Québec: avec leur débrayage bidon, les syndicats se préparent à trahir la lutte des travailleurs du secteur public

Avec en main des mandats de grève générale illimitée votés à 95% par les membres de la base, les syndicats du secteur public continuent de négocier en coulisses des ententes au rabais avec le gouvernement droitier de la CAQ (Coalition Avenir Québec) de François Legault.

Le but premier de la bureaucratie syndicale est d’empêcher un réel mouvement d’opposition. Sa plus grande crainte est qu’une grève générale des 600.000 travailleurs du secteur public pourrait servir d’étincelle à un mouvement unifié de la classe ouvrière contre l’assaut patronal sur les services publics et l’austérité capitaliste.

Les travailleurs du secteur public, quant à eux, sont déterminés à améliorer leurs conditions après des décennies de coupes budgétaires et trois années d’une politique du «vivre avec le COVID-19» qui a empiré la crise de longue date dans les services publics.

Les membres de la base sont prêts à se battre contre les salaires à la baisse, le temps supplémentaire obligatoire, et les ratios insoutenables d’élèves par enseignant et de patients par soignant. Ils sont prêts à se mobiliser pour défendre et améliorer les services publics qu’ils fournissent. Ils étaient plus de 100.000 à participer à la manifestation du 23 septembre dernier pour démontrer leur opposition aux attaques du gouvernement Legault.

Des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public, venus des quatre coins de la province, ont manifesté à Montréal le 23 septembre dernier contre les «offres» provocatrices du gouvernement Legault

Mais que font le Front commun intersyndical et les autres syndicats du secteur public comme la FAE (Fédération autonome de l’enseignement) et la FIQ (Fédération interprofessionnelle de la santé)?

Depuis le début du conflit, ces appareils pro-capitalistes essoufflent leurs membres dans un long processus de «négociations» dont les paramètres sont fixés d’avance par le gouvernement et la classe dirigeante.

Les négociateurs syndicaux ont déjà accepté des concessions sans consulter leurs membres. Même si Legault vient de mettre fin aux primes accordées à des milliers de travailleurs durant la pandémie, les syndicats offrent leur pleine collaboration pour «faire avancer cette négociation rapidement», c’est-à-dire parvenir rapidement à une entente de trahison.

Le gouvernement Legault vient d’offrir une «bonification» de 0,26% par année par rapport à son offre initiale d’une hausse salariale de 9% sur 5 ans – ce qui reste nettement en dessous de l’inflation.

Face à cette nouvelle provocation, le Front commun a été forcé d’annoncer une première «grève» le 6 novembre. Le but de cette action est de déranger «le moins possible», selon le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Éric Gingras. La grève se tient de minuit à 10h30 du matin (midi dans les cégeps).

Rappelant le fiasco des «grèves innovantes» de 2020, les travailleurs scolaires seront en arrêt de travail pour une durée de plus ou moins 2 heures, après quoi ils devront aller travailler. En santé, un nombre limité de travailleurs seront en grève non seulement parce qu’elle se déroule largement de nuit, mais aussi parce que les syndicats ont assuré au gouvernement qu’ils feront respecter la loi réactionnaire sur les services essentiels.

De son côté, la FAE a donné un «ultimatum» de 21 jours au gouvernement, sans quoi ses 65.000 membres enseignants tomberont en grève générale illimitée le 23 novembre. Son but n’est pas d’appeler les autres travailleurs du secteur public à suivre son exemple dans une lutte commune pour la défense des services publics et des conditions de travail. Son appel est plutôt dirigé au gouvernement Legault pour le convaincre de conclure rapidement une entente séparée, qui serait inévitablement pleine de concessions.

C’est dans le même esprit que la FIQ, qui regroupe 80.000 infirmières et autres professionnelles de la santé, a annoncé un débrayage isolé, les 8 et 9 novembre.

En menant des négociations et des actions séparément, les syndicats jouent le jeu du gouvernement. C’est la stratégie qu’ils ont toujours utilisée pour imposer des reculs à leurs membres. En 2020, la CSQ, la FAE et la FIQ ont signé des ententes «différenciées» censées apporter des «gains» aux enseignants et aux infirmières.

Il s’agissait en fait d’une stratégie de division qui n’a pas avancé d’un iota les intérêts de leurs propres membres, notamment avec le maintien des décrets ministériels et du temps supplémentaire obligatoire. Cela a également facilité l’imposition de hausses salariales d’à peine 2% par année au reste du demi-million de travailleurs du secteur public.

C’est cette stratégie de trahison qui permet au premier ministre François Legault, un fier serviteur de l’élite dirigeante, de garder la ligne dure.

Les chefs du Front commun ont annoncé qu’ils mettront possiblement à exécution une deuxième séquence de grève «de 2 à 5 jours» d’ici Noël. Mais comme ce fut le cas en 2015, ils sont prêts à annuler les grèves à tout moment pour éviter une confrontation avec le gouvernement. Ils sont surtout inquiets de ne pas pouvoir contenir la colère des travailleurs.

Agissant comme conseillers de la CAQ, ils répètent que l’attitude provocatrice du gouvernement – qui comprend l’augmentation salariale de 30% accordée aux députés de l’Assemblée nationale et l’offre de 21% sur 5 ans aux policiers de la SQ – est «la recette parfaite pour mettre le feu aux poudres». Les syndicats exhortent plutôt Legault à utiliser leurs services pour imposer des contrats remplis de concessions.

En entrevue à l’émission Tout le monde en parle, Gingras a affirmé que les syndicats sont «prêts à écouter les demandes» patronales. Il a ensuite appelé la population à «faire pression sur leurs députés» pour forcer le gouvernement «à écouter».

Les travailleurs ne doivent pas se laisser bercer d’illusions. Legault est conscient de l’état lamentable des services publics: c’est le produit d’une politique bien définie visant à détourner la richesse sociale par une baisse massive de l’impôt sur les riches et à créer une base d’appui pour la privatisation parmi les couches aisées des classes moyennes.

Cette politique a le plein appui de tout l’establishment, et notamment celui du Parti québécois et du Parti libéral, qui ont imposé successivement des coupes sociales brutales et privatisé les services pendant 40 ans.

Quant au parti de la pseudo-gauche, Québec Solidaire, il se contente de critiques verbales des compressions budgétaires. Ce n’est qu’une façade pour sa véritable politique qui est d’offrir ses services à la bureaucratie syndicale pour aider celle-ci à étouffer la lutte de classe.

L’argument frauduleux voulant que l’appauvrissement des travailleurs soit nécessaire pour «respecter la capacité de payer des Québécois» doit être rejeté avec force. Cela sort de la bouche d’un gouvernement pro-patronal qui octroie plus de 7 milliards au fabricant de batteries électriques Northvolt, offre des rabais d’électricité scandaleux à une poignée de compagnies et baisse les impôts des riches et des super-riches.

En même temps, la classe dirigeante québécoise et canadienne est unie derrière la politique impérialiste de Trudeau à Ottawa et de Biden à Washington. Ces deux gouvernements, et leurs alliés de l’OTAN, soutiennent pleinement le génocide de la population palestinienne par le régime israélien de Netanyahu. Et ils financent à coups de milliards le gouvernement ukrainien ultra-droitier qui mobilise des forces fascistes dans sa guerre contre la Russie.

Au Canada comme ailleurs, toute opposition au discours pro-guerre officiel est de plus en plus réprimé. De la même manière, le gouvernement Legault est prêt à recourir aux lois spéciales pour imposer les diktats du patronat.

Cela démontre que les travailleurs du secteur public ne se trouvent pas dans un simple conflit pour renouveler un contrat de travail. Ils confrontent des enjeux qui sont politiques, et qui dépassent de loin les frontières du Québec. Partout, leurs frères et sœurs de classe font face aux mêmes attaques sur leurs conditions d’existence et leurs emplois, et tous sont les victimes des guerres impérialistes.

Il est nécessaire de transformer le mouvement de grève actuel en une vaste contre-offensive de toute la classe ouvrière contre l’austérité, la privatisation et le danger de guerre mondiale.

Pour ce faire, il faut que les travailleurs de la base arrachent le contrôle de leur lutte des mains des appareils syndicaux pro-capitalistes et construisent de nouvelles formes d’organisation: des comités ouvriers de la base.

Le but de ces comités est de mobiliser toute la force de la classe ouvrière au Québec, au Canada et internationalement afin de préparer une grève générale en défense des emplois et des services publics, et en défi aux lois spéciales anti-démocratiques.

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