Le gouvernement britannique cherche à interdire les manifestations propalestiniennes

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak et la ministre de l’Intérieur Suella Braverman profitent de la guerre d’Israël contre Gaza et les Palestiniens pour lancer la plus grave attaque contre la liberté d’expression et le droit de manifester de l’histoire britannique de l’après-guerre.

Alors que plusieurs milliers de personnes manifestent dans tout le pays en solidarité avec les Palestiniens, Sunak a menacé lundi: «Je voudrais juste rappeler à tout le monde que le Hamas est une organisation terroriste proscrite. Les gens ne devraient pas soutenir le Hamas et nous veillerons à ce qu’ils rendent des comptes s’ils le font».

La police surveille la manifestation devant l’ambassade d’Israël à Londres.

Il a ajouté que la police avait reçu l’ordre de «réprimer tout comportement contraire à la loi».

Plus tôt dans la journée, le ministre des Affaires étrangères, James Cleverly, avait demandé aux manifestants de rester chez eux. Il a dit: «Il n’est pas nécessaire que les gens sortent. Cela cause du désarroi. Il s’agit d’une situation difficile et délicate».

Cette déclaration faisait suite à celle de Braverman, qui avait averti dimanche: «Je m’attends à ce que la police utilise toute la force de la loi contre les manifestations de soutien au Hamas, à d’autres groupes terroristes interdits ou contre les tentatives d’intimidation des Juifs britanniques».

Mardi, dans une lettre publique adressée à la police, elle a précisé à quel point le filet tendu ratissait large: «Ce ne sont pas seulement les symboles et les slogans explicites pro-Hamas qui sont préoccupants. J’encourage la police à se demander si des slogans tels que: “De la rivière à la mer, la Palestine sera libre” doivent être compris comme l’expression d’un désir violent de voir Israël effacé du monde, et si leur utilisation dans certains contextes peut constituer une infraction à l’article 5 de la loi sur l’ordre public, aggravée par des considérations raciales.»

L’article 5 de la loi de 1986 sur l’ordre public (Public Order Act 1986) interdit «les paroles abusives ou insultantes, ou le comportement désordonné» et l’affichage d’écrits ou d’images «menaçants, violents ou insultants», «susceptibles de harceler, d’effrayer ou d’angoisser» une personne qui les voie ou les entend.

La lettre de Braverman poursuit: «Des comportements considérés comme légitimes dans certaines circonstances, par exemple le fait d’agiter un drapeau palestinien, peuvent ne pas être légitimes, par exemple, lorsqu’ils visent à glorifier des actes de terrorisme».

Elle «encourage tous les chefs de police à veiller à ce que toute manifestation susceptible d’exacerber les tensions au sein de la communauté par le biais de pancartes offensantes, de slogans ou de comportements qui peuvent être interprétés comme de l’incitation ou du harcèlement, bénéficie d’une forte présence policière afin de s’assurer que les auteurs de tels actes soient traités de manière appropriée».

Il s’agit d’un mandat, émanant des plus hautes sphères de l’État, pour des arrestations massives, facilitées par la série de lois anti-manifestation dictatoriales adoptées au cours des deux dernières années. Une manifestation nationale pour la défense de Gaza est prévue ce samedi devant Downing Street à Londres.

La ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman, s’exprime sur l’immigration à l’American Enterprise Institute, le mardi 26 septembre 2023, à Washington. [AP Photo/Kevin Wolf]

L’extraordinaire décret de répression politique du gouvernement britannique s’appuie sur une campagne de plusieurs années qui vise à criminaliser l’opposition politique à l’État israélien et à qualifier les opinions socialistes d’«extrémistes».

Jeremy Corbyn et ses partisans ont été chassés du Parti travailliste par une chasse aux sorcières fondée sur des allégations fabriquées et politiquement motivées d’un antisémitisme de «gauche» généralisé – assimilant l’opposition au sionisme et au traitement brutal des Palestiniens par Israël à une hostilité envers les Juifs, même lorsque les personnes accusées étaient elles-mêmes juives. La lâcheté politique de Corbyn a permis à cette campagne de réussir, le leader travailliste inscrivant au sein du parti la définition réactionnaire de l’antisémitisme telle que fournie par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA).

La définition de l’IHRA, qui assimile la critique d’Israël et de ses politiques à de l’antisémitisme, a depuis été promue dans toute la société, en particulier sur les campus, mais aussi pour calomnier des artistes tels que Roger Waters, pour servir d’arme d’intimidation politique et de censure destinée à réduire au silence les organisations de gauche pour lesquelles la défense des Palestiniens contre l’oppression israélienne et impérialiste est un principe fondamental.

Les dernières menaces vont bien au-delà de tout ce qui a été vu auparavant. L’opposition à Israël et sa façon de traiter les territoires et le peuple palestiniens motive des millions de travailleurs et de jeunes – notamment les 3,9 millions de musulmans du Royaume-Uni originaires du sous-continent indien et de l’ensemble du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’Asie – et constitue la préoccupation majeure de dizaines de milliers d’activistes. Tous sont aujourd’hui menacés d’arrestation pour exprimer publiquement ces opinions, à l’heure où le gouvernement Netanyahou menace d’anéantir le camp de concentration de Gaza.

Cette situation est sans précédent. Tout au long des 35 années de troubles en Irlande du Nord, des manifestations ont été organisées en Grande-Bretagne non seulement pour soutenir la cause générale de l’indépendance irlandaise, mais aussi la campagne militaire menée par l’Armée républicaine irlandaise. La revendication de la «victoire de l’IRA» n’a jamais été interdite, même dans le cadre de campagnes de bombardement et de répression brutale du mouvement républicain, car cela aurait discrédité toute prétention de la Grande-Bretagne à être une démocratie.

Des manifestations de masse ont été organisées contre l’apartheid sud-africain à une époque où le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher et les médias de droite traitaient le Congrès national africain de Nelson Mandela d’organisation terroriste.

En 2003, plus d’un million de personnes ont manifesté contre la guerre en Irak alors que le gouvernement de Tony Blair affirmait que le gouvernement de Sadaam Hussein constituait une menace immédiate pour les citoyens britanniques.

Selon les critères de la classe dirigeante d’aujourd’hui, tout cela serait inacceptable. Les tensions sociales et la menace de guerre sont aujourd’hui si aiguës que les droits démocratiques doivent être totalement saccagés.

Rien de tout cela n’aura l’effet désiré d’intimider les opposants à l’assaut israélien. Au contraire, cela renforcera la détermination des travailleurs et des jeunes à s’opposer à la répression brutale des Palestiniens par Israël et à ses maîtres impérialistes au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Europe.

Cela clarifiera la nature du combat que les travailleurs et les jeunes doivent mener. Les tentatives de répression des manifestations contre Israël sont le fer de lance d’une poussée vers l’autoritarisme rendu nécessaire par l’éruption du militarisme impérialiste dans le monde entier – la Grande-Bretagne jouant un rôle de premier plan dans la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine et dans les préparatifs avancés des hostilités contre la Chine. La guerre à l’étranger est synonyme de dictature à l’intérieur du pays. La lutte pour la défense des droits démocratiques et la lutte contre la guerre sont intimement liées.

(Article paru en anglais le 11 octobre 2023)

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