La bureaucratie de l’UAW fait d’immenses concessions dans le dos des travailleurs de l’automobile

Des travailleurs de Stellantis Warren Truck à la fin du premier quart de travail

Les déclarations de l’United Auto Workers, du gouvernement Biden et des trois grands de l’automobile montrent clairement qu’une vaste trahison est en train de s’opérer dans le dos des 150.000 travailleurs de l’automobile aux États-Unis, dont les conventions collectives expirent jeudi à 23h59 (heure de l’Est des États-Unis).

Lundi en fin d’après-midi, Automotive News a rapporté que l’UAW faisait des concessions majeures sur les principales revendications des travailleurs: «Quelques jours avant de menacer de faire grève dans les usines des trois constructeurs basés à Detroit, l’UAW a réduit sa demande d’augmentation de salaire pour les quatre prochaines années à environ 30 pour cent, selon des personnes au courant de l’offre.» La publication pro-patronale a noté que cela «marque la volonté du syndicat de faire un compromis sur l’une de ses principales revendications».

Cela ne fait aucun doute que la bureaucratie de l’UAW prévoit également de trahir les revendications des travailleurs concernant l’abolition des paliers salariaux, la fin des licenciements et des fermetures d’usines, le rétablissement des retraites par capitalisation intégrale et des ajustements au coût de la vie (COLA), ainsi que la reconduction immédiate des contrats de tous les travailleurs temporaires à temps partiel (TPT).

Les derniers développements le confirment: si ces revendications doivent être satisfaites, la base devra se battre pour les obtenir. Dans chaque usine, les travailleurs qui sont prêts à se battre pour ces revendications doivent se parler, former des comités de base, partager des informations et planifier des actions communes à l’expiration du contrat. L’attentisme serait fatal, car les dernières concessions en coulisses montrent qu’on ne peut pas faire confiance aux bureaucrates.

Les mesures prises par la bureaucratie de l’UAW en vue d’un accord de capitulation ont suscité une vague d’enthousiasme dans les conseils d’administration des constructeurs automobiles.

Tobin Williams, vice-président de Stellantis chargé des relations humaines, a publié un communiqué lundi matin dans lequel il déclare que l’entreprise est «heureuse d’annoncer que les sous-comités de Stellantis et de l’UAW sont parvenus à des accords de principe dans un certain nombre de domaines importants, notamment la santé et la sécurité» et que «nous sommes sur la bonne voie» pour parvenir à un accord sur les questions économiques. Williams s’est dit «fier» de l’équipe de négociation de l’UAW pour son «engagement à parvenir à un accord équitable».

Si les entreprises estiment qu’elles sont sur la «bonne voie», cela signifie que la base est entrainée, les yeux bandés, vers le désastre. En passant aux véhicules électriques, les constructeurs automobiles prévoient de supprimer des centaines de milliers d’emplois dans le secteur automobile en Amérique du Nord et des millions dans le monde entier. Des villes entières seront dévastées, et les enfants et petits-enfants des travailleurs de l’automobile seront privés de leurs moyens de subsistance.

Le secrétaire adjoint au Trésor du gouvernement Biden, Wally Adeyemo, a également exprimé son optimisme quant au fait que les travailleurs ne se mettraient pas en grève à l’expiration du contrat jeudi soir. Il a déclaré sur CNN lundi matin que «le gouvernement Biden est convaincu» qu’une grève sera évitée et qu’un accord sera conclu qui «permettra aux entreprises de continuer à se développer». Il a ajouté: «Nous attendons avec impatience qu’ils parviennent à une résolution».

La bureaucratie de l’UAW garde les travailleurs de la base dans l’ignorance et prévoit de continuer à le faire.

Un courriel envoyé par le WSWS à Jonah Furman, directeur du département des communications de l’UAW, demandant les détails de ce que le syndicat a déjà concédé et quand les membres de l’UAW seraient informés est resté sans réponse.

Tout en affirmant avoir progressé avec les constructeurs, le président de l’UAW, Shawn Fain, a brusquement annulé lundi matin son projet de prendre la parole lors d’un rassemblement de «mise à jour des négociations nationales et locales» prévu pour les travailleurs de Kokomo, dans l’Indiana, le 13 septembre.

Selon un article paru lundi dans le Free Press, lorsque le nom de Shawn Fain est apparu sur un tract distribué aux travailleurs de Kokomo, cela a «alarmé les dirigeants de l’industrie automobile de Detroit», qui ont demandé à Shawn Fain de rester à Detroit. Fain s’est consciencieusement conformé à cette demande, le Free Press notant que «Fain a confirmé lundi en fin de matinée qu’il n’avait pas l’intention de se rendre à Kokomo» pour faire le point sur les négociations avec les travailleurs de cette ville.

Le nouveau président des Travailleurs unis de l’automobile (UAW), Shawn Fain, s’adresse aux délégués lors de la convention spéciale de négociation 2023 du syndicat, le lundi 27 mars 2023, à Detroit. [AP Photo/Carlos Osorio]

Fain a parlé pendant 20 minutes lors d’une retransmission en direct dimanche soir, sans fournir aux travailleurs la moindre information sur les concessions qu’il faisait. Il a simplement reconnu que «les choses bougent» dans ses discussions avec les constructeurs.

Fain a déclaré aux membres qu’ils devront accepter la transition vers les véhicules électriques: «Nous devons nous engager, nous devons avoir une planète sur laquelle nous pouvons vivre. Quiconque ne comprend pas où nous en sommes dans la bataille de l’économie verte n’a pas regardé dehors récemment, à mon avis», a-t-il déclaré, ajoutant que «la transition doit être juste».

Mais la transition vers les véhicules électriques a bien moins à voir avec l’environnement qu’avec la réduction des coûts de main-d’œuvre et l’augmentation des bénéfices des constructeurs, et Fain ne fait que colporter leur propagande «verte».

La sombre réalité a été révélée dans un article du Wall Street Journal dimanche, qui notait que le gouvernement Biden a conclu un accord avec l’Arabie Saoudite pour aider les Trois Grands à acquérir les matières premières pour les batteries de VE en développant des mines à travers l’Afrique. En d’autres termes, la «transition juste» que Fain et les Trois Grands (Ford, General Motors et Stellantis) promeuvent impliquera que la monarchie saoudienne achète des terres africaines pour le compte d’entreprises américaines afin de détruire l’environnement et d’employer des enfants pour produire du lithium, du cobalt, du cuivre, du tantale et du nickel.

Fain a fait ses remarques dimanche, lors d’un événement organisé par l’UAW et une série d’organisations à but non lucratif associées au Parti démocrate.

Au cours de son intervention, Fain a parlé de la campagne contractuelle comme d’un fait accompli, se disant «très fier du travail accompli par tant de personnes, et des membres du Congrès qui nous ont soutenus, comme Rashida [Tlaib] et Debbie Dingell et tant d’autres représentants que nous avons eus sur le terrain, comme Haley Stevens. Elles se battent avec nous. Elles sont là pour vous, elles se battent avec vous, et je suis toujours fier de me tenir aux côtés de ces représentantes et de ces dirigeantes, elles n’oublient pas leurs racines, c’est ce que ce moment représente».

Fain tente de tromper les travailleurs en faisant l’éloge de ces politiciens corporatistes. Selon Opensecrets.org, Haley Stevens s’est classée troisième sur les 535 membres du Congrès en termes de dons provenant des constructeurs automobiles lors du cycle électoral de 2022. Haley Stevens s’est fait élire au Congrès après avoir participé à la direction du groupe de travail sur l’automobile du gouvernement Obama-Biden, qui a supervisé les suppressions massives d’emplois et de salaires à la suite des renflouements de l’industrie automobile en 2009.

La représentante démocrate Debbie Dingell – également vantée par Fain – est une ancienne dirigeante de GM qui a reçu le quatrième plus grand nombre de contributions de campagne de la part des entreprises automobiles en 2022. Toutes deux ont reçu des dizaines de milliers de dollars de la part des constructeurs automobiles au fil des ans, et toutes deux ont voté pour la criminalisation d’une grève potentielle de 110.000 cheminots l’année dernière, et l’imposition d’un contrat que les travailleurs avaient rejeté. Rashida Tlaib, depuis longtemps promue par la bureaucratie de l’UAW, a contribué à dissimuler le rôle joué par le Parti démocrate sous Obama lorsqu’il a restructuré l’industrie automobile avec l’aide de Haley Stevens.

Les sociétés et leur presse craignent que la base ne prenne les choses en main et ne se rebelle contre la bureaucratie de l’UAW. Exprimant ces inquiétudes, le Chicago Tribune a écrit la semaine dernière dans une déclaration du comité éditorial:

«Le militantisme de Fain sera démasqué si les trois grands et le syndicat se réunissent et concluent un accord dans les jours à venir. Mais la belligérance peut avoir des conséquences. Étant donné que Fain a suscité des attentes, s’il ne parvient pas à satisfaire des demandes farfelues telles qu’une augmentation de salaire de 46 pour cent sur la durée du contrat, une semaine de travail de 32 heures et les meilleures prestations de retraite, il aura du mal à obtenir l’approbation des membres qu’il a si agressivement excités».

Fain n’a adopté ces propositions que pour éviter une rébellion totale des travailleurs de la base, mais il n’a jamais eu l’intention, ni la stratégie, de se battre pour elles.

La suite des événements sera déterminée par la base, qui occupe une position critique dans la chaîne d’approvisionnement mondiale et dispose d’un immense pouvoir potentiel. Ce pouvoir peut être libéré par la création de comités de la base sur chaque lieu de travail, afin que les travailleurs puissent partager des informations, établir des liens au-delà des usines et des frontières nationales, et s’unir dans une lutte commune pour l’égalité sociale.

(Article paru en anglais le 12 septembre 2023)

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