Les grèves de l’automobile s’étendent alors que Biden et l’UAW s’efforcent de contenir le mouvement de la base

Mercredi, le mouvement de grève de la base contre les groupes automobiles s’est étendu des trois grands aux fournisseurs et du Midwest industriel au Sud profond, lorsque 200 travailleurs du châssis ZF ont débrayé à l’usine de Tuscaloosa, en Alabama. Les travailleurs sont membres de l’UAW et la grève a commencé après qu’ils ont rejeté un troisième contrat de trahison proposé par le fournisseur Mercedes-Benz et la bureaucratie de l’UAW. La fermeture de l’usine ZF de Tuscaloosa entraînera probablement l’arrêt de la production de l’énorme usine d’assemblage non syndiquée de Mercedes-Benz située à proximité.

Grève des ouvriers de ZF à Tuscaloosa, en Alabama [Photo: UAW]

Pendant plus d’un siècle, les sociétés ont utilisé le Sud pour affaiblir les travailleurs des centres industriels de Detroit, Chicago, Saint-Louis et d’autres villes, mais la grève chez ZF montre que cette stratégie est en train de s’effondrer. Le Financial Times britannique explique que la grève signifie que «Mercedes-Benz a été entraînée dans la vague de grèves qui balaie l’industrie automobile américaine» et que «les travailleurs de l’Alabama disent qu’ils ont besoin de salaires plus élevés et de meilleures prestations de soins de santé similaires à ceux des employés des trois grands» (General Motors, Ford et Stellantis).

La grève de ZF intervient alors que 1.400 membres de l’UAW sont en grève contre Blue Cross Blue Shield of Michigan et que 200 travailleurs de l’industrie automobile poursuivent leur grève contre Dometic à Pottstown, en Pennsylvanie. Partout, les travailleurs se battent pour les mêmes revendications: des augmentations de salaire massives, la fin des échelons salariaux et des licenciements, l’embauche des travailleurs temporaires, des retraites entièrement financées et des soins de santé adéquats.

Cette rébellion croissante suscite de vives inquiétudes à la Maison-Blanche et à Wall Street, car elle est susceptible d’échapper au contrôle de la bureaucratie de l’UAW, qui maintient au travail la totalité des 146.000 membres des Big Three, à l’exception de 12.000 d’entre eux, après l’expiration de leur convention collective la semaine dernière. Les contrats de dizaines de milliers de membres de l’UAW dans le secteur des pièces automobiles et d’autres industries expirent dans les semaines à venir dans tout le pays.

Mercredi, le gouvernement Biden a annoncé qu’il n’enverrait pas la secrétaire au Travail Julie Su ou le conseiller de Biden, Gene Sperling, à Detroit, de peur que cela ne mette la puce à l’oreille des travailleurs sur une capitulation imminente et ne provoque une plus grande résistance. Selon le Washington Post, l’annonce par Biden, vendredi dernier, de l’envoi de ses deux émissaires à Detroit a suscité des inquiétudes parmi les «responsables de l’UAW» qui «craignaient que la présence de Su et de Sperling ne soit interprétée par certains travailleurs comme un signe que le gouvernement s’apprêtait à diriger les négociations».

Le Post cite Kate Bronfenbrenner, directrice du département des relations industrielles et du travail de l’université de Cornell, qui déclare: «L’ingérence de la Maison-Blanche, même si elle est bien intentionnée, peut être perçue par certains travailleurs comme un signe de faiblesse de leur campagne ou comme un signe que des concessions vont être faites».

Les travailleurs savent que Biden est intervenu pour mettre fin à la grève de 110.000 cheminots l’année dernière. Le président, les démocrates et les républicains du Congrès se sont unis pour criminaliser la grève et forcer les travailleurs à accepter un accord favorable à l’entreprise, négocié par la Maison-Blanche, que les cheminots avaient déjà rejeté.

Les fonctionnaires de la Maison-Blanche sont en contact régulier avec la bureaucratie de l’UAW depuis des mois. Si Biden ressent le besoin de reporter une intervention plus publique, c’est parce que le gouvernement estime que Fain n’a pas suffisamment usé la résistance des travailleurs de la base pour leur faire avaler un accord de capitulation. Une nouvelle intervention de la Maison-Blanche risquerait de provoquer des débrayages plus importants et le rejet de tout accord soutenu par le président. C’est pourquoi, au moins pour l’instant, Joe Biden compte sur la bureaucratie de l’UAW pour essouffler le militantisme des travailleurs.

Le but tout entier de la «grève debout» de l’UAW est de maintenir les travailleurs dans l’ignorance, de les épuiser, de forcer les licenciements dans les trois grands et dans l’industrie des pièces détachées, tout en maintenant les bénéfices dans les coffres des entreprises et en facilitant les efforts de ces dernières pour stocker des pièces. Il ne s’agit pas d’une «grève», mais d’une tactique qui vise à vaincre les travailleurs de la base.

Le mouvement grandissant de la classe ouvrière a suscité des commentaires de colère de la part des partis républicain et démocrate. Le sénateur républicain, Tim Scott, a déclaré que Ronald Reagan «nous a donné un très bon exemple» en licenciant les travailleurs du contrôle aérien en grève lors de la grève PATCO de 1981. Des personnalités du Parti démocrate exigent également des concessions. L’ancien «tsar de l’automobile» d’Obama et banquier d’affaires, Steven Rattner, a appelé dans le New York Times les travailleurs à accepter de nouvelles concessions pour le bien de «l’économie», c’est-à-dire pour le bien des actionnaires fortunés comme lui.

Le Times et les principaux démocrates craignent que le mouvement des travailleurs de l’automobile ne soit pas seulement dirigé contre les trois grands, mais qu’il acquière un caractère de plus en plus politique, dirigeant sa colère de plus en plus contre les deux partis de Wall Street.

Mardi, le Times a publié un article intitulé «Les grévistes de l’automobile n’apprécient guère l’accueil de Biden». L’article note que Biden et les démocrates «doivent encore convaincre de nombreux membres de l’UAW que ses sentiments sont plus que de belles paroles. C’est l’opinion qui a prévalu lors des entretiens avec une vingtaine de grévistes de Ford et Jeep dans le Michigan et l’Ohio ce week-end».

L’une des principales préoccupations du Times et du gouvernement Biden est que l’opposition de la base menace la guerre que les États-Unis et l’OTAN mènent actuellement contre la Russie en Ukraine, ainsi que les plans de guerre contre la Chine. Ces guerres nécessitent des milliards de dollars et la discipline de la main-d’œuvre pour établir une production de guerre aux États-Unis.

La bureaucratie de l’UAW, sous la direction de Shawn Fain, fait tout ce qu’elle peut pour promouvoir le Parti démocrate capitaliste, en invitant des démocrates de premier plan à prendre la parole lors de rassemblements et en les présentant faussement comme des «amis» des travailleurs. Le Washington Post a reconnu mercredi que cette démarche n’était pas très populaire: «Le compte de l’UAW sur X – le site de médias sociaux anciennement connu sous le nom de Twitter – par exemple, a retweeté des dizaines de législateurs démocrates qui ont soutenu les revendications du syndicat», rapporte le journal, ajoutant que la colère de la base signifie que Fain fait face à «des limites sur la façon dont il peut soutenir la Maison-Blanche, selon les experts du monde du travail».

Le fasciste Donald Trump tente d'exploiter l’opposition croissante aux démocrates, en annonçant qu’il s’adressera à un groupe de travailleurs mercredi prochain au lieu d’assister au débat républicain prévu ce soir-là. Les détails de la visite de Trump ne sont pas connus, mais l’événement de Trump sera une tentative lourdement mise en scène pour s’opposer au plan de transition de Biden vers la production de véhicules électriques (VE) et appeler à l’élimination de réglementations sur le profit des sociétés et l’exploitation des travailleurs. Trump demande aux travailleurs de diriger leur colère non pas contre les patrons, mais contre les alliés des travailleurs dans des pays comme le Mexique et le Canada. Lorsqu’on lui a demandé sur NBC le week-end dernier s’il soutenait les revendications des travailleurs de l’automobile contre les sociétés, Trump a refusé de répondre.

Alors que les démocrates et les républicains s’efforcent d’étouffer le mouvement naissant de la base, Wall Street et les grandes entreprises s’accordent à dire que la grève actuelle «debout» n’a aucun impact économique, puisqu’elle n’interrompt pas la production.

Stephen Brown, directeur principal chez Fitch Ratings, a déclaré par écrit: «Nous nous attendons à ce que l’impact financier initial de cette première série de grèves soit limité, étant donné que l’UAW n’a déclenché la grève que dans trois usines, soit une chez Ford, une chez GM et une chez Stellantis».

Cette situation pourrait changer si la grève s’étendait. Dean Baker, un économiste proche du gouvernement Biden, a déclaré au Post: «Ce n’est pas comme si la grève avait causé de gros dégâts à l’économie, mais si elle se prolongeait pendant des semaines et s’étendait, elle pourrait vraiment avoir un impact».

C’est urgent que les travailleurs de base se battent pour étendre la grève aux trois grands et s’unissent aux travailleurs du Canada, où le syndicat Unifor a annulé une grève à la dernière minute mardi soir et a ordonné aux travailleurs de continuer à travailler. Le syndicat a affirmé être parvenu à un accord de principe avec Ford, qui emploie 5.600 travailleurs en Ontario, sans fournir d’informations aux travailleurs.

La grève en Alabama et les commentaires inquiets dans les médias montrent qu’il existe une puissante volonté de se battre, mais les sociétés, les partis politiques et les bureaucraties de l’UAW et d’Unifor font tout pour freiner la base.

Du point de vue de la base, il n’y a pas d’argument légitime contre le lancement d’une grève totale. Les travailleurs peuvent lutter pour cela en s’adressant à leurs collègues au travail et sur les médias sociaux. En communiquant, en organisant des discussions et en formant des réseaux au sein de chaque usine, les travailleurs peuvent obtenir un soutien pour lancer une grève totale le plus rapidement possible.

(Article paru en anglais le 21 septembre 2023)

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