Les gouvernements s’apprêtent à sabrer les allocations versées aux réfugiés ukrainiens

Les réfugiés ukrainiens en Europe et ailleurs dans le monde sont confrontés à des perspectives de plus en plus désastreuses alors que les pays de l’OTAN se préparent à réduire encore davantage l’aide humanitaire destinée à ceux ayant fui la zone de guerre. Si l’UE vient d’annoncer qu’elle prolonge jusqu’en mars 2025 le statut de protection temporaire accordé aux Ukrainiens afin qu’ils puissent vivre et travailler légalement dans l’UE, les gouvernements leur rendent la chose de plus en plus impossible. Il y a des dizaines de milliards de dollars pour garantir que les travailleurs ukrainiens continuent de tuer leurs frères russes et mourir eux-mêmes dans le processus, mais pas autant pour garantir leur survie.

Jeudi, la Pologne, où résident actuellement environ 1 à 1,2 million de réfugiés ukrainiens, a annoncé qu'elle mettrait fin aux prestations publiques pour cette population au premier trimestre 2024. S'adressant à la presse, le représentant du gouvernement Piotr Müller a déclaré : «La durée des mesures relatives à l'octroi d'une assistance touchent progressivement à sa fin; c’est ce que dit la loi et les paiements cesseront. »

Fin août, Varsovie qui avait réduit de moitié son aide aux réfugiés plus tôt cette année, a supprimé les allocations de garde d'enfants pour les réfugiés ukrainiens qui quittent le pays pendant plus de 30 jours. Même si une personne revient dans ce délai, si son entrée n’est pas correctement documentée par un garde-frontière, elle est n’a plus du tout droit aux allocations familiales.

Cela menace les moyens de subsistance de milliers de familles ukrainiennes, dont beaucoup ont commencé à faire la navette dans leur pays d'origine dans la mesure où les conditions sur le terrain le permettent. Parce qu’il est interdit aux hommes âgés de 18 à 65 ans de quitter l’Ukraine, les épouses et les enfants qui ont fui sont à jamais séparés de leurs maris, pères, fils et frères, à moins qu’ils ne retournent pour les visiter. Si une erreur est commise à la frontière polonaise ou si un train est retardé au retour de Kiev, ces ménages de réfugiés ukrainiens en Pologne dirigés par des femmes seront privés de moyens essentiels, mettant ainsi en danger leur capacité à survivre. Les mères de jeunes enfants qui ne peuvent pas payer la garde de leurs enfants ne peuvent pas non plus travailler.

Montrant clairement qu'elle n'a pas l'intention d'héberger de futures vagues de réfugiés, la Pologne a récemment fermé son plus grand refuge pour les Ukrainiens en fuite et expulsé trois cents personnes vivant encore dans l’établissement à Nadzaryn. «Ils leur ont donné de la nourriture dans des sacs et point final», a déclaré un travailleur humanitaire au FT. Les portes de l’établissement ayant été fermées à 17 heures et l'entrée refusée à tous, certains n'ont même pas eu le temps de récupérer leurs affaires.

Une étude récente de HelpAge sur les réfugiés ukrainiens âgés en Pologne, qui sont au nombre d'environ 73 000, a révélé que seulement 8 pourcent d'entre eux peuvent payer leurs frais médicaux. Les médicaments, les visites chez le médecin et les rendez-vous chez les spécialistes – en d'autres termes, à peu près tout – sont inabordables. Au moins 80 pour cent des réfugiés ukrainiens âgés déclarent souffrir de dépression et d’anxiété chroniques, amplifiées par l’isolement social. Incapable de travailler, la population est fortement dépendante de diverses formes d’aide sociale.

L'Allemagne, dont le chancelier Olaf Scholz vient de déclarer que le nombre de demandeurs d'asile dans le pays est «trop élevé pour le moment», mène l'assaut contre les réfugiés. Fin septembre, le gouvernement a annoncé qu’il réduirait de près de 50 pourcent les dépenses consacrées à l’aide aux réfugiés envoyée aux Lands [régions] et, selon Reuters, qu’il «cesserait complètement sa contribution aux coûts de prise en charge et d’intégration des 1,08 million de réfugiés ukrainiens ».

Au total, les dépenses fédérales en faveur des réfugiés seront réduites de 3,75 milliards d’euros en 2023 à 1,25 milliard en 2024 et les années suivantes. Même avec le niveau de financement actuel, les collectivités locales signalent que le système des demandeurs d'asile est en crise.

En juin de cette année, Engelhard Mazanke, chef du bureau de l'immigration de Berlin, a déclaré à la presse: «Nous sommes au bord du dysfonctionnement». Néanmoins, un porte-parole du ministère allemand des Finances a expliqué qu'à l'avenir, trouver de l'argent pour que les administrations municipales puissent subvenir aux besoins des réfugiés sera l’affaire des Lands.

Selon le site Internet du gouvernement fédéral allemand, au cours de l’année 2023 seulement, Berlin a fourni à Kiev une aide militaire d’une valeur de 5,4 milliards d’euros et a promis 10,5 milliards supplémentaires.

La Grande-Bretagne, qui a donné 2,8 milliards de dollars en 2022 pour soutenir la machine de guerre ukrainienne, compte au moins 7 300 foyers ukrainiens (dont 4 740 avec enfants) qui sont désormais sans abri. Mais ces données, publiées par le gouvernement le 15 août, sont largement sous-estimées, car elles s'appliquent exclusivement à l'Angleterre et n'incluent pas les autres régions du Royaume-Uni. En outre, seuls deux tiers environ des autorités locales ont répondu à la demande d'information.

Le programme national «Des logements pour l'Ukraine», lancé en grande pompe au printemps 2022, s'est transformé en débâcle. Alors que des dizaines de milliers de familles britanniques, se sont portées, pour la somme dérisoire de 350 livres par mois, volontaires pour accueillir des réfugiés ukrainiens pendant six mois, le gouvernement n'a rien fait pour à attribuer ceux-ci un logement permanent. Parmi les familles qui ont ouvert leurs portes aux Ukrainiens en fuite, seulement 12 pour cent indiquent avoir reçu de l'aide pour trouver un logement à long terme pour leurs hôtes. Les réfugiés ont du mal à trouver eux-mêmes, car de nombreux propriétaires exigent une preuve de moyens financiers et d’un emploi à long terme – ils n’ont ni l’un ni l’autre – avant de louer un appartement.

En Grande-Bretagne comme ailleurs, le chômage, le sous-emploi et les emplois à bas salaires constituent un problème permanent. Avec des diplômes étrangers non reconnus par les gouvernements, des barrières linguistiques et d’autres vulnérabilités, l’expérience des réfugiés ukrainiens ne fait pas exception à la réalité quasi universelle à laquelle sont confrontés tous les demandeurs d’asile. Ils n'ont pas réussi à trouver un emploi correspondant à leur niveau de compétences ou ont été exploités par les employeurs.

En juillet, le journal Byline Times a rapporté le cas d’une immigrée ukrainienne en Grande-Bretagne. Celle-ci s'est vu proposer «des équipes à l’essai» dans divers restaurants où elle travaillait dans les cuisines ou faisait le ménage, sans que ses heures soient payées, pour apprendre des mois plus tard qu'après avoir «pris à l’essai» de nombreuses autres personnes, le poste avait été donné à quelqu'un d'autre. « Je passais quatre heures à peler des kilos et des kilos de brocolis et de patates douces », a-t-elle expliqué, avec pour résultat des mains en sang et pas de salaire.

En Allemagne, l’Institut de recherche sur l’emploi a constaté que 41 pour cent des réfugiés étaient sous-employés, un chiffre qui atteint plus de 50 pour cent pour les Ukrainiens.

Sur fond d'atmosphère anti-immigration hystérique, se dessine l’intention claire de pousser les réfugiés ukrainiens hors de l'Union européenne.

Après avoir déjà réduit considérablement l'aide aux réfugiés ukrainiens au début de cette année, la République tchèque les «encourage» désormais à partir en leur fournissant une aide financière ponctuelle pour rentrer chez eux. Mais si ces réfugiés demandent ultérieurement un visa tchèque de longue durée, ils devront rembourser la moitié de l’aide au rapatriement qu’ils reçoivent et ne pourront jamais recevoir de visa s’ils ne le font pas. Bref, en cas d’aggravation dramatique des conditions de guerre, les frontières tchèques seraient effectivement fermées à des milliers de gens.

Pendant ce temps, ce petit pays apporte sa contribution pour intensifier la violence en Ukraine. Selon RFE/RL, Prague avait donné en février à Kiev «38 chars, 55 véhicules blindés, quatre avions et 13 obusiers automoteurs provenant de ses réserves militaires, ainsi que des livraisons plus importantes en provenance du secteur privé». À la mi-septembre, le gouvernement a conclu un accord avec le Danemark et les Pays-Bas pour financer la livraison d'armes tchèques à l'Ukraine.

Hors d’Europe, c’est la même état de chose.

Fin août, le gouvernement israélien a retiré les soins médicaux à 14 000 réfugiés ukrainiens. Cette décision, qui a provoqué un tollé, a ensuite été annulée. Mais les autorités n’ont prolongé les prestations de santé que jusqu’à fin 2023 et ont indiqué qu’elles avaient l’intention de les annuler à nouveau en 2024. En outre, les ministères de l'Intérieur, des Affaires sociales et de la Santé refusent de payer la facture de la prolongation et exigent que le Trésor public paie la note.

De son côté, l'Australie a mis fin à son programme de visa humanitaire pour les Ukrainiens en juillet 2022. Si certains ont pu rester dans le pays en passant à d'autres types de visa, ils ont perdu leur logement, leurs revenus et d'autres formes d'aide gouvernementale, comme les cours d'anglais gratuits. Canberra s’est engagé à fournir une aide meurtrière à Kiev d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars.

Les États-Unis, qui auraient accueilli environ 270 000 réfugiés ukrainiens, exigent que ces demandeurs d'asile prouvent qu'ils disposent d'un soutien financier aux États-Unis avant de pouvoir entrer dans le pays. Dans le même temps, selon l’Institut de Kiel, Washington a jusqu’à présent fourni à l’Ukraine 46,6 milliards de dollars d’aide militaire. Son financement humanitaire pour le pays s'élève à moins de 4 milliards de dollars.

(Article paru en anglais le 7 octobre 2023)

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