataillon d’extrême droite Azov. Biletsky n’a jamais caché ses opinions néonazies. Il a déclaré en 2010 qu’il pensait que le «but national» était de «mener les races blanches du monde dans une croisade finale… contre les ‘Untermenschen’ [sous-hommes] dirigés par les Sémites».

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Après des mois au cours desquels les médias occidentaux ont frauduleusement tenté de présenter le Bataillon Azov comme ayant abandonné ses racines néonazies, Zelensky rencontre désormais ouvertement le fondateur fasciste de cette organisation. Sur sa chaîne Telegram officielle, Zelensky a donné cette légende à la vidéo de la rencontre: «Le poste de commandement de la 3e brigade d’assaut séparée, qui effectue des missions de combat dans le cadre du groupe opérationnel et stratégique des troupes de Khortytsia dans le secteur de Bakhmut. Au cours de cette conversation ouverte, nous avons discuté des questions les plus urgentes».

«Je suis reconnaissant à tous ceux qui défendent notre pays et à ceux qui nous rapprochent de la victoire».

L’intensification de la répression de la dissidence et le recours de plus en plus ouvert aux forces néonazies s’inscrivent dans un contexte de crise croissante d’un gouvernement dont la contre-offensive, soutenue par l’OTAN, a été un désastre sanglant. On estime que plus de 300.000 Ukrainiens se sont fait tuer dans la guerre en cours. Des dizaines de milliers de soldats ukrainiens ont été massacrés sans raison rien qu’au cours des deux mois et demi écoulés, sans que l’Ukraine ait pu réaliser la moindre avancée militaire.

Malgré ce bilan effroyable, sans précédent en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement Zelensky, soutenu par l’OTAN, déploie tous les moyens à sa disposition pour poursuivre la guerre, kidnappant les gens dans les rues et les forçant à aller au front.

La forte probabilité de se faire tuer au front a poussé des milliers d’hommes à fuir le pays. Ceux qui peuvent se le permettre graissent la patte aux fonctionnaires ukrainiens afin d’éviter le service militaire.

Alors qu’une nouvelle vague de mobilisation se prépare, certains hommes politiques ukrainiens demandant que 400.000 hommes supplémentaires soient mobilisés, Zelensky a annoncé vendredi dernier le licenciement de tous les chefs régionaux du recrutement militaire de l’Ukraine.

Le mois dernier, on a révélé que des responsables militaires avaient accepté des pots-de-vin en espèces et en crypto-monnaies en échange de documents falsifiés et de l’exemption de la conscription militaire. Dans certains cas, les fonctionnaires ont perçu 10.000 dollars par personne, somme énorme dans un pays où le revenu mensuel moyen n’est que de 400 dollars [368 euros] par mois. En d’autres termes, ceux qui ont pu se soustraire au service militaire grâce à des pots-de-vin étaient les couches les plus riches, tandis que les Ukrainiens de la classe ouvrière ont été les premiers forcés de mourir dans la contre-offensive soutenue par l’OTAN.

Zelensky a feint l’indignation face à ce scandale, déclarant dans un message sur les réseaux sociaux que «le système devrait être dirigé par des personnes qui savent exactement ce qu’est la guerre et pour quoi le cynisme et les pots-de-vin pendant la guerre sont de la trahison». Dans une autre déclaration, il a affirmé que le scandale était resté secret jusqu’à ce que, «lors de l’inspection des centres de recrutement territoriaux, les forces de l’ordre aient révélé des cas de corruption». En réalité, le fait que les Ukrainiens fortunés échappent à la conscription est bien connu depuis le début de la guerre.

Comme l’a souligné le New York Times dans sa couverture du scandale, «… Andriy, un officier de la Force de défense territoriale, a déclaré que la corruption dans les centres de recrutement était bien connue et qu’il était peu probable que l’élimination de certains responsables ait un effet important sur la mobilisation. Andriy, qui a discuté de questions politiques à la condition que son nom de famille ne soit pas utilisé, a déclaré: ‘‘Ceux qui voudraient se soustraire le feraient de toute façon’’».

En arrêtant les officiers du recrutement, Zelensky cherche sans aucun doute à apaiser l’immense colère sociale, tant dans la population civile que parmi les soldats de base, face à l’évasion flagrante des riches et aux profits de guerre de certaines sections du commandement militaire. Mais l’objectif principal est de créer les conditions d’une mobilisation continue d’encore plus d’Ukrainiens comme chair à canon pour la guerre impérialiste menée contre la Russie. En début de semaine, le gouvernement Biden a approuvé une nouvelle livraison d’armes d’une valeur de 200 millions de dollars, la 44e à ce jour, qui servira à financer la poursuite du massacre.

(Article paru d’abord en anglais le 18 août 2023)

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