Le Bulletin d’information des travailleurs de l’automobile du WSWS et le Réseau de Comités de la base des travailleurs de l’automobile (Autoworkers Rank-and-File Committee Network) ont organisé conjointement dimanche 26 août une réunion pour discuter comment les travailleurs de l’automobile peuvent faire gagner leurs revendications dans le cadre de la lutte pour les conventions collectives de 2023.
Les travailleurs des trois constructeurs automobiles de Détroit (General Motors, Ford et Stellantis) ont voté à 97 pour cent pour autoriser la grève, exprimant ainsi leur détermination à obtenir des avancées majeures en matière de salaires, d’avantages sociaux et de conditions de travail. Le résultat a été annoncé vendredi par le syndicat UAW (United Auto Workers) à trois semaines seulement de l’expiration des contrats, qui concernent 150.000 travailleurs de Ford, General Motors et Stellantis.
Ce vote de grève quasi unanime fait partie d’une éruption continue de luttes de classes à l’international, depuis la grève de plusieurs mois de dizaines de milliers de scénaristes et d’acteurs aux États-Unis jusqu’aux grèves dans les compagnies aériennes et les transports de plusieurs pays européens. Des luttes se profilent chez les travailleurs de l’automobile sur plusieurs continents. Outre les 150.000 travailleurs des ‘Big Three’ aux États-Unis, les contrats de 18.000 travailleurs automobiles du Canada expirent en septembre, de même que ceux de 150.000 travailleurs de l’automobile et de la métallurgie en Turquie. Et des dizaines de milliers de travailleurs de Volkswagen en Allemagne et dans d’autres pays luttent contre les suppressions massives d’emplois.
Les travailleurs de l’automobile aux États-Unis sont déterminés à annuler des décennies de concessions aux constructeurs imposées par l’UAW. Ils veulent l’élimination des paliers de salaire et du travail à temps partiel, une hausse massive des salaires et le rétablissement des pensions, dans des conditions où les constructeurs réalisent des profits fabuleux sur le dos de leur main-d’œuvre. Ceux-ci ne sont pas moins déterminés à imposer des suppressions massives d’emplois et des concessions dévastatrices dans leur transition vers la production de véhicules électriques, et ils s’appuient à nouveau sur l’appareil pro-patronat du syndicat UAW pour contenir et démobiliser l’opposition intense qui s’est développée dans la classe ouvrière.
Dans cette optique, l’appareil UAW a organisé une série de «piquets de grève d’essai» devant les usines, dirigés par Fain et d’autres hauts fonctionnaires de l’UAW et assortis d’une rhétorique militante critiquant profits excessifs et rémunération exorbitante des directions. Dans le même temps, l’UAW présente des politiciens du Parti démocrate comme des alliés des travailleurs, l’un des signes les plus évidents que la bureaucratie syndicale prépare une trahison.
Au Mack Assembly complexe de Detroit, quelques dizaines de bureaucrates, d’agents du Parti démocrate, dont Rashida Tlaib, membre du Congrès et des DSA (Démocrates Socialistes d’Amérique) et un petit nombre de travailleurs ont défilé pendant une vingtaine de minutes sur le parking d’un centre commercial presque vide.
Lors d’un rassemblement au siège de la Région 1 de l’UAW dimanche dernier, l’UAW a invité la députée démocrate Haley Stevens à prendre la parole. Stevens était membre du Groupe de travail sur l’automobile du gouvernement Obama-Biden en 2009. Elle a supervisé une restructuration brutale de l’industrie automobile qui a détruit des milliers d’emplois, réduit de moitié les salaires des nouveaux embauchés et éliminé les augmentations de coût de la vie, entre autres attaques majeures.
Chez UPS, la bureaucratie des Teamsters avait mené, avant le vote début août d’un accord de capitulation ne répondant à aucune des revendications fondamentales des travailleurs, une campagne similaire de «préparation à la grève» avec diverses actions, rassemblements et piquets de grève. Les Teamsters ont revendiqué un vote très largement en faveur de ratifier l’accord face à la suspicion générale des travailleurs de la base.
La réalité est que rien ne sera gagné sans une lutte totale et une confrontation directe avec le gouvernement Biden ; mais c’est la dernière chose que veulent Fain et la bureaucratie de l’UAW. Au lieu de quoi Fain, avec l’aide de groupes de la pseudo-gauche comme les DSA, tente d’endormir les travailleurs en leur disant de faire confiance à une direction UAW qui les a trahis à maintes reprises.
Pour empêcher que soit imposé un nouvel accord capitulard, les travailleurs doivent se préparer dès maintenant en construisant un réseau de comités de la base dans chaque usine automobile. Les travailleurs qui cherchent un moyen de lutter devraient participer à la réunion en ligne de dimanche «Comment les travailleurs de l'automobile peuvent faire gagner leurs revendications dans la lutte pour la convention collective 2023 de l’UAW».
Fain: Biden n’est pas impliqué dans la convention collective
Lors d’une diffusion en direct qui annonçait l’autorisation de grève vendredi matin, le président de l’UAW, Shawn Fain, a de nouveau cherché à présenter la bureaucratie syndicale comme menant la lutte contre les entreprises.
Shawn Fain a critiqué les salaires de misère des nouveaux embauchés et des intérimaires, ainsi que la suppression des retraites. Il a également déploré de façon hypocrite l’impact terrible sur la vie de famille des horaires de travail imposés de sept jours et 12 heures, désormais en vigueur dans de nombreuses usines Stellantis en vertu des dispositions du «statut critique» du contrat UAW.
En fait, lorsque Stellantis a annoncé qu’il imposait un «statut critique» à Warren Truck, Jefferson Assembly et à plusieurs autres usines de la région de Detroit, Fain n’a rien dit et n’a rien fait. Tous les maux décriés par le président de l’UAW – salaires de misère, heures supplémentaires forcées et suppression des retraites – étaient contenus dans des contrats négociés ou soutenus par Fain et par pratiquement toute la direction actuelle de l’UAW.
Fain – l’ancien co-directeur du Centre national de formation UAW-Chrysler – s’est ensuite posé en adversaire de la politique de coopération entre syndicat et direction, que lui et ses collègues bureaucrates de l’UAW ont menée pendant des décennies, avec des résultats désastreux pour la vie et le niveau de vie des travailleurs de l’automobile. Les programmes de formation conjoints ont permis de verser des pots-de-vin illégaux aux responsables syndicaux et de transférer «légalement» d’énormes sommes d’argent des entreprises vers l’appareil syndical.
En réponse à un commentaire sur l’intervention de Biden dans les négociations contractuelles, Fain a menti en affirmant que le président n’était pas impliqué. En fait, un peu plus d’une semaine auparavant, Fain avait publié une lettre de remerciement à Biden pour son prétendu «soutien» dans le processus contractuel.
Vendredi après-midi, Biden a déclaré aux journalistes qu'il parlait aux dirigeants de l'UAW, ajoutant: «Je pense qu’il devrait y avoir une circonstance où les travailleurs sont déplacés et remplacés par de nouveaux emplois, le premier choix devrait aller aux membres de l’UAW et les salaires devraient être en proportion».
Cela va dans le sens de l’exigence de Fain qu’on institue l’UAW comme agent négociateur des nouvelles usines de batteries construites par les sociétés automobiles de Détroit. Comme le montre l’accord de misère «intérimaire» chez Ultium Cells, l’UAW est prêt à renoncer à sa demande de «salaires en proportion» tant qu’il peut continuer à percevoir les cotisations syndicales de la main-d’œuvre.
Fain a ensuite lancé un appel au gouvernement Biden pour qu’il ne laisse pas «les travailleurs hors de l'équation», insistant pour dire que les travailleurs devaient « avoir une chaise à la table».
En effet, tout ce que fait la direction de Fain est coordonné avec le gouvernement Biden. Les deux parties sont également déterminées à étrangler la combativité des travailleurs et à imposer un contrat dicté par le patronat alors que les États-Unis se préparent à la guerre avec la Russie et la Chine.
La promotion par Fain du gouvernement Biden, qui a rendu illégale une grève des cheminots et leur a imposé un contrat détesté, est la démonstration la plus claire du caractère anti-ouvrier de l’ensemble de l’appareil UAW et de ses plans pour imposer un contrat de capitulation.
Alors que les dirigeants de l’UAW sont en contact quotidien avec le gouvernement Biden sur l’état des négociations, les démocrates eux, font tout ce qu’ils peuvent pour redonner un reste de crédibilité à l’appareil corrompu de l’UAW.
Le ministère du Travail de Biden a cherché à blanchir l’élection frauduleuse de l’UAW qui a installé Shawn Fain à la direction du syndicat et qui a vu des centaines de milliers d'ouvriers de l’automobile privés de leurs droits par l’appareil UAW. Ceci est documenté par une série de protestations officielles de la part de l’ouvrier socialiste de l’automobile Will Lehman. Lehman a intenté un procès au ministère du Travail pour exiger la tenue d'une nouvelle élection.
Au cours de la diffusion en direct, Fain a refusé de répondre à une question de Lehman sur la protestation des travailleurs de l’usine General Motors de Flint, après que la direction ait maintenu les chaînes de montage en marche jeudi soir, avec l’assentiment de l’UAW, au milieu d’une alerte à la tornade émise par le National Weather Service.
La nervosité et la peur de l’appareil UAW face à la colère des travailleurs, dont le vote de grève massif n’est qu’une indication, se montrent dans le fait que l’UAW a rendu publiques un certain nombre de propositions populaires, comme une hausse de salaire de 40 pour cent, l’abolition des paliers, l’indemnité de vie chère, les pensions et une semaine de travail plus courte sans perte de salaire.
Une série d’actions récentes de l’UAW dément l’affirmation que le syndicat se battra réellement pour les revendications des travailleurs.
Au début de son intervention, Fain s’est vanté de l’accord «intérimaire» qui vient d’être conclu avec Ultium Cells, une coopération entre General Motors et LG Energy Solutions pour la fabrication de batteries à Lordstown (Ohio) sur le site d’une usine GM aujourd’hui fermée. Loin de négocier la parité salariale avec le contrat national de l’UAW pour l’automobile, l’accord porte le salaire des travailleurs d’Ultium, qui ont récemment rejoint l’UAW, au niveau misérable d’un peu plus de 20 dollars de l’heure. Cet accord montre une fois de plus que l’UAW renonce à sa promesse que les travailleurs d’Ultium seraient couverts par les contrats nationaux de l’automobile et qu’ils constitueront au contraire une nouvelle catégorie de travailleurs dont les salaires et avantages sociaux seront inférieurs à la moyenne.
Démasquant encore plus les fanfaronnades de Fain, les travailleurs de l’usine Lear Seating de Hammond (Indiana) ont voté dimanche dernier contre un deuxième contrat capitulard négocié par l’UAW, qui laisserait leurs salaires à un niveau de misère et augmenterait considérablement les coûts des soins de santé. Fain et l’UAW sont restés totalement silencieux sur la rébellion des travailleurs de Lear, cherchant à les isoler et à leur imposer des contrats prolongés à répétition.
Au début de l’année, l’UAW a vendu la puissante grève de 500 travailleurs des batteries Clarios à Holland, dans l’Ohio, en ordonnant aux membres de l’UAW des Trois Grands de monter des batteries produites par des briseurs de grève embauchés par la direction.
Pour éviter une trahison de leur lutte, les travailleurs de l’automobile doivent prendre des mesures immédiates.
Ils doivent exiger et se battre pour avoir le droit de superviser les négociations contractuelles et d’être informés quotidiennement de toutes les informations échangées par l’UAW et la direction. Les indemnités de grève doivent être portées à 750 dollars par semaine et des préparatifs doivent être faits pour une grève de l’ensemble des trois grands constructeurs.
La lutte doit être étendue au Canada, au Mexique et au-delà. Les travailleurs doivent démasquer et dénoncer toutes les tentatives visant à opposer les ouvriers américains à leurs frères et sœurs des autres pays.
Pour coordonner et mener cette lutte, des comités de la base doivent être créés dans chaque usine et dans chaque entrepôt, en liaison avec le Réseau des Comités de travailleurs automobiles de la base et avec l’Alliance internationale ouvrière des comités de base.
(Article paru d’abord en anglais le 26 août 2023)
