Des manifestants britanniques protestent devant des usines d’armes et exigent d’«arrêtez d’armer le génocide»

Ces derniers mois, en l'absence de toute opposition de la part des syndicats (article en anglais), des manifestations et des actions de protestation ont eu lieu dans toute la Grande-Bretagne pour empêcher les exportations d'armes et de pièces d'armement vers Israël, qui sont utilisées dans sa guerre génocidaire contre les Palestiniens à Gaza.

Le 3 janvier, un groupe d'une soixantaine de militants de la Cymru Peace Coalition a organisé une manifestation devant une usine de production de BAE Systems au Pays de Galles. BAE Systems est l'un des principaux sites de production de munitions, notamment de 155 mm, largement utilisées par Israël, et par l’armée ukrainienne contre la Russie en Ukraine.

Des manifestants à Leeds, dont Drusilla Long (à droite) lors d'une manifestation exigeant la fin du génocide israélien contre Gaza

Les manifestants ont brandi des banderoles où on pouvait lire : «Arrêtez d’armer le génocide» et «Les armes britanniques tuent». Un porte-parole de la Coalition pour la Paix a déclaré que la Grande-Bretagne était un collaborateur actif des crimes de guerre commis contre les Palestiniens, via son commerce lucratif d'armes avec les Forces de défense israéliennes (FDI).

Avant d'intervenir au Pays de Galles, le même groupe avait organisé une manifestation similaire à l'usine Elbit Systems de Bristol. Elbit Systems est l’une des trois plus grandes sociétés de défense en Israël et joue un rôle central dans le génocide contre les Palestiniens avec des systèmes d’armes tels que les munitions «Iron Sting».

Le 6 janvier, des manifestants se sont rassemblés à Bristol sous le slogan «Arrêtez d’armer Israël». L'une des principales revendications de la manifestation était l'abandon de toutes les charges retenues contre les «Sept d’Elbit», arrêtés par la police et accusés d'avoir causé des dommages criminels au siège technique d'Elbit UK à Bristol le «jour de la Nakba» (15 mai) en 2022. Lundi, le procès des sept, qui devrait durer quatre semaines, a débuté à la Cour d’assises de Bristol.

Le mois dernier, des militants des Amis de la Palestine de Bradford ont également organisé des rassemblements de protestation dans les locaux de l’usine d’armement Teledyne Technologies à Shipley, dans le West Yorkshire. Teledyne est une société multinationale d'armement basée aux États-Unis qui conçoit et produit des équipements de surveillance et de ciblage qu'elle vend à Israël et à de nombreux autres pays.

Manifestation devant l'usine Teledyne le 19 décembre 2023

Le WSWS a réalisé l'entretien suivant avec une manifestante, Drusilla Long. Drusilla est assistante sociale à la retraite et vit à Leeds. Elle a été très active dans la campagne menée dans la région pour dénoncer les crimes commis par le gouvernement israélien.

WSWS: Vous faites partie d'un groupe de militants qui ont manifesté à plusieurs reprises devant l'usine Teledyne à Shipley. Pouvez-nous expliquer pourquoi vous menez cette action?

DL: J'ai participé à des piquets de grève le 19 décembre 2023 et le 4 janvier de cette année contre l’usine d’armement Teledyne à Shipley, ainsi qu’à d’autres formes de protestation, en octobre, après le lancement de l’attaque génocidaire contre Gaza par l’État israélien. Les piquets étaient organisés par Bradford Friends of Palestine. Israël dépend fortement des ventes d’armes du Royaume-Uni et des États-Unis ; 500 millions de livres de ventes d’armes proviennent du Royaume-Uni. Sans ces armes, le génocide actuel ne pourrait pas être perpétré.

WSWS : Qu’est-ce que Teledyne et quel est son lien avec Israël ?

DL : Teledyne est une multinationale américaine d’armement possédant une usine à Shipley, dans le West Yorkshire ; elle conçoit et produit des équipements de surveillance et de ciblage, qu’elle vend notamment à Israël. Cet équipement est utilisé par l’État israélien pour tuer des milliers de civils à Gaza et a été utilisé avec une force meurtrière contre la population palestinienne dans le passé.

Une banderole à la manifestation de Teledyne le 19 décembre 2023, sur laquelle on peut lire «Gaza saigne... Vous avez leur sang sur les mains».

WSWS : À la manifestation du 19 décembre, les intervenants ont vivement critiqué la direction du Parti travailliste qui a rejeté l'appel à un cessez-le-feu à Gaza et rejette également toutes les preuves montrant qu’Israël est en train de perpétrer un génocide à Gaza. Qu’en dites vous?

DL: Personne ne peut voter pour les travaillistes. Ils refusent d’accepter les preuves qu’ils ont sous les yeux et qui montrent qu’Israël est en train de commettre un génocide à Gaza. Les travaillistes refusent de condamner Israël. Le Parti travailliste est donc complice de ce génocide. Lorsqu'on lui a demandé s’il soutenait la privation d’eau pour les citoyens assiégés de Gaza, [le leader travailliste Sir Keir] Starmer a répondu qu'il était d’accord pour priver les gens d’accès à l'eau – autrement dit, il était d'accord pour que des centaines de milliers de gens meurent de soif.

WSWS: Il est à noter que l’appel à un embargo sur les armes à destination d’Israël n’a pas été repris par les syndicats britanniques.

DL: Les directions syndicales sont totalement absentes des manifestations actuelles. Les syndiqués ordinaires sont descendus dans la rue, ils ont écrit aux députés, boycotté les produits israéliens, arrêté le fonctionnement des usines d’armement etc. mais les dirigeants syndicaux de droite n’ont rien à dire, alors qu’ils devraient bien plutôt appeler à agir en faveur de la Palestine.

WSWS: Pourriez-vous expliquer comment vous avez développé votre compréhension du sort des Palestiniens ?

DL: Le Royaume-Uni a joué un rôle de premier plan dans les catastrophes subies par les Palestiniens depuis la création de l’État d’Israël. La Nakba, l'expulsion forcée de leurs foyers de trois quarts de million de Palestiniens par les Israéliens, a eu lieu en 1948, et durant toute ma vie, les Palestiniens ont lutté pour leurs droits, le droit à leur terre et au retour dans leurs foyers, pendant que les colons saisissent de plus en plus de terres par la force. Les horribles incidents de l’histoire vous reviennent progressivement. Je me suis renseigné sur ces événements, j'ai étudié l'histoire et j'ai rejoint le Mouvement de Solidarité Internationale.

Je suis d’abord allé brièvement en Palestine en 2012 pour participer, sous direction palestinienne, à des actions en Cisjordanie. Ces actions comprenaient des protestations contre le mur d’occupation et de me faire tirer dessus par l’armée israélienne avec des balles «en caoutchouc» – en fait du caoutchouc enrobé d’acier – qui peuvent vous tuer. Ils ont tiré des gaz lacrymogènes et ont déversé sur nous des eaux usées. Les Palestiniens se font tirer dessus à balles réelles et sont tués, comme nous le voyons quotidiennement sur nos écrans. A l’époque il était impossible d’entrer à Gaza.

Des enfants participent à manifestation devant Teledyne, le 19 décembre 2023.

J’y suis retournée en 2014 pour participer à une conférence conjointe sur le travail social avec des travailleurs sociaux palestiniens. La conférence a dû avoir lieu à deux endroits, Bethléem et Jérusalem, car les Israéliens avaient interdit à certains Palestiniens vivant à Bethléem de se rendre à Jérusalem.

WSWS : Quel est votre point de vue sur les objectifs actuels du gouvernement israélien et des FDI à Gaza ?

DL: Les actions du gouvernement israélien sont génocidaires: le meurtre délibéré d'un grand nombre de personnes appartenant à un groupe national, ethnique, racial ou religieux particulier – les Palestiniens – dans le but de détruire ce groupe. Israël a déclaré cette intention, tout en qualifiant les Palestiniens d'«animaux».

WSWS : Que répondez-vous aux accusations selon lesquelles toute critique des actions du gouvernement israélien équivaut à de l’antisémitisme ?

DL: Toute critique des actes de l’État israélien et du génocide qu’il est en train de commettre n’est certainement pas «antisémite» puisqu’il serait contraire au bien-être de tout Juif ou de toute personne sémite de ne pas critiquer ce génocide et de ne pas lutter contre lui; comme pendant la Seconde Guerre mondiale.

(Article paru en anglais le 9 janvier 2024)

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