Alors que l’offensive ukrainienne s’effondre, les États-Unis réclament davantage d’attaques frontales

Au cours des deux derniers mois, c’est devenu évident que l’offensive ukrainienne, présentée sans relâche par les médias américains comme un tournant dans la guerre, s’est transformée en un désastre sanglant.

Les responsables russes affirment que des dizaines de milliers de soldats ukrainiens ont été tués au cours de l’offensive, alors que Kiev ne tient même pas de décompte public. Les forces armées ukrainiennes n’ont réalisé aucune percée significative et leurs gains territoriaux sont presque impossibles à voir sur une carte de l’ensemble du pays.

En réponse à cette débâcle évidente, le gouvernement Biden et le Pentagone ont publiquement affirmé – sous la forme de déclarations anonymes aux médias américains – que l’échec de l’offensive était dû à la réticence des militaires ukrainiens à effectuer des attaques suicides.

Dans un article intitulé «Les forces et la puissance de feu de l’Ukraine sont mal réparties, selon des responsables américains» (Ukraine’s Forces and Firepower Are Misallocated, U.S. Officials Say), le New York Times rapporte les plaintes de la Maison-Blanche et du Pentagone selon lesquelles l’Ukraine «revient à ses vieilles méthodes consistant à épuiser les forces russes avec de l’artillerie et des missiles à longue portée au lieu de foncer dans des champs de mines sous le feu de l’ennemi».

Il ajoute: «Les planificateurs américains ont conseillé à l’Ukraine de se concentrer sur le front en direction de Melitopol, la priorité absolue de Kiev, et de percer les champs de mines et autres défenses russes, même si les Ukrainiens perdent davantage de soldats et d’équipements au cours de ce processus.»

En d’autres termes, les responsables américains cités par le Times accusent l’Ukraine d’être réticente à sacrifier la vie de ses soldats, dans des conditions où des centaines de milliers de soldats ukrainiens ont déjà été tués.

Selon le Times, les États-Unis exhortent l’Ukraine à concentrer toutes ses forces dans une charge massive contre les lignes russes lourdement minées, à l’instar des premières semaines de la contre-offensive où de telles tactiques ont entraîné des pertes catastrophiques.

La description que fait le Times des dangers auxquels font face les forces ukrainiennes est atroce. «Les combats se déroulent sur un terrain essentiellement plat et impitoyable, ce qui favorise les défenseurs. Les Russes se battent à partir de positions dissimulées que les soldats ukrainiens ne remarquent souvent que lorsqu’ils sont très proches. Quelques heures après que les Ukrainiens ont déminé un champ, les Russes tirent parfois une autre roquette, disséminant d’autres mines au même endroit.»

L’article conclut: «Seuls un changement de tactique et un mouvement décisif peuvent modifier le rythme de la contre-offensive, a déclaré un responsable américain».

Se référant à l’article du Times, David North, président du comité éditorial international du WSWS, a déclaré sur Twitter: «La multiplication des reproches est un indicateur clair de l’échec désastreux de la contre-offensive ukrainienne. Le récit qui se dessine est que le régime ukrainien n’a pas tenu compte des conseils des États-Unis. En réalité, le malheur de l’Ukraine vient du fait qu’elle a suivi à la lettre les recommandations américaines».

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Les déclarations des fonctionnaires américains au New York Times ont été reprises dans un article du Wall Street Journal intitulé «Dispute entre les États-Unis et l’Ukraine au sujet de la stratégie de contre-offensive» (Ukraine Clash Over Counteroffensive Strategy), qui affirme que «Washington exprime une “sérieuse frustration” à l’égard de la stratégie de l’Ukraine».

Un fonctionnaire se lamente: «Nous avons construit cette montagne d’acier pour la contre-offensive. Nous ne pouvons pas la recréer... Elle a disparu».

Le Wall Street Journal réitère le principal grief des États-Unis que l’armée ukrainienne est trop prudente avec la vie de ses soldats.

«Les Ukrainiens affirment qu’il est nécessaire de limiter les pertes pour maintenir leur capacité de combat à long terme. Toutefois, les responsables américains estiment que les attaques limitées des Ukrainiens sur de petits fronts entravent l’offensive», écrit le Journal.

Dans un article précédent intitulé «Les troupes ukrainiennes formées par l’Occident chancellent au combat» (Ukrainian Troops Trained by the West Falter in Battle), publié le 2 août, le Times a élucidé les motivations des États-Unis qui appellent à des ruées massives contre des positions défensives fortifiées.

L’article indique que «Les Américains ont préconisé des “tactiques d’armes combinées – des attaques coordonnées par des forces d’infanterie, de blindés et d’artillerie”. Les responsables occidentaux ont salué cette méthode comme étant plus efficace que la stratégie coûteuse qui consistant à épuiser les forces russes par attrition, ce qui pourrait épuiser les réserves de munitions de l’Ukraine».

Dans un article paru au début du mois, le World Socialist Web Site a écrit:

Compte tenu de la pénurie de munitions, les responsables américains préconisent des attaques fréquentes contre les tranchées russes, ce qui a entraîné d’innombrables pertes. De toute évidence, les généraux américains considèrent que les vies ukrainiennes sont plus sacrifiables que les munitions.

Alors même que les États-Unis et l’OTAN reconnaissent de plus en plus la futilité de la contre-offensive ukrainienne, ils augmentent les livraisons d’armes au pays. Jeudi, le Pentagone a confirmé qu’il commencerait à former des pilotes ukrainiens à l’utilisation de chasseurs F-16 en octobre.

Parallèlement, la Norvège a annoncé jeudi son intention d’envoyer ses propres chasseurs F-16 en Ukraine, rejoignant ainsi les Pays-Bas et le Danemark.

Alors que l’ampleur du carnage devient évidente, les médias américains affirment que la guerre sera sans fin en Ukraine. En début de semaine, le Washington Post a publié un éditorial intitulé: «La guerre en Ukraine fait rage depuis 18 mois. Attendez-vous à plus.» (War in Ukraine has raged for 18 months. Prepare for more.)

Faisant état de «près d’un demi-million de victimes, dont près de 200.000 morts», le Post rejette tout règlement pacifique de la guerre. «Aucune fin au massacre n’est prévisible», déclare-t-il.

L’éditorial se termine ainsi: «Le conflit pourrait persister pendant des années, s’intensifiant, s’apaisant ou s’enlisant».

Dans une tribune publiée dans le même journal, le général David Petraeus, qui affirmait avant l’offensive qu’une percée décisive se produirait dans les jours à venir, soutient que la bonne réponse à la débâcle est d’intensifier le conflit. «La fourniture par les États-Unis de plus de 44 milliards de dollars en armes, munitions et soutien est louable. Mais nous devons faire plus et de manière plus urgente. C’est maintenant qu’on doit agir.»

(Article paru en anglais le 25 août 2023)

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