«Comment allez-vous frapper les sociétés si vous continuez à faire des profits pour elles? Les travailleurs de Detroit Stellantis déclarent qu’une grève totale est nécessaire

Des travailleurs de la deuxième équipe de Stellantis entrent dans l’usine Warren Truck le 21 septembre 2023

Les travailleurs de Stellantis à l’usine d’assemblage de camions Warren, au nord de Detroit, ont parlé avec force de la nécessité d’une grève totale des travailleurs de l’automobile pour casser la résistance des trusts à leurs revendications.

De nombreux travailleurs ont exprimé leur colère face à la décision du syndicat de l’automobile UAW (United Auto Workers) de n’appeler à la grève que dans trois usines, alors que 90 pour cent des travailleurs, y compris ceux de Warren Truck, continuent à produire des profits pour les trusts.

Avant la grève, l’UAW avait autorisé Stellantis à mettre l’usine sous «statut essentiel», ce qui a permis à l’entreprise de forcer les travailleurs à travailler jusqu'à 10 heures par jour, sept jours sur sept, afin de stocker des Jeeps Wagoneer et des camions Ram 1500 au cas où il aurait grève.

Mais ces deux dernières semaines, les heures de travail ont été considérablement réduites. En début de semaine, l’UAW a accepté le «licenciement inversé» des travailleurs les mieux payés, à partir du 25 septembre. Les travailleurs temporaires ont également été informés qu’ils ne seraient pas programmés pour travailler la semaine prochaine.

Les travailleurs soupçonnent donc le président de l’UAW Shawn Fain d’annoncer une grève chez Warren Truck dans le cadre de sa politique bidon de «grève debout», précisément parce que cela n’aurait que peu d'impact sur la production de l’entreprise. La politique de l’UAW n’est pas conçue pour frapper les constructeurs automobiles, mais pour diviser et épuiser la base afin que la bureaucratie syndicale puisse faire passer un contrat favorable aux trusts, qu’elle a déjà accepté.

Lorsqu’on lui a demandé ce qu'il pensait de la politique de «grève debout» de l’UAW, un jeune ouvrier a répondu:

«C'est des conneries qu’on travaille en ce moment et qu’il n’y ait que trois usines en grève, alors que Detroit c’est l’épicentre de tout. J'ai entendu dire qu'ils freinaient les choses à cause du fonds de grève ou quelque chose du genre, mais honnêtement je pense qu’on est les plus importants ici, à l'épicentre de tout, et qu’on devrait être en grève» [vidéo en anglais].

Ce jeune ouvrier a souligné l’énorme détérioration des conditions de travail des ouvriers de l’automobile au cours des cinquante dernières années. «Je me disais que quand on ferait grève, je tiendrais une pancarte disant qu’il y a 30 ans, ma grand-mère travaillait pour Ford, qu’elle gagnait 28 dollars de l’heure, qu’elle avait une pension et tout le reste. Comparez ça à la situation actuelle où on gagne 31 dollars de l’heure et sans aucune pension ».

Commentant les rémunérations massives des dirigeants de trusts comme le patron de Stellantis Carlos Tavares qui a gagné 25 millions de dollars l’an dernier, il a déclaré: «C’est ridicule. C’est tout le monde ici qui fait tourner l’usine, pas les PDG. Ils sont nombreux, et ils pourraient en trouver un nouveau n’importe où. Mais ils ne peuvent pas trouver des milliers de salariés qui font tourner l’usine, alors que c’est grâce à eux qu’ils gagnent des milliards de dollars. Si on se met tous en grève, ça va être très désagréable pour le trust».

Selon lui, les travailleurs ont dû se battre pour obtenir de fortes augmentations de salaire, l’abolition des paliers et la transformation des travailleurs temporaires en employés à temps plein. «J'ai des amis très proches qui sont travailleurs temporaires depuis trois ans. L’un d’eux prend le bus pour aller travailler tous les jours parce qu’il n'a pas les moyens d’avoir une voiture. Il construit les voitures et il prend le bus».

Un autre travailleur a déclaré que la grève «aurait plus de force si tout le monde y participait. Il faut surtout arrêter la production de ces camionnettes, à l’usine Ford de Dearborn, à l’usine d’assemblage Stellantis de Sterling Heights. Ces usines sont au cœur de leurs profits et on devrait les fermer» [vidéo en anglais].

«On devrait tous être en grève», a déclaré un autre travailleur. «Comment allez-vous frapper les sociétés si vous continuez à faire des camions et des profits pour elles? On devrait tous se serrer les coudes. Mais on n’est pas solidaires si la moitié d’entre nous travaille. En fin de compte, l’UAW a un PDG, tout comme Chrysler, et ils gagnent de l’argent sur notre dos, qu’ils veuillent l’admettre ou non».

«Je veux plus de salaire. Je veux une pension. Nous construisons des Grand Wagoneer qui se vendent 100.000 dollars. Je ne peux pas me permettre d’en acheter un avec les 20 dollars de l’heure que je gagne. Je ne peux même pas me le permettre avec le revenu de deux familles» [vidéo en anglais].

Le Comité de la base de Warren Truck est l'un des cosignataires d'une déclaration publiée jeudi qui appelle les travailleurs à répudier la fausse grève de Fain et à la transformer en véritable lutte en mettant en grève les 146 000 travailleurs de GM, Ford et Stellantis .

La déclaration, publiée par le Réseau des comités de la base des travailleurs de l'automobile, appelle «les travailleurs de chaque usine à s’organiser dès maintenant pour lutter pour une grève totale. Dans chaque section locale de l’UAW, des réunions doivent être organisées avec l’ensemble des membres de la base pour discuter et voter des résolutions exigeant une grève totale ».

«La bureaucratie UAW résistera à ces exigences et tentera d’apaiser les travailleurs et de nous maintenir démobilisés le plus longtemps possible. C’est pourquoi des comités de la base devraient être formés dans chaque usine, chaque équipe et chaque département, pour que les travailleurs aient un droit de regard et de contrôle démocratique sur cette lutte».

Cette déclaration a été distribuée à Warren Truck jeudi après-midi, moins de 24 heures avant que Fain ne déclare qu’il appellerait d’autres usines à faire grève à moins que ne soient réalisés « des progrès» dans les négociations.

(Article paru d’abord en anglais le 22 septembre 2023)

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