La guerre à Gaza menace la flambée des prix mondiaux du pétrole et du gaz

Bank of America met en garde contre des prix aussi élevés que 250 dollars le baril

Au cours des quatre semaines qui ont suivi la rébellion du Hamas, le 7 octobre, les forces de défense israéliennes ont réduit à l’état de ruines de vastes zones de la bande de Gaza, tuant officiellement près de 7.000 civils palestiniens. Au total, 1,4 million de personnes auraient été déplacées de leur domicile. Les 2,3 millions d’habitants de Gaza sont privés d’eau potable, de nourriture, de carburant, d’électricité et d’Internet.

Ce génocide du peuple palestinien par l’État israélien a déclenché des manifestations de masse dans le monde entier, souvent les plus importantes manifestations contre la guerre depuis celles contre la guerre en Irak en 2003.

Le gouvernement Biden, déjà profondément engager dans la guerre par procuration contre la Russie qui fait rage en Ukraine, a maintenant demandé 105 milliards de dollars de fonds supplémentaires pour la guerre. Cette somme s’ajoute au budget militaire annuel de plus de mille milliards de dollars. Les États-Unis ont déplacé deux de leurs 11 groupes de frappe menés par des porte-avions vers la Méditerranée orientale en préparation d’une guerre plus large au Moyen-Orient impliquant l’Iran. L’Associated Press rapporte que les États-Unis ont décidé de «dépêcher des défenseurs et des conseillers au Moyen-Orient», à la fois pour aider Israël dans son invasion terrestre imminente de Gaza et pour se préparer au déclenchement d’une guerre beaucoup plus large impliquant l’Iran et les États-Unis.

Les préparatifs frénétiques de l’impérialisme américain — et de ses principaux alliés — en vue d’une nouvelle guerre régionale au Moyen-Orient, écrivions-nous, «marquent une étape majeure dans l’escalade de ce qui est, en fait, les premières étapes d’une troisième guerre mondiale».

Le Moyen-Orient est depuis longtemps au centre des préoccupations géopolitiques mondiales en raison de sa détention disproportionnée des meilleures et des plus grandes réserves de pétrole et de gaz du monde.

L’OPEP, dont les principaux membres se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, détient environ 65 pour cent des ressources mondiales de pétrole et de gaz. Depuis au moins les années 1930, les impérialismes britannique et américain ont été déterminés à utiliser une combinaison de force militaire, d’assassinats, de coups d’État, de pots-de-vin et d’autres moyens pour contrôler cette région. C’est pour cette simple raison que le président Biden a récemment expliqué au Congrès: «[Israël] est le meilleur investissement de trois milliards de dollars que nous faisons. S’il n’y avait pas d’Israël, les États-Unis devraient inventer un Israël pour protéger leurs intérêts dans la région».

Les prix du pétrole ont déjà considérablement augmenté depuis le début de la guerre. Le baril de Brent, principal étalon de prix utilisé pour le commerce mondial du pétrole, a grimpé de près de dix dollars au cours des deux premières semaines de la guerre. Comme le pétrole et le gaz naturel représentent les deux tiers de l’énergie utilisée dans l’économie mondiale, les variations de leurs prix ont un impact large et disproportionné sur les prix de tous les biens. Le pétrole alimente non seulement les voitures, mais aussi les industries mondiales du camionnage, du transport maritime et de l’aviation, ainsi qu’une série de produits pétrochimiques et de processus industriels essentiels. Le gaz naturel est le principal combustible utilisé pour le chauffage et la production d’électricité dans le monde. L’énergie solaire, bien qu’en plein essor, ne représente que 2 pour cent de l’utilisation actuelle de l’énergie dans le monde.

À l’heure actuelle, les prix du pétrole restent volatils. Les nouvelles de minute en minute de l’escalade de la guerre amènent les spéculateurs à placer nerveusement des paris dans différentes directions. Lorsque deux otages ont été libérés par le Hamas, les prix ont baissé. Mais après les bombardements incessants des forces israéliennes au cours des dernières 48 heures, les prix ont augmenté, les opérateurs s’inquiétant d’une escalade du conflit.

À l'heure où nous écrivons ces lignes, le baril de Brent se négocie à 88,50 dollars sur le marché libre. Toutefois, si la guerre se poursuit et que les États-Unis lancent des frappes majeures contre l’Iran, il est possible que le prix du pétrole double, voire triple.

Feu et fumée s'échappant du pétrolier norvégien Front Altair qui aurait été attaqué dans les eaux du golfe d’Oman, le 13 juin 2019 [Photo: Iranian Students News Agency]

Selon une récente note de recherche de Bank of America, le prix du pétrole pourrait atteindre 250 dollars le baril en cas d’escalade significative de la guerre.

Un prix du pétrole à 250 dollars le baril aurait des conséquences catastrophiques sur la consommation et la croissance économique dans le monde entier, ce qui déclencherait probablement une récession mondiale en l’espace de quelques mois. Le prix du pétrole n’a jamais atteint un tel niveau. La dernière fois qu’il s’est approché de ce niveau, c’était en 2008, environ un mois avant l’éclatement de la crise financière mondiale, lorsqu’il a grimpé jusqu’à 210 dollars en dollars d’aujourd’hui.

La «Bank of America» estime que 250 dollars serait le cas le plus extrême. Mais même sa suggestion la plus modérée, à savoir que les prix doublent presque pour atteindre 150 dollars, entraînerait des difficultés majeures.

La raison principale de ces possibilités est qu’un tiers du pétrole commercialisé par voie maritime dans le monde passe par le détroit d’Ormuz chaque jour (environ un quart du pétrole mondial). La capacité de l’Iran à empêcher le commerce de passer par le détroit est l’une de ses principales formes de défense contre une guerre potentielle avec les États-Unis.

Carte du détroit d’Ormuz [Photo by Goran_tek-en / CC BY-SA 4.0]

Le Guardian cite Nicholas Farr, de Capital Economics, qui a présenté un scénario potentiel d’escalade.

Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, a échangé des tirs de missiles avec Israël depuis le Liban, ce qui pourrait ouvrir un nouveau front dans le conflit. Si l’Iran était entraîné dans la guerre, cela créerait des risques mondiaux majeurs en perturbant l’approvisionnement en énergie et en faisant grimper les prix du pétrole. Les prix du gaz naturel pourraient également être affectés si les exportations de GNL [gaz naturel liquéfié] étaient perturbées.

Comme l’a déclaré le général Frank McKenzie, ancien chef du commandement central des États-Unis, dans une interview accordée à NPR, une guerre régionale qui implique le Hezbollah, les États-Unis et l’Iran est «tout à fait possible».

Platts, l’un des principaux services de recherche pétrolière, décrit les marchés pétroliers comme étant «à cran », mais note qu’à l’heure actuelle, la majorité de l’OPEP, qui comprend l’Iran, n’a aucun intérêt à perturber l’approvisionnement mondial en pétrole.

Pendant ce temps, des groupes de réflexion basés à Washington battent le tambour pour des représailles économiques et militaires contre l’Iran.

L’«Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient» (Washington Institute for Near East Policy), un important groupe de réflexion américain soutenu par Israël, écrit que: jusqu’à présent, l’Amérique a envoyé, entre autres, deux groupes de porte-avions, leurs destroyers à missiles guidés et une unité expéditionnaire du corps des Marines capable de mener des opérations amphibies».

Pour le Washington Institute, cependant, ce n’est pas suffisant. Il poursuit:

La démonstration de force de l’Amérique en Méditerranée est impressionnante, c’est certain, et ce n’est pas fini: le Pentagone dit qu’il enverra un système de défense aérienne THAAD et des bataillons de missiles Patriot dans la région. Mais il n’est pas certain que ce déploiement de muscles freine réellement l’implication d’autres acteurs ou qu’il empêche la guerre de s’étendre. Pour que la menace dissuasive de l’Amérique soit crédible, elle devra agir de manière décisive contre les nouvelles provocations.

L’institut recommande d’«accroître la pression économique» sur l’Iran, avant de déclarer que «Washington pourrait n’avoir d’autre choix que de s’engager militairement».

La logique de ces positions, qui tourbillonne dans l’esprit des planificateurs de guerre au Pentagone et à Tel-Aviv, conduit à une guerre mondiale. Ils admettent ouvertement que la satisfaction des ambitions de l’impérialisme américain dans la région nécessite — qu’ils le veuillent ou non — une confrontation militaire directe avec l’Iran.

Compte tenu du contexte géopolitique plus large - la guerre contre la Russie et les plans de guerre très avancés avec la Chine - un tel «coup d’allumette» pourrait exploser en une guerre mondiale ou, à tout le moins, en marquer la première étape majeure.

Mais le déclenchement d’un tel conflit comporterait, comme le montre la question de l’énergie, d’énormes contradictions. Si les désirs du Washington Institute et de ses partisans au Pentagone et à Tel-Aviv se réalisaient, l’Iran pourrait vraisemblablement riposter par le biais de l’«arme énergétique».

En 2022, à la suite de l’invasion provoquée de l’Ukraine par la Russie, les puissances de l’OTAN, menées par les États-Unis, ont lancé une interdiction globale des exportations de pétrole et de gaz russes. Bien que l’efficacité réelle de ces mesures soit discutée — elles ont réduit le prix auquel la Russie pouvait vendre son énergie, mais n’ont pas bloqué les ventes, redirigeant plutôt les flux vers l’Asie — les conséquences, à l’échelle mondiale, ont été énormes.

L'année 2022 a été une année incroyablement difficile pour des milliards de personnes à travers le monde, car les prix de presque tout ont augmenté. Aux États-Unis, le taux d’inflation annuel atteint 8,3 pour cent. En Europe, un horrible hiver de prix élevés de l’électricité a touché tous les travailleurs et a ralenti la production industrielle. Au Sri Lanka, en juillet 2022, un soulèvement contre le gouvernement a été déclenché par la montée en flèche des prix du carburant et du gaz de cuisine.

Si l’inflation mondiale n’est pas aussi élevée qu’en 2022, les prix n’ont pas baissé; ils n’augmentent tout simplement pas aussi rapidement.

Les machinations de l’impérialisme américain, à l’échelle mondiale, entraînent le monde dans une crise de guerre mondiale en spirale. Comme le démontre le génocide en cours à Gaza, la poursuite des objectifs géopolitiques des États-Unis aura des conséquences catastrophiques, imprévues et en cascade.

Si les États-Unis entrent en guerre contre l’Iran, il est tout à fait possible que l’inflation dévastatrice de 2022 réapparaisse. Seule la classe ouvrière, qui ne doit d’allégeance à aucun pays, a le pouvoir et la capacité de mettre fin à l’horreur et aux conséquences de ce qui se déroule actuellement.

(Article paru d’abord en anglais le 27 Octobre 2023)

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