Unifor maintient le secret sur les négociations avec Stellantis à l’approche de l’échéance du déclenchement de la grève

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L’appareil syndical d’Unifor a maintenu un black-out presque complet sur les pourparlers avec Stellantis, alors que la déclenchement de la grève, fixée à 23h59 dimanche, approche à grands pas. L’objectif de la bureaucratie est d’embobiner une majorité des plus de 8200 travailleurs pour qu’ils votent en faveur de l’accord de capitulation, que la bureaucratie a fait passer chez Ford et GM. Pour empêcher cela, les travailleurs de Stellantis doivent prendre la direction de la lutte contractuelle des mains de la bureaucratie d’Unifor en établissant des comités de base dans chaque usine, afin de placer le pouvoir entre les mains des travailleurs sur le plancher de l’usine.

Plus d’une semaine après avoir annoncé l’ouverture des négociations et fixé une date pour la grève, Unifor a publié sa première «mise à jour des négociations» à l’intention des travailleurs. Ce document montre clairement que l’objectif d’Unifor est double: imposer son «modèle» traitre du Detroit Three à Stellantis, malgré l’opposition des travailleurs, et étendre la collecte des cotisations à l’usine de batteries NextStar de l’entreprise, actuellement en construction à Windsor, en Ontario.

La présidente d’Unifor, Lana Payne, et d’autres responsables syndicaux lors d’une conférence de presse sur l’ouverture des négociations de la convention collective chez le Detroit Three [Photo: Unifor 114/Facebook]

En outre, la mise à jour indique que les membres de l’équipe de négociation du syndicat devaient rencontrer les dirigeants de Stellantis jeudi et vendredi pour examiner les plans de transition vers la production de véhicules électriques. L’usine d’assemblage de Brampton devrait passer à la production de véhicules électriques l’année prochaine. Les plans restent flous pour l’usine de moulage d’Etobicoke, qui emploie actuellement 189 travailleurs horaires pour la fabrication de moteurs à combustion interne traditionnels et de moteurs hybrides.

L’entente-cadre, que la présidente d’Unifor, Lana Payne, a qualifiée d’«historique» et de «transformatrice», consiste en un gel des salaires pendant trois ans si l’on tient compte de l’inflation. Le contrat prévoit une augmentation de 10 % la première année, suivie d’une augmentation de 2 % et de 3 % les deuxième et troisième années respectivement.

Compte tenu des vastes réaménagements prévus pour la production de véhicules électriques dans la plupart des usines du Detroit Three, de nombreux travailleurs ne recevront que 70 % de leur salaire prévu sous la forme d’allocations de chômage supplémentaires pendant une grande partie de la durée du contrat. En outre, le modèle n’élimine pas le système détesté des salaires à plusieurs niveaux, mais l’inscrit dans une nouvelle progression salariale de quatre ans. Il ne prévoit pas non plus de protection de l’emploi lors de la transition vers les VE, ce qui permet aux entreprises de supprimer des emplois tout en réoutillant les usines.

Le mois dernier, l’accord a été imposé par un simulacre de vote de ratification en ligne chez Ford, avec seulement 54 % des voix, la bureaucratie passant outre le rejet des travailleurs qualifiés, en violation des propres règles du syndicat. Les bureaucrates d’Unifor ont également encouragé les travailleurs temporaires à temps partiel (TPT) faiblement rémunérés à s’inscrire et à voter alors que la date limite fixée par le syndicat était dépassée depuis longtemps. Le processus de ratification truqué comprenait une seule réunion de ratification en ligne, où seuls les bureaucrates soutenant le contrat pouvaient s’exprimer. Le processus de vote en ligne a exclu ceux qui n’avaient pas fourni d’adresse électronique valide et aurait abouti à l’envoi de bulletins de vote à d’anciens employés.

Unifor s’est ensuite attaqué à GM ce mois-ci, où il a saboté une grève de 4300 travailleurs après seulement 12 heures. La bureaucratie a profité de la situation précaire d’un grand nombre de TPT à temps plein et à temps partiel qui ont lutté avec des salaires de misère sanctionnés par le syndicat au cours des dernières années d’inflation galopante. En convenant avec GM de convertir les TPT à temps plein ayant plus d’un an d’ancienneté en employés permanents sur l’échelon le plus bas de la progression salariale, la bureaucratie a obtenu un soutien de 80,5 % pour l’accord. Le contrat permet à GM de continuer à exploiter les TPT pendant trois années supplémentaires, jusqu’en août 2026. Les travailleurs qualifiés de GM ont voté à 55,9 % pour ratifier l’accord.

Les travailleurs de l’automobile de Stellantis ont clairement exprimé leur opposition à la capitulation d’Unifor. Plus de 600 travailleurs ont participé à une réunion de la section locale 444 d’Unifor à Windsor le mois dernier pour exprimer leur détermination à rompre avec l’entente-cadre et à obtenir un meilleur accord. Les travailleurs ont également protesté contre le processus de ratification antidémocratique de Ford, exigeant des réunions et des votes en personne. Compte tenu de la forte opposition des travailleurs de la section locale 444 d’Unifor à Windsor, le choix de la direction d’Unifor de fixer la date limite au 29 octobre était significatif. L’usine d’assemblage de Windsor est fermée pour réoutillage jusqu’au 1er novembre, ce qui place les travailleurs dans une position plus faible, car une grève n’aurait aucun impact mesurable pendant plusieurs jours.

Manifestement, la bureaucratie espère pouvoir faire adopter son « modèle » juste à temps pour que les travailleurs de Windsor retournent à la chaîne de montage et produisent des profits pour Stellantis.

Dave Cassidy, président de la section locale 444 et président d’Unifor pour les métiers spécialisés, s’est posé en critique du modèle et de la direction nationale d’Unifor. Mais il a maintenu le droit de l’exécutif du syndicat de passer outre le rejet des métiers qualifiés chez Ford. Depuis, Cassidy est revenu sur ses critiques antérieures, affirmant qu’il serait très difficile de rompre avec le modèle. Il a également rejeté les demandes des travailleurs concernant la tenue de réunions et de votes en personne. Le week-end dernier, la section locale 444 a informé les travailleurs qu’ils devaient enregistrer une adresse électronique avant le lundi 23 octobre, afin de pouvoir participer au vote de ratification en ligne.

Les conventions collectives du Detroit Three aux États-Unis et au Canada ayant expiré presque simultanément le mois dernier, les travailleurs se trouvaient dans une position objectivement puissante pour mener une lutte unie à l’échelle de l’Amérique du Nord afin d’obtenir des constructeurs automobiles, qui ont engrangé des milliards de dollars de bénéfices, des augmentations de salaire et des protections de l’emploi à la hauteur de l’inflation pendant la période de transition vers les véhicules électriques. Au lieu de cela, les représentants d’Unifor se sont efforcés, tout au long du processus de négociation, de réduire les attentes des travailleurs. Leur principal objectif a été de maintenir les travailleurs canadiens de l’automobile séparés de leurs frères et sœurs du Detroit Three aux États-Unis, Payne répétant le mantra selon lequel le syndicat «tracerait sa propre voie».

Ce nationalisme canadien réactionnaire a été la marque de commerce d’Unifor et des Travailleurs canadiens de l’automobile avant lui au cours des quatre dernières décennies. Il a servi à diviser les travailleurs de l’automobile en Amérique du Nord, les dressant les uns contre les autres dans une course vers le bas en matière de salaires, de conditions de travail et de pensions. Alors que les géants de l’automobile ont mis en œuvre des plans de production et de restructuration à l’échelle mondiale, les bureaucraties syndicales des deux côtés de la frontière ont enfermé les travailleurs dans un carcan nationaliste qui a facilité une réduction massive des salaires réels, la destruction de centaines de milliers d’emplois dans l’automobile aux États-Unis et au Canada, et des profits massifs pour les constructeurs automobiles basés à Detroit.

La stratégie d’Unifor consistant à «tracer notre propre voie» a laissé les travailleurs sur les lignes de piquetage aux États-Unis se battre seuls, leurs collègues canadiens étant essentiellement contraints d’agir comme des briseurs de grève par Payne et ses collègues bureaucrates au salaire à six chiffres. Le simulacre de grève «debout» appelée par le président des Travailleurs unis de l’automobile, Shawn Fain, a permis à la grande majorité des usines de camions les plus rentables du Detroit Three de continuer à fonctionner plus d’un mois après l’expiration des contrats de près de 150.000 travailleurs au sud de la frontière.

Une grève dans l’une ou l’autre des trois entreprises au Canada aurait des répercussions immédiates sur les activités aux États-Unis. En outre, une lutte sérieuse au Canada alimenterait les demandes croissantes de grève totale aux États-Unis et encouragerait les travailleurs de l’automobile au Mexique, déterminés à lutter contre des conditions d’exploitation extrêmes. C’est une chose que les bureaucraties syndicales de chaque pays espèrent désespérément éviter, car elles s’efforcent de subordonner les travailleurs aux intérêts financiers de «leurs propres» élites dirigeantes.

La direction de Fain aux États-Unis, qui a été présentée par les forces de la pseudo-gauche autour de la bureaucratie syndicale comme une faction «réformatrice» qui apporterait plus de «militantisme» à la lutte contractuelle en 2023, n’offre pas de véritable alternative à Unifor. Au contraire, Fain et compagnie ont travaillé aussi dur que Payne pour étouffer le pouvoir des travailleurs de l’automobile et imposer les diktats des constructeurs, en étroite collaboration avec l’administration Biden. Mercredi soir, Fain a dévoilé un accord de principe de capitulation chez Ford. Les 16.600 grévistes de Ford, sur un total de 57.000, ont reçu l’ordre de reprendre le travail par Fain sans avoir vu le contrat et avoir pu voter. L’accord de principe prévoit une maigre augmentation salariale de 25 % sur quatre ans et demi et maintient le système de salaires à deux niveaux.

Les travailleurs de l’automobile de Stellantis doivent tirer les leçons de ces trahisons et organiser leur opposition en créant des comités de base dans chaque usine, qui pourront se coordonner et nouer des liens avec les travailleurs des États-Unis, du Mexique et d’ailleurs. Les travailleurs de l’usine Jeep de Stellantis à Toledo, dans l’Ohio, ont formé le comité de base de Toledo Jeep pour lutter en faveur d’une grève générale dans toute l’industrie. C’est vers ces travailleurs et les travailleurs de tout le Canada que les travailleurs de l’automobile doivent se tourner s’ils veulent lutter contre la capitulation organisée par la bureaucratie d’Unifor.

(Article paru en anglais le 27 octobre 2023)

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