Perspective

L’UAW annonce la «ratification» de conventions collectives frauduleuses chez GM et Ford

Piquet de grève de travailleurs de l’auto devant l’usine d’assemblage de General Motors, mardi 24 octobre 2023, à Arlington, au Texas [AP Photo/Julio Cortez]

L’United Auto Workers devrait annoncer d’ici vendredi que la convention collective de 48.500 travailleurs de General Motors (GM) a été ratifiée, le résultat frauduleux d’un processus illégitime conçu pour protéger les intérêts des entreprises. Comme pour la quasi-totalité des conventions collectives de l’industrie automobile au cours des 45 dernières années, la bureaucratie de l’UAW a fait passer sa capitulation à coups de désinformation, de menaces et probablement de truquage des votes.

Rien de ce qui a été annoncé par la bureaucratie de l’UAW n’est fiable. Pour connaître la vérité, il est nécessaire de procéder à un audit du vote, y compris une enquête sur la manière dont les bulletins de vote ont été traités, sous la supervision de comités de travailleurs de la base de confiance, élus dans l’usine. Ces comités devraient recueillir les témoignages des travailleurs sur les irrégularités et les cas d’intimidation.

Selon les chiffres officiels du syndicat, l’accord n’a été adopté que par 2.002 voix sur les 30.860 exprimées par les travailleurs de la production, soit une différence infime de 53,24 contre 46,76 pour cent. Parmi les travailleurs qualifiés, qui doivent également ratifier l’accord séparément, l’accord a été adopté par 1.261 voix sur les 5.097 travailleurs qualifiés qui ont voté. Les médias citent les votes combinés affichés sur le tableau de suivi de l’UAW, mais même ce tableau montre une approbation limitée de 54,74 contre 45,26 pour cent.

Quoi qu’il en soit, aucun de ces chiffres n’est crédible. Mercredi après-midi encore, l’Associated Press, le Detroit News et d’autres organes de presse prédisaient que l’accord était en passe d’être rejeté après des jours d’opposition croissante.

La situation a brusquement changé lorsque l’UAW a annoncé que les travailleurs de GM avaient approuvé l’accord à plus de 60 pour cent dans l’usine d’assemblage d’Arlington, au Texas, un résultat incongru par rapport aux rejets de plus en plus importants dans sept grandes usines d’assemblage du Michigan, de l’Indiana, du Missouri, du Tennessee et du Kentucky, qui avaient rejeté l’accord avec des «non» atteignant 69 pour cent au plus fort.

Les travailleurs de GM ont protesté contre le fait qu’ils ont été contraints de voter à l’intérieur des usines, au lieu des salles syndicales, et qu’ils ont été surveillés par la direction et même par les caméras de l’entreprise. D’autres ont déclaré que les urnes n’étaient pas sécurisées, qu’il n’y avait pas de chaîne de contrôle claire des bulletins de vote et qu’en l’absence de contrôle de la base, rien n’empêchait le rejet de «non» et l’ajout de «oui». La bureaucratie de l’UAW a une longue et sordide histoire de fraudes de ce type, notamment contre les travailleurs de Ford Rouge en 2015.

Comme en 2015, lorsque l’accord avec Ford semblait se diriger vers une défaite avant un revirement soudain, l’UAW avait une fois de plus généré juste assez de votes «oui» pour faire passer l’accord.

C’est significatif que 1.263 de ces votes proviennent des travailleurs de l’usine de batteries pour véhicules électriques Ultium Cells à Lordstown, dans l’Ohio, qui, selon l’UAW, ont voté à 97 pour cent pour approuver l’accord. Toutefois, au moment du vote, les travailleurs d’Ultium étaient employés par la coentreprise GM-LG Energy et n’avaient manifestement pas le droit de voter. Il en va de même pour près de 1.000 travailleurs employés par GM Subsystems Manufacturing LLC, qui ont également voté sur l’accord.

Les tactiques antidémocratiques de l’UAW ne se limitent pas à GM. Chez Mack Trucks, les responsables syndicaux ont eu recours à des méthodes de gangsters pour forcer 4.000 travailleurs en grève à accepter le même contrat approuvé par l’UAW qu’ils avaient rejeté à trois contre un il y a plus d’un mois. Avant le vote, les bureaucrates syndicaux locaux ont dit aux travailleurs qu’ils seraient licenciés et remplacés par des briseurs de grève s’ils rejetaient à nouveau l’accord.

En fait, les travailleurs ont été contraints d’accepter l’accord sous la contrainte, comme s’ils avaient un pistolet sur la tempe, ce qui, en tout état de cause, devrait rendre le contrat nul et non avenu.

Les travailleurs devraient rejeter ce processus illégitime et exiger un nouveau vote dans les trois entreprises automobiles, ainsi que chez Mack Trucks.

Même si les résultats du vote dans les trois grands constructeurs (GM, Ford et Stellantis) et chez Mack étaient exacts, l’opposition des travailleurs de GM est un désaveu de masse des affirmations de Fain, du président Biden, de Bernie Sanders et de l’ensemble de l’establishment politique et médiatique selon lesquelles l’UAW a obtenu des gains «records» et «historiques» pour les travailleurs de l’automobile.

Dans les usines, les travailleurs ont leur propre évaluation de cet accord. Les propositions inadéquates en matière de salaires et de coût de la vie n’inverseront pas la perte massive de salaires réels subie par les travailleurs en raison de décennies de concessions de l’UAW et d’une inflation record. Les contrats ne rétabliront pas les pensions perdues et les prestations de santé des retraités, ne mettront pas fin au système détesté des échelons et à la surexploitation des intérimaires, et ne raccourciront pas les horaires de travail épuisants et éreintants.

Les travailleurs ont rejeté les affirmations de Fain selon lesquelles il aurait «soutiré jusqu’au dernier centime» aux entreprises avec ses fausses grèves «debout», qui ont été conçues dès le départ pour avoir le moins d’impact possible sur les entreprises. La plupart des travailleurs ont été maintenus au travail pendant toute la durée de la «grève» et tous les travailleurs ont dû reprendre le travail avant même que le vote n’ait eu lieu.

Plus important encore, l’accord est destiné à ouvrir la voie à la destruction massive d’emplois lorsque les entreprises, avec le soutien total de la bureaucratie de l’UAW, forceront les travailleurs à payer pour la transition vers la production de véhicules électriques (VE). Les accords conclus chez GM, Ford et Stellantis prévoient des rachats pour «cessation volontaire d’emploi» et ciblent des usines telles que le complexe Ford Rouge, qualifiées d’«excédentaires». Le PDG de Ford a déclaré qu’il s’attendait à ce que la production de véhicules électriques nécessite 40 pour cent de travailleurs en moins, ce qui signifie que les entreprises prévoient la destruction de centaines de milliers d’emplois.

Bureaucrate de carrière, Fain a été élu à l’issue d’une élection truquée au cours de laquelle près d’un million de membres actifs et retraités du syndicat ont été exclus. La bureaucratie de l’UAW, avec l’aide du contrôleur de l’UAW nommé par le tribunal et du ministère du Travail de Biden, a refusé de mettre à jour les adresses des bulletins de vote envoyés par la poste ou d’informer correctement les membres de l’UAW de l’existence même d’une élection, comme l’a révélé Will Lehman dans une série de contestations électorales et de poursuites judiciaires.

En d’autres termes, un président illégitime de l’UAW – «élu» par environ 3 pour cent des travailleurs de la base – a supervisé le vote illégitime sur les conventions collectives.

Depuis le début, Fain a travaillé en étroite collaboration avec Biden, qui s’est appuyée sur la bureaucratie syndicale pour contenir la colère sociale et réprimer les luttes des cheminots et des dockers, des scénaristes et des acteurs, des travailleurs de la santé de Kaiser et des travailleurs d’UPS, et d’autres encore.

La Maison-Blanche utilise les appareils syndicaux pour imposer le coût total de la crise économique et les dépenses massives pour la guerre sur le dos de la classe ouvrière. Le rôle de la bureaucratie de l’UAW a peut-être été révélé de la manière la plus crue la semaine dernière, lorsque Fain est apparu avec Biden dans l’Illinois pour célébrer le «retour au travail» des travailleurs, alors que des milliers de personnes manifestaient à Chicago contre le soutien de Washington à la guerre génocidaire d’Israël contre la bande de Gaza.

Toutefois, en imposant les exigences des entreprises, l’appareil de l’UAW et Biden ont encore miné leur crédibilité déjà bien fragile. Comme l’a expliqué Lehman, travailleur de Mack Trucks et socialiste, dans une tribune de Newsweek au début du mois, «le président de l’UAW, Fain, peut penser qu’il a réglé les problèmes en annulant les grèves des Trois grands. Mais les contrats de l’UAW ne feront qu’intensifier les inégalités et alimenter la rébellion des travailleurs de la base».

La lutte des travailleurs de l’automobile s’inscrit dans le cadre d’une réémergence de la lutte des classes à l’échelle internationale. Un mouvement mondial de masse contre l’austérité, les inégalités et la guerre est en train d’apparaitre. La poursuite du développement de ce mouvement nécessite l’expansion du réseau des comités de base dans les usines et sur les lieux de travail et leur coordination au niveau mondial par le biais du travail de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC).

(Article paru en anglais le 17 novembre 2023)

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