La bureaucratie des United Auto Workers (UAW) se prépare à annoncer un accord avec un ou plusieurs des trois constructeurs automobiles de Detroit (General Motors, Ford et Stellantis) qui trahirait les intérêts de près de 150.000 travailleurs.
Lors d’une diffusion en direct vendredi, le président de l’UAW, Shawn Fain, a déclaré que les constructeurs automobiles avaient déjà accepté des «contrats records», mais qu’il «restait encore beaucoup à gagner». «Chez GM (General Motors), nous sommes proches du but, mais il reste encore quelques ajustements à faire», a-t-il déclaré. La «partie la plus difficile d’une grève» est «juste avant un accord», a-t-il poursuivi, «quand on fait tout pour aller chercher ce qui manque».
Les travailleurs de l’automobile doivent être prévenus: la seule chose que prépare l’UAW est la touche finale d’une capitulation. Pendant 40 jours, l’UAW a maintenu l’écrasante majorité des travailleurs des trois grands au travail sans convention collective, produisant des bénéfices pour les constructeurs automobiles. Dans le même temps, Fain et l’UAW ont maintenu les travailleurs dans l’ignorance totale des détails de leurs discussions avec la direction, malgré les vagues «mises à jour» hebdomadaires de Fain.
Tout accord annoncé sur cette base sera une capitulation totale.
Face à la multiplication des revendications de la base en faveur d’une grève totale, en particulier lorsque GM et Ford ont annoncé leurs bénéfices cette semaine, Fain a appelé à des grèves dans certaines des usines les plus rentables des trois grands, pour la première fois depuis le début de sa politique de grève sélective, il y a près de six semaines. Lundi matin, l’UAW a appelé à la grève 6.800 travailleurs de l’usine d’assemblage de Stellantis à Sterling Heights, dans la banlieue de Detroit, et 5.000 autres travailleurs de l’usine d’assemblage de General Motors à Arlington, au Texas, mardi matin.
Mais ces grèves, qui portent à 45.000 le nombre de travailleurs des trois grands en grève – soit moins d’un tiers des 146.000 membres de l’UAW chez GM, Ford et Stellantis – font partie d’une mise en scène visant à atteindre le résultat escompté.
Art Wheaton, directeur des études sur le travail à l’université de Cornell, a déclaré au New York Times que les dernières grèves indiquaient que l’UAW était sur le point d’annoncer un accord. «Cela montre aux membres que “nous avons réglé le cas de leur usine la plus profitable et nous leur avons mis toute la pression que nous pouvions”», a déclaré Wheaton. «Ensuite, s’il y a un accord de principe, ils peuvent dire aux membres: “Vous feriez mieux de ratifier cet accord. Ne votez pas contre”».
Confirmant cette estimation, Fain a déclaré devant l’usine de Sterling Heights lundi: «Nous pouvons parvenir à un accord cette semaine. Nous voulons que nos membres quittent les piquets de grève et se remettent au travail pour fabriquer les meilleurs produits aux États-Unis».
Les dirigeants de l’UAW craignent manifestement que les reportages faisant état de profits énormes chez Ford et GM n’alimentent le désir des travailleurs de ne remporter rien de moins qu’une victoire écrasante.
Mardi, GM a annoncé un bénéfice net de 3,06 milliards de dollars pour le troisième trimestre, soit une baisse de 7 pour cent par rapport à l’année dernière, mais un résultat supérieur aux attentes de Wall Street. Soulignant l’inefficacité de la politique de «grève debout» de l’UAW, les ventes et les revenus de l’entreprise ont augmenté au troisième trimestre. Selon le directeur financier Paul Jacobson, GM a perdu 200 millions de dollars de revenus en raison de la grève au troisième trimestre, soit moins de 0,5 pour cent de son chiffre d’affaires trimestriel de 44,13 milliards de dollars. L’entreprise a déclaré un manque à gagner global de 800 millions de dollars, soit moins d’un quart de l’impact de la grève nationale chez GM en 2019.
Malgré les affirmations de Fain selon lesquelles les entreprises ont conclu des «contrats records», les dirigeants de l’industrie automobile se sont fermement opposés aux demandes des travailleurs concernant l’annulation des concessions historiques que l’UAW – et Fain lui-même – avait faites en 2009. Les entreprises proposent des augmentations salariales d’environ 23 pour cent, soit à peine plus que les 20 pour cent d’augmentations cumulées des prix que les travailleurs ont subies depuis la dernière convention collective de l’UAW en 2019, et des indemnités de vie chère tout à fait inadéquates. Les entreprises ont également rejeté du revers de la main les demandes des travailleurs visant à abolir les paliers salariaux et d’avantages sociaux, à rétablir les pensions et les prestations de santé des retraités, et à convertir immédiatement les travailleurs intérimaires actuels et futurs en travailleurs à temps plein.
Les entreprises ont pour objectif de détruire des dizaines de milliers d’emplois dans les années à venir et d’établir une main-d’œuvre largement sous-payée dans le cadre de la transition vers la production de véhicules électriques. La principale préoccupation de la bureaucratie de l’UAW a été d’épuiser le militantisme de la base pour qu’elle accepte une telle capitulation et, dans le même temps, de préserver les intérêts financiers et institutionnels de l’appareil syndical lui-même.
La bureaucratie de l’UAW travaille en étroite collaboration avec le gouvernement Biden pour empêcher l’escalade du mouvement de grève aux États-Unis, qui a déjà impliqué près de 500.000 travailleurs cette année. Leur objectif n’est pas seulement de défendre les résultats financiers des constructeurs automobiles, mais aussi d’empêcher toute interférence avec l’expansion massive des opérations militaires de la classe dirigeante américaine.
Dimanche soir, l’UAW a annoncé un accord de dernière minute pour empêcher une grève de 1.100 travailleurs contre General Dynamics, l’un des principaux sous-traitants de la machine de guerre américaine. Ses chars et son armement sont essentiels à la guerre par procuration menée par les États-Unis contre la Russie en Ukraine, au génocide des Palestiniens par les forces israéliennes à Gaza, soutenu par les États-Unis, et à la préparation d’une future guerre contre la Chine.
Le gouvernement Biden cherche à obtenir 105 milliards de dollars supplémentaires pour ces guerres, en plus du budget militaire américain qui s’élève à près de 1000 milliards de dollars. Biden a l’intention de soutirer ces ressources à la classe ouvrière en s’attaquant aux programmes sociaux et en augmentant sauvagement l’exploitation.
Dans son discours de la semaine dernière exposant les plans de guerre mondiale pour défendre la l’hégémonie des États-Unis, Biden a fait référence à l’alliance entre le gouvernement Roosevelt et les syndicats américains pour la conversion de l’industrie automobile en vue de produire des chars et des bombardiers pour la Seconde Guerre mondiale, alliance qui comprenait une interdiction de toute grève. Fain, qui a également fait référence au prétendu «arsenal de la démocratie» pendant la Seconde Guerre mondiale, offre les services de la bureaucratie de l’UAW pour réprimer la lutte des classes et imposer la discipline de travail brutale nécessaire à une guerre à grande échelle aujourd’hui.
Mais les efforts de l’impérialisme américain pour mener la guerre à l’étranger et contre la classe ouvrière à l’intérieur du pays se heurteront à une opposition massive. Après trois décennies de conflits militaires sans fin, l’hostilité à la guerre est largement répandue parmi les travailleurs américains. Des manifestations de masse ont déjà eu lieu contre la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza, qui est soutenue à bout de bras par l’establishment politique américain.
Fain, le gouvernement Biden et leurs agents publicitaires des Socialistes démocrates d’Amérique au sein du département de la communication de l’UAW ont déjà rédigé leurs communiqués de presse et leurs déclarations vidéo afin d’annoncer une «victoire historique» et d’étouffer toute opposition de la part des travailleurs de la base.
Mais au fur et à mesure que la réalité de cette trahison deviendra évidente, la bureaucratie de l’UAW devra faire face à une éruption d’opposition. Mais cette opposition doit être organisée, afin de surmonter les tentatives inévitables de la bureaucratie de l’UAW de trahir la lutte en utilisant ses méthodes traditionnelles de mensonges, d’intimidation et de truquage des votes.
Les travailleurs de l’automobile doivent s’inspirer du comité de base de Mack Trucks, qui a mené la campagne pour faire échouer les tentatives de Fain et de l’appareil de l’UAW d’imposer un contrat de capitulation à 4.000 travailleurs de Mack en Pennsylvanie, dans le Maryland et en Floride. Le contrat soutenu par Fain prévoyait des augmentations inférieures à l’inflation, maintenait le système de salaires et d’avantages sociaux à deux vitesses et prolongeait la journée de travail sans paiement d’heures supplémentaires.
Les travailleurs de Mack ont rejeté le contrat de l’UAW à trois contre un et ont débrayé le 9 octobre. Depuis lors, le comité de base a appelé les travailleurs des trois grands à mener une grève totale pour renforcer la position des travailleurs des secteurs de l’automobile et des camions.
Les travailleurs doivent se préparer dès maintenant à s’opposer à la capitulation imminente que prépare la bureaucratie de Fain. Il faut pour cela étendre le réseau des comités de base dans chaque usine afin de faire respecter les revendications non négociables des travailleurs, à savoir des augmentations salariales supérieures à l’inflation, le rétablissement de l’indemnité de vie chère, des pensions payées par l’entreprise et des soins de santé pour les retraités, l’élimination de tous les échelons, la conversion immédiate de tous les intérimaires actuels et futurs et de fortes augmentations des pensions pour les travailleurs à la retraite. La résistance des employeurs à ces demandes ne peut être brisée que par la mobilisation des travailleurs dans le cadre d’une grève à l’échelle du secteur.
(Article paru en anglais le 25 octobre 2023)