L’UAW met fin à la grève chez Stellantis après avoir annoncé une entente de principe

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Piquet de grève des travailleurs de Jeep à Toledo, le 15 septembre 2023

Samedi soir, l’United Auto Workers (UAW) a annoncé un accord de principe avec Stellantis et a ordonné aux quelque 14.000 grévistes de l’entreprise de cesser leurs piquets de grève et de se préparer à reprendre le travail.

L’ordre de la direction de l’UAW de mettre fin à la grève avant que les travailleurs n’aient pris connaissance de l’accord ou ne se soient exprimés par un vote fait suite à une décision antidémocratique similaire chez Ford, où le syndicat a annoncé un accord et mis fin aux grèves mercredi. L’entente de principe de quatre ans et demi conclu chez Stellantis serait dans la même veine que la capitulation chez Ford.

Alors qu’il démantelait les piquets de grève à Stellantis samedi, l’UAW a annoncé qu’il étendait la grève contre GM, en appelant au débrayage les travailleurs de l’usine d’assemblage de Spring Hill, dans le Tennessee. Aucun contrat n’a encore été conclu avec GM, bien que l’UAW ait annoncé des progrès considérables.

Samedi soir, lors d’une diffusion en direct sur Facebook, le président de l’UAW, Shawn Fain, a qualifié l’accord conclu avec Stellantis d’autre «grande victoire» des «grèves debout» de l’UAW, qui ont laissé en poste la grande majorité des travailleurs des trois grands (Ford, GM, Stellantis), les faisant travailler sans convention collective et générer des bénéfices pour les constructeurs automobiles.

Même à leur apogée mardi dernier, les «grèves debout» de l’UAW n’ont impliqué que 40.000 travailleurs, soit environ 27 % des membres de l’UAW chez les trois grands – moins que les 46.000 travailleurs qui ont fait grève pour l’ensemble de GM au niveau national en 2019.

Le conseil Stellantis de l’UAW doit se réunir jeudi soir pour approuver l’entente de principe, puis dévoiler les «grandes lignes» de l’accord lors d’un événement en direct sur Facebook.

Rich Boyer, vice-président de l’UAW pour Stellantis, est apparu aux côtés de Fain et a affirmé que l’accord prévoyait la réouverture de l’usine d’assemblage de Belvidere qui avait été fermée, mais n’a fourni que peu d’autres détails. Boyer a affirmé que les travailleurs de Belvidere, dont beaucoup avaient déménagé à travers le Midwest vers d’autres usines Stellantis à grands frais personnels, se verraient accorder le droit de revenir. Il a également affirmé que Stellantis avait accepté de confier de nouveaux produits aux usines de Trenton Engine et de Toledo Machining.

Usine Belvidere Assembly, 2021

Une nouvelle usine de batteries pour véhicules électriques a également été annoncée dans le complexe de Belvidere, qui, selon l’UAW, emploierait 1000 travailleurs, dont le salaire devrait presque se situer à un nouvel échelon inférieur.

Aucun délai n’a été fixé pour la réouverture de l’usine d’assemblage ni pour la construction de l’usine de batteries. L’usine de Belvidere est à l’arrêt depuis février et la grande majorité des travailleurs ont déménagé ou trouvé un nouvel emploi, beaucoup d’entre eux ayant dû vendre leur maison ou laisser leur famille derrière eux.

Il ne fait aucun doute que des réductions d’impôt sur les sociétés pouvant atteindre des milliards ont été promises à Stellantis, qui a utilisé la fermeture de l’usine pour obtenir des avantages de la part l’État. «Tout le monde, du bureau du gouverneur aux fonctionnaires locaux et fédéraux, s’est efforcé de mettre au point un ensemble de mesures incitatives que Stellantis ne pouvait pas refuser», a déclaré Bill Foster, membre démocrate du Congrès de l’Illinois, à Automotive News.

Hormis ces engagements, l’accord de Stellantis semble similaire à la capitulation de l’UAW chez Ford. Il prévoit des augmentations de salaire inférieures aux normes, de 25 % sur la durée du contrat, une formule de calcul du coût de la vie inférieure à l’inflation et l’abandon des demandes d’élimination des échelons, d’abolition du travail intérimaire, de rétablissement des pensions, des soins de santé pour les retraités et d’autres concessions cédées en 2009.

Dans une différence potentielle qui serait très importante, l’UAW n’a pas prétendu avoir obtenu la promotion de tous les travailleurs temporaires actuels à un statut à temps plein chez Stellantis, se contentant de promettre des «milliers» de conversions.

Alors que l’UAW s’efforce d’obtenir des accords chez les trois grands, Unifor s’efforce d’obtenir un résultat similaire pour les travailleurs de l’automobile au Canada. Avant l’expiration de son contrat et la date limite de la grève avec Stellantis, dimanche à minuit, Unifor a affirmé que des progrès avaient été réalisés, tout en gardant ses membres dans l’ignorance totale du contenu de ses discussions avec la direction. Au début du mois, Unifor a déclenché une grève chez GM et l’a arrêtée en moins de 14 heures, avant d’imposer un accord pro-patronal.

Entre-temps, l’accord de principe conclu par l’UAW avec Ford suscite de plus en plus d’opposition. Fain et Chuck Browning, vice-président de l’UAW pour Ford, ont organisé dimanche une retransmission en direct devant le Conseil national de l’UAW-Ford pour passer en revue les «grandes lignes» de l’accord avec Ford. Des centaines de travailleurs ont inondé les commentaires sur Facebook et YouTube d’appels à rejeter le contrat, beaucoup disant que l’entente était de la «merde».

«La plupart des gens à qui j’ai parlé vont voter contre»

Tout comme chez Ford, il n’a pas fallu longtemps pour que la colère éclate à propos de l’accord conclu entre l’UAW et Stellantis.

Une travailleuse de MOPAR qui avait travaillé à Belvidere Assembly a déclaré au World Socialist Web Site: «La plupart des gens à qui j’ai parlé vont voter contre. Nous savions déjà qu’une fois l’accord Ford conclu, les deux autres auraient un modèle. Ce n’est pas suffisant qu’il ait été accepté, mais ils savent comment nous monter les uns contre les autres».

Elle a fait remarquer que le complexe Jeep de Toledo était l’une des premières usines où l’UAW s’est mis en grève. À Toledo comme dans les usines MOPAR, «des milliers de personnes venaient de Belvidere, ils ont donc dû déménager pendant l’inflation et payer beaucoup plus pour vivre, et ils [les responsables de l’UAW] savaient qu’il ne faudrait pas longtemps pour qu’ils soient durement touchés financièrement et qu’ils veuillent mettre un terme à la grève».

«Une fois que l’UAW s’est rendu compte de la fatigue financière, il a déclenché la grève dans deux usines, moins d’une semaine avant d’accepter un accord médiocre. Stellantis s’est réjoui de la décision de Sterling Heights, car l’usine ne vendait pas les stocks qu’elle avait déjà. GM Arlington avait plus de 200 jours de stock, ce n’était donc pas un coup dur.»

«La prime à la signature est une blague! C’est tellement frustrant de ne pas avoir récupéré ce que nous avons donné et obtenu ce que nous méritions, car c’est ça qui nous avait été présenté.»

«Il y a tant de gens qui ont sacrifié six à sept semaines de salaire et qui souffriront de cet accord à rabais. Une prime à la signature de 5000 dollars est loin de les aider à compenser ou à rattraper l’inflation et la perte de revenus importants. La prime à la signature représente une course vers le bas pour ceux qui accumulent des milliards de bénéfices pour les PDG, les actionnaires et les représentants syndicaux. Ils nous voyaient comme des esclaves qui servent à les enrichir, et nous sommes restés des esclaves.»

«Ils auraient pu faire un peu mieux pour nous montrer à quel point nous sommes importants pour eux, mais le syndicat et l’entreprise nous ont montré que nos vies ne valent pas une vie stable, mais juste assez pour s’en sortir, et maintenant ils vont faire toutes les heures supplémentaires forcées pour nous priver de notre qualité de vie. Rien n’a changé.»

«C’est dommage, nous pensions tous que ce serait historique. Les gens parlaient d’une partie d’échecs. C’est le cas, et nous sommes les pions. La classe ouvrière recevra toujours juste ce qu’il faut pour maintenir l’économie à flot, mais devra pour cela sacrifier ses moyens de subsistance. Nous méritons mieux.»

Un membre du Comité de base des travailleurs de Stellantis Warren Truck a déclaré: «Les travailleurs temporaires à temps partiel sont très en colère. Shawn Fain nous a trahis et nous a bernés. Je suis tout simplement dégoûté. J’espère que tout le monde votera “non”.»

«Fain doit savoir que les gens sont en colère contre lui. Il n’a pas obtenu une seule chose qu’il avait dit qu’il obtiendrait.»

«J’ai seulement vu qu’ils transféraient 3200 TPT de Stellantis à temps plein. Avec tous les TPT de Mack Assembly, Sterling Heights Assembly et Warren Truck, ce n’est rien. C’est une gifle. Cela signifie que tout le monde n’est pas transféré.»

«Les travailleurs à temps plein seront furieux des 25 %. Fain est passé de 46 % à 25 %. Cela va être énorme pour eux.»

«Et comment ont-ils fait pour ajouter une demi-année supplémentaire au contrat?»

«La prime à la signature de 5000 dollars, une fois les impôts déduits, ils pourraient tout aussi bien la garder. J’ai consulté les pages Facebook et les gens disent que les travailleurs de Ford devraient voter “non”. Et pour notre convention collective, c’est aussi un “non”.»

(Article paru en anglais le 30 octobre 2023)

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