La bureaucratie de l’AFL-CIO s’attaque au soutien grandissant des travailleurs américains à la Palestine

La présidente de l’AFL-CIO Liz Shuler à Washington, samedi 26 août 2023 [AP Photo/Andrew Harnik]

Alors que l’opposition à la guerre génocidaire d’Israël contre la population de Gaza s’accroît rapidement, la bureaucratie syndicale des États-Unis s’efforce de sévir contre les travailleurs et d’imposer la ligne pro-israélienne de l’administration Biden et de l’impérialisme américain.

Dans une brève déclaration d’un paragraphe publiée le 11 octobre, la fédération syndicale AFL-CIO a dénoncé le Hamas pour «des atrocités et un carnage épouvantables» et pour «terrorisme», tout en ne disant rien sur les niveaux de violence bien plus importants de l’armée israélienne contre les civils palestiniens. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le siège de Gaza, soutenu par les États-Unis, a coûté la vie à près de 10.000 personnes, dont plus de 4.000 enfants.

La déclaration verse des larmes de crocodile sur la «crise humanitaire» à Gaza sans nommer sa source, le gouvernement israélien et la Maison-Blanche de Biden, tout en appelant à une «résolution rapide» du «conflit».

Cette déclaration signifie clairement que la bureaucratie de l’AFL-CIO soutient pleinement le génocide de Gaza, que les États-Unis utilisent pour provoquer une guerre plus vaste au Moyen-Orient et dans le monde afin de réaffirmer leur hégémonie mondiale.

Les travailleurs américains, en revanche, sont indignés par le massacre des Palestiniens par Israël et s’opposent à une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Cette attitude se traduit par un soutien de plus en plus grand aux actions visant à bloquer le transfert d’armes et d’équipements à Israël. Une résolution récente adoptée par le Thurston-Lewis-Mason Central Labor Council, qui couvre les syndicats d’une région située au sud de Seattle, dans l’État de Washington, a déclaré qu’il «s’opposait par principe» à «toute participation syndicale à la production ou au transport d’armes destinées à Israël», a appelé l’AFL-CIO à exiger «un cessez-le-feu immédiat et l’égalité des droits pour les Palestiniens et les Israéliens» et a décidé d’enquêter sur «les façons dont nos syndicats membres pourraient être impliqués dans cette guerre». La résolution a été adoptée à l’unanimité.

C’est significatif que la région dans laquelle se trouve le CLC Thurston-Lewis-Mason semble être une importante voie d’acheminement d’armes vers Israël. Selon une source qui s’est entretenue avec le WSWS, le navire de ravitaillement militaire Cape Orlando a accosté au port de Tacoma au cours du week-end, après avoir quitté le port d’Oakland, dans le nord de la Californie, le vendredi. À Oakland, des centaines de manifestants ont tenté d’empêcher le départ du navire, qui transporte des armes destinées à l’armée israélienne, et ont reçu le soutien de dockers.

Selon In These Times, l’AFL-CIO est intervenue pour annuler cette résolution, et la présidente Liz Shuler a envoyé un mémo à toutes les fédérations d’État, aux conseils régionaux et centraux déclarant que «seule l’AFL-CIO nationale est autorisée à prendre des positions publiques sur les questions nationales et internationales». [L’accent est dans l’original.]

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Avec un cynisme total, Shuler a ajouté que ces règles sont «destinées à nous protéger de la division ou de l’affaiblissement. Et elles doivent être respectées». En d’autres termes, seule la ligne de parti définie par le Conseil exécutif de l’AFL-CIO est autorisée, et aucune opposition manifeste ne sera tolérée.

L’«unité» invoquée par Shuler est l’unité de la bureaucratie syndicale contre les travailleurs de la base. Les bureaucraties syndicales qui composent l’AFL-CIO fonctionnent comme des prolongements du Parti démocrate et du département d’État. En plus d’avoir trahi les besoins quotidiens des travailleurs aux États-Unis pendant près d’un demi-siècle, l’AFL-CIO a un passé notoire de collaboration avec la CIA dans d’innombrables coups d’État soutenus par les États-Unis, du Guatemala à l’Iran en passant par le Brésil et le Chili, et continue à ce jour d’opérer pour le compte de l’impérialisme américain.

Les hauts fonctionnaires qui composent le Conseil exécutif de l’AFL-CIO comprennent des personnalités telles que Shawn Fain (United Auto Workers), Sean O’Brien (International Brotherhood of Teamsters) et Randi Weingarten (American Federation of Teachers), qui sont en contact régulier avec l’administration Biden pour bloquer ou limiter les grèves et faire respecter la «paix sociale».

Weingarten est depuis longtemps une proche alliée de la famille Clinton et est particulièrement tristement célèbre pour avoir promu pendant des années les forces néonazies alliées à l’OTAN en Ukraine par ses voyages répétés en Europe de l’Est. Selon le New York Times, elle a passé 15 heures par jour au plus fort de la pandémie pour forcer la réouverture des écoles malgré l’opposition massive des enseignants et des parents.

Les travailleurs n’ont aucun contrôle sur ce vaste appareil payé avec l’argent de leurs cotisations, et les postes de direction sont généralement «élus» par acclamation lors des conventions syndicales ou lors d’élections directes entachées de fraude. Fain, par exemple, a été «élu» président de l’UAW lors d’un vote auquel n’ont participé que 9 pour cent des membres. Will Lehman, un ouvrier socialiste de l’automobile qui s’est présenté contre Fain sur la base d’un programme d’abolition de la bureaucratie, s’est rendu devant les tribunaux pour exiger la reprise de l’élection en raison de vastes irrégularités.

Le niveau de contrôle bureaucratique est tel qu’un seul membre du conseil exécutif de l’AFL-CIO, Mark Dimondstein, du syndicat américain des postes, s’est opposé à la résolution du 11 octobre. Dimondstein, qui est juif, a dénoncé le génocide israélien et le sionisme dans un discours de 30 minutes devant le Conseil, expliquant le caractère frauduleux des tentatives de traiter d’antisémitisme toute opposition à Israël.

Malgré cette opposition bureaucratique, le soutien à la Palestine ne cesse de croître. Une lettre ouverte circule parmi les membres de l’UAW, approuvant l’appel de la fédération syndicale palestinienne à bloquer les livraisons d’armes à Israël, et appelant «les travailleurs du monde entier, nos dirigeants syndicaux et l’UAW International à exiger la fin immédiate du siège brutal et du bombardement de Gaza par Israël, ainsi que de tous les financements militaires destinés à Israël».

De manière significative, la résolution poursuit en dénonçant le soutien de longue date des syndicats américains au sionisme, en écrivant: «Le mouvement syndical américain a laissé tomber le peuple palestinien. Par exemple, la Fédération américaine du travail (AFL) a défendu et aidé à financer la construction des colonies sionistes, contribuant ainsi directement au déplacement des Palestiniens».

Elle poursuit: «C’est un impératif moral pour nous de reconnaître cette histoire et de pousser le mouvement syndical à agir du côté de la libération des Palestiniens. Les travailleurs américains luttent contre les mêmes forces capitalistes qui maintiennent et soutiennent l’occupation israélienne de la Palestine».

La lettre exige également que l’UAW défende les membres qui font l’objet de représailles pour leur soutien à la Palestine, et que «l’UAW n'annule pas les décisions démocratiques prises par la base, comme il l’a fait lorsque l’UAW 2865, l’UAW 2322 et le GSOC-UAW 2110 ont voté pour soutenir le BDS [Boycott, Désinvestissement et Sanctions] en solidarité avec le peuple palestinien en 2014 et 2016, respectivement». La lettre compte environ 800 signatures, dont un grand nombre d’étudiants diplômés membres des Travailleurs unis de l’automobile (UAW).

Will Lehman a publié une déclaration demandant à l’UAW de cesser de produire des équipements pour l’armée israélienne. «Biden n’est pas aux côtés des travailleurs, il est aux côtés de Netanyahou et de l’armée israélienne qui massacrent des civils et bombardent des hôpitaux et des écoles. Ce n’est pas le Parti démocrate ou les bureaucrates syndicaux qui arrêteront la guerre impérialiste. La guerre ne sera arrêtée que par l’initiative indépendante et unifiée de la classe ouvrière internationale. C’est pour cela que nous devons nous battre», a déclaré Lehman.

(Article paru en anglais le 6 novembre 2023)

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