Wall Street soutient GM et Ford, la bureaucratie UAW se prépare à liquider les revendications des travailleurs des Trois Grands.

Travailleurs de Stellantis en grève au complexe Jeep de Toledo

Les signes s’accumulent qui indiquent que le président de l’UAW (United Auto Workers) Shawn Fain et l’appareil syndical accélèrent les préparatifs en vue d’annoncer un accord de capitulation chez Ford ou un autre des trois grands constructeurs (GM, Ford, Stellantis). Dans le même temps, Wall Street montre clairement qu’elle soutient les efforts des trusts automobiles pour écraser le mouvement grandissant des travailleurs en faveur de salaires plus élevés et de l’annulation des concessions.

Mercredi, Reuters a rapporté que l’UAW et Ford se rapprochaient d’un accord et que Fain pourrait ne pas appeler d’autres usines à se mettre en grève aujourd’hui, citant des responsables syndicaux anonymes.

L’agence de presse précise que « les négociateurs du [syndicat] United Auto Workers et de Ford Motor ont réduit leurs divergences sur les hausses de salaire après une nouvelle offre du constructeur automobile dans le cadre de discussions ‘très actives’, ont déclaré mercredi des personnes proches des négociations entre les trois constructeurs de Détroit et le syndicat».

L’agence de poursuivre: «Le président de l’UAW Shawn Fain prévoit d’informer vendredi les 150.000  membres du syndicat chez Ford, General Motors et Chrysler, parent de Stellantis, a déclaré une personne informée des projets du syndicat. On ne sait pas encore si Fain ordonnera une nouvelle série de débrayages ou s’il déclarera que des progrès suffisants ont été réalisés pour repousser les grèves dans d’autres usines ».

Les travailleurs de l’automobile doivent être avertis: Fain collabore étroitement avec les patrons de l’automobile et le gouvernement Biden pour imposer un accord qui trahirait toutes les revendications fondamentales des travailleurs automobiles en échange de la défense des intérêts de l’appareil UAW. Il faut que les travailleurs s’organisent dès maintenant pour être prêts à passer outre et à faire échouer la capitulation que l’UAW est en train de préparer, en élargissant le réseau de comités des travailleurs automobiles de la base.

Des articles ont révélé cette semaine que General Motors et Ford ont obtenu des milliards de dollars de crédit auprès des banques de Wall Street pour les protéger contre l’impact d’une potentielle grève à plus long terme. Les institutions financières les plus puissantes sont déterminées à battre les revendications des travailleurs automobiles, qu’elles regardent comme une menace pour l’accroissement continu des bénéfices des trusts et du marché boursier.

Citant un nouveau rapport financier de GM, Reuters a écrit mercredi que la société avait obtenu une nouvelle ligne de crédit de 6 milliards de dollars jusqu’en octobre 2024, et que JPMorgan et Citibank étaient en tête de ce financement. Le directeur financier de GM, Paul Jacobson, a déclaré à CNBC que ce crédit était «prudent» étant donné les déclarations de certains représentants de l’UAW qui avaient « l’intention de faire traîner les choses pendant des mois».

Selon Reuters, Ford Motor avait obtenu une ligne de crédit de 4 milliards de dollars en août, avant l’expiration du contrat de l’UAW le 14 septembre.

La bureaucratie UAW poursuit ses tentatives pour exclure de toute décision les quelque 150.000 travailleurs de l’automobile dont les contrats ont expiré le 15 septembre, en maintenant au travail quatre travailleurs sur cinq grâce à la politique sans issue de la « grève debout » du président de l’UAW Shawn Fain.

L’UAW n’a appelé que 25.000 de ses 146.000 membres chez GM, Ford et Stellantis à faire grève, et n’a fait grève que dans cinq des 24 usines d’assemblage américaines des ‘Trois Grands’ et dans aucune de celles produisant leurs pick-up les plus rentables. Fain n’a pas non plus appelé à la grève les travailleurs des 47 usines de moteurs, transmissions et emboutissage des Trois Grands, ce qui, en cas de grève, entraîneraient rapidement l’arrêt de toute l’industrie.

La politique des ‘coups d’épingle’ de l’UAW a eu un impact négligeable sur les constructeurs. GM a annoncé mardi que ses ventes avaient augmenté de 21,4 pour cent au troisième trimestre, avec près de 2 millions de véhicules vendus depuis le début de l’année. Ses dirigeants estiment que le coût de la grève s’est élevé à 200 millions de dollars au cours du troisième trimestre, a déclaré un porte-parole de la société. Cela ne représente que 0,45 pour cent des 44,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires réalisés par la société au cours du dernier trimestre.

Ford, pour sa part, a annoncé jeudi une hausse de 7,7 pour cent de ses ventes au troisième trimestre

Pour obtenir les revendications dont les travailleurs ont besoin — des augmentations de salaires à la hauteur de l’inflation, des protections contre le coût de la vie, l’abolition des paliers et le passage des intérimaires à des postes à temps plein, le rétablissement des pensions et des prestations de santé des retraités et une protection contre les fermetures d’usines et les licenciements lors de la transition vers l’EV — la base devra prendre en main la conduite de la lutte et se battre pour une grève dans toute l’industrie.

Malgré toute sa rhétorique bidon sur la «transparence», Fain a maintenu les travailleurs dans l’ignorance des concessions aux constructeurs qu’il a déjà acceptées dans la série des propositions et contre-propositions non divulguées de ces derniers jours.

Fain et Ford n’ont publié que de vagues informations sur les propositions de l’entreprise visant à convertir les travailleurs temporaires actuels ayant «90 jours de service continu au statut à temps plein», mais rien sur la durée pendant laquelle les futurs intérimaires pourront être maintenus dans leur statut inférieur.

Le prétendu «langage de sécurité de l’emploi» est formulé de manière évasive, de même que les prétendus «engagements en matière de produits» et les promesses de ne pas perdre d’emplois à cause des usines de batteries pour véhicules électriques (VE). Il convient de noter que l’UAW avait affirmé, dans le cadre de l’accord UAW-Fiat Chrysler de 2019, avoir obtenu un «engagement de produit» et des millions de dollars d’investissements pour l’usine d’assemblage de Belvidere. Trois ans et demi plus tard, l’usine a été fermée et 5.000 emplois ont été détruits.

Des grévistes de Michigan Ford le 26 septembre 2023

Contrairement à la présentation faite par les médias de «négociations actives» et d’une multitude d’offres et de contre-offres de contrats, les dirigeants de l’UAW ont accepté depuis longtemps les conditions de la direction. Les principaux points de litige, s’il y en a, concernent l’accès de l’UAW aux cotisations et les structures de «gestion paritaire» avec des postes syndicaux supplémentaires dans les nouvelles usines de batteries pour VE, où les dirigeants syndicaux s’attendent à superviser un nouveau palier de travailleurs à bas salaires.

Le signe le plus sûr que la bureaucratie de l’UAW prépare une trahison est le contrat de capitulation que Fain & Cie essaient de faire avaler aux 3.500 travailleurs de Mack Trucks en Pennsylvanie, au Maryland et en Floride.

Après avoir annoncé un accord de «dernière minute» pour éviter une grève en début de semaine, l’UAW n’a pas publié l’intégralité du contrat et tente de faire passer un accord basé sur des «points saillants» d’ici dimanche. Ce qui en a été publié montre qu’il s’agit d’une véritable capitulation, avec une augmentation de salaire moyenne de 4 pour cent par an sur cinq ans et le maintien du système haï des deux paliers de salaires et avantages sociaux.

«Ce que Fain propose à Mack contraste fortement avec sa vidéo “super-cut” publiée hier après-midi», a déclaré un ouvrier en grève de Toledo Jeep. «Il parle de tout ce que nous méritons après toutes les concessions faites par l’UAW en 2009, qu’il a acceptées. Les propositions de Ford concernant les intérimaires et d’autres choses semblent bonnes sur le papier, mais il faut lire entre les lignes, car ce qui n’y figure pas est plus éloquent que ce qui s’y trouve».

«L’accord Mack est un accord insultant et sale. Ils ont rejeté tout ce que les travailleurs demandaient. C’est évident que Fain se range du côté des trusts. Si on me le présentait, je le froisserais et le jetterais à la poubelle».

«Indépendamment de qui fait soi-disant « des progrès”, on devrait tous se mettre en grève totale. Nous devons mettre en place des comités de la base, afin de pouvoir examiner tous les accords conclus par l’UAW ; ainsi nous n’aurons pas juste une vision étroite, mais une vision d’ensemble, ce qui nous permettra de voir en temps réel le schéma de ce qu’ils nous enlèvent et de le combattre».

(Article paru d’abord en anglais le 5 octobre 2023)

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