L’Alliance ouvrière internationale des comités de base tient une réunion d’urgence en ligne pour organiser la lutte contre les suppressions massives d’emplois

Les travailleurs de la base s’opposent de plus en plus à la destruction continue des emplois dans l’industrie automobile aux États-Unis et dans le monde. Cette opposition a trouvé son expression la plus significative et la plus consciente samedi, lorsque des travailleurs touchés par des suppressions d’emplois chez Stellantis, General Motors et Ford ont rencontré des travailleurs d’autres industries lors d’une réunion en ligne organisée par l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) et le World Socialist Web Site pour discuter de la lutte qui pourra contrer la destruction des emplois.

Le 12 janvier, Stellantis a licencié 539 travailleurs temporaires – appelés employés supplémentaires (SE) – dans l’agglomération de Detroit et à Kokomo, dans l’Indiana. Les représentants du syndicat des Travailleurs unis de l’automobile (UAW) admettent que 1.600 autres intérimaires seront licenciés dans les semaines à venir. Ces licenciements s’ajoutent aux 3.700 licenciements déjà annoncés que Stellantis effectuera à Detroit et à Toledo, dans l’Ohio, au début du mois de février.

Le 19 janvier, Ford a annoncé qu’il réduisait la production du Rouge Electric Vehicle Center (REVC) à Dearborn, dans le Michigan, à une seule équipe d’ici avril, ce qui entraînera la suppression de 1.400 emplois. Quelque 700 travailleurs sont censés être transférés à l’usine d’assemblage du Michigan et dans d’autres usines, tandis que 700 autres sont confrontés à des licenciements à durée indéterminée ou à des départs forcés à la retraite.

En outre, GM a annoncé 1.300 suppressions d’emplois dans ses usines d’assemblage d’Orion et de Lansing Grand River et a licencié 900 autres travailleurs de GM Cruise, soit 25 pour cent de la main-d’œuvre de sa filiale de taxis automatisés.

Ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’un massacre mondial de l’emploi, qui comprend 2.250 licenciements chez Stellantis dans le nord de l’Italie, la fermeture de l’usine Ford de Saarlouis en Allemagne et des dizaines de milliers d’autres suppressions d’emplois chez VW, Bosch, Continental, Skoda et dans d’autres entreprises en Europe.

«Pour comprendre comment lutter contre ces suppressions d’emplois, il est nécessaire de les considérer comme faisant partie de la guerre de classe menée contre la classe ouvrière dans le monde entier», a déclaré Jerry White, rédacteur en chef du WSWS pour les luttes ouvrières, en ouvrant la réunion en ligne. «Depuis près de trois ans, la classe dirigeante poursuit une politique délibérée d’augmentation du chômage afin de terroriser les travailleurs et de repousser leurs demandes visant des augmentations salariales qui suivraient l’inflation record.

«Les licenciements massifs soulignent l’ampleur de la trahison de l’appareil de l’UAW, qui a fait passer les contrats à toute vapeur à l’automne dernier, après sa grève «debout» bidon, a déclaré White. Le président de l’UAW, Shawn Fain, et le reste de la bureaucratie de l’UAW ont menti aux travailleurs en affirmant, dans les «points saillants» du contrat, que 3.200 employés supplémentaires seraient convertis en emplois à temps plein au cours de la première année de l’accord, et qu’ensuite, tout employé supplémentaire ayant neuf mois de service «obtiendrait automatiquement le statut d’employé à temps plein».

En fait, selon White, «l’UAW a donné à Stellantis le feu vert pour licencier près de la moitié des 5.300 SE qu’elle employait, ainsi que pour fermer des usines et licencier des milliers de travailleurs à temps plein».

White a indiqué que le Réseau des comités de base des travailleurs de l’auto, qui fait partie de l’IWA-RFC, a appelé les travailleurs à s’opposer à l’accord soutenu par l’UAW et a lancé un avertissement dans une déclaration du 6 novembre: «Outre l’abandon de nos principales revendications, les accords donneront aux entreprises la chose la plus importante qu’elles recherchent: une liberté d’action pour décimer les emplois lors de la transition vers la production de véhicules électriques».

En conclusion, White a déclaré que l’IWA-RFC se battait pour les revendications suivantes:

  • Mettre fin immédiatement à toutes les suppressions d’emplois et réintégrer tous ceux qui ont déjà été touchés!
  • Réduire la durée de la journée de travail et augmenter les salaires pour tenir compte de la réduction du nombre d’heures nécessaires à la production de VE et rattraper des décennies de stagnation des salaires!
  • S’unir au-delà des frontières pour lutter contre le massacre mondial de l’emploi!
  • Placer l’industrie automobile sous la propriété sociale et le contrôle démocratique des travailleurs!

Une «transition juste» vers les véhicules électriques

Will Lehman, travailleur de Mack Trucks et socialiste qui s’est présenté à la présidence de l’UAW en 2022, a ensuite pris la parole. «Chacune de ces attaques est menée par une entreprise transnationale comme Ford. Mais les syndicats font l’éloge du nationalisme et d’une “collaboration avec les entreprises” – et les travailleurs perdent chaque fois.»

«En tant que travailleurs, il n’y a pas de différences entre nous au niveau international. Nous sommes tous là pour la même chose: gagner notre vie et subvenir aux besoins de nos familles. Une attaque contre les travailleurs, où qu’ils soient, doit être considérée comme une attaque contre nous tous».

Will Lehman avec des travailleuses de Stellantis Warren Truck

Les suppressions massives d’emplois ont complètement démenti le mensonge de Fain et du président Biden selon lequel l’UAW aurait obtenu une «transition juste» vers les véhicules électriques. Pour protéger les emplois, a-t-il dit, les travailleurs doivent étendre le réseau des comités de base et préparer des grèves pour défendre tous les emplois.

Les travailleurs doivent se battre pour que l’industrie automobile devienne une propriété publique, a-t-il ajouté, afin que les technologies permettant d’économiser de la main-d’œuvre puissent être utilisées pour raccourcir la semaine de travail et améliorer considérablement le niveau de vie, et non pour jeter les travailleurs à la rue.

«Je me suis présenté en tant que socialiste à la présidence de l’UAW parce que je ne parle pas de négocier avec ces sociétés transnationales. Je veux que les travailleurs utilisent leur pouvoir. Qu’il s’agisse des conditions de travail ou de la question de savoir qui profite de la croissance technologique, la classe ouvrière ou la classe dirigeante, ou qu’il s’agisse de l’assaut contre le peuple palestinien, la classe ouvrière doit être unie en tant que classe».

«Nous constatons des votes de grève massifs et une immense volonté de se battre, mais ces bureaucraties ne cessent de conduire ces luttes dans une impasse. Nous devons nous rassembler et nous organiser, mais pas sous la direction de ceux qui nous trahissent. Nous devons avoir des comités de base dans chaque usine pour le faire».

«Si nous nous rassemblons collectivement, le pouvoir que nous avons sera vraiment inarrêtable»

Hannah, une ancienne SE de l’usine Warren Truck de la banlieue de Detroit, a déclaré à l’assemblée: «J’ai été licenciée sans préparation, sans avertissement. J’étais dans l’entreprise depuis neuf mois et j’avais des antécédents parfaits, je n’avais jamais manqué un jour, je n’étais jamais arrivée en retard et je n’avais jamais été licenciée pour cause de mauvaises performances.

«C’est essentiel que les travailleurs à temps plein considèrent ce qui pourrait les attendre. Ils ont peut-être un poste dans l’entreprise aujourd’hui, mais pour combien de temps? Tout le monde a un emploi jusqu’à ce qu’il n’en ait plus.»

«Ce n’est pas seulement la direction, c’est aussi l’UAW», dit-elle. «Nous leur avons versé des cotisations en tant qu’employés les moins bien payés. Mais nous n’avons obtenu aucune protection en retour. Ils ne se battent pas pour nos emplois. Ils nous disent de nous inscrire au chômage».

Les cheminots, les mineurs, les ouvriers de l’automobile, les enseignants, les infirmières et les autres travailleurs doivent «se battre collectivement» parce qu’il s’agit d’une «crise internationale» et que «personne ne viendra nous sauver». Tant que le pouvoir restera entre les mains de l’appareil de l’UAW et des grandes entreprises, «nous n’arriverons à rien parce que c’est ainsi que le système est conçu», a-t-elle ajouté.

Hannah a déclaré qu’elle était une membre active du Comité de base de Warren Truck et que tout ce que l’IWA-RFC avait dit aux travailleurs à propos de la rhétorique bidon de Fain et des grèves «debout» «était vrai». L’IWA-RFC «se bat à nos côtés et pour nous». Elle a exhorté les autres travailleurs à créer des comités de base dans leurs usines, concluant: «Si nous nous rassemblons collectivement, le pouvoir que nous avons sera vraiment inarrêtable».

Les travailleurs de la deuxième équipe de Stellantis entrent dans l’usine de Warren Truck le 21 septembre 2023

Anna, travailleuse à temps plein et membre du Comité de base de GM Flint Assembly, a déclaré: «Les entreprises et les classes dirigeantes ont un plan et nous, en tant que travailleurs, devons également avoir un plan». Depuis l’adoption de justesse du prétendu «contrat historique» de l’UAW, le syndicat a tenu les travailleurs dans l’ignorance des offres de départ de 50.000 dollars, ce qui est «totalement insuffisant compte tenu de l’inflation élevée». Les travailleurs devaient également supporter des températures glaciales dans l’usine, sans aucune aide de la part des représentants de l’UAW.

«Ce que j’ai appris en tant que membre du comité de base pendant la fausse grève debout, c’est que nous disons la vérité aux travailleurs et que nous nous battons pour que les travailleurs de l’atelier aient une vue d’ensemble de la situation. Nous ne pouvons pas faire confiance à la bureaucratie de l’UAW. Nous devons gagner des travailleurs à l’IWA-RFC, afin que nous puissions faire valoir nos propres intérêts en tant que travailleurs du monde entier».

Massacre international de l’emploi

Dietmar Henning, rédacteur allemand du WSWS, a déclaré qu’«un massacre de l’emploi est en train de se dérouler en Europe, comme on n’en avait jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale». Des études estiment que jusqu’à 40 pour cent des emplois dans l’automobile en Allemagne seront supprimés à la suite de la transition vers les véhicules électriques, ce qui signifie que les emplois de plus de 300.000 des 800.000 travailleurs actuellement employés dans l’industrie pourraient être anéantis.

La guerre par procuration menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine exerce également une pression sur les bénéfices, et les entreprises allemandes ont pris du retard dans la compétition mondiale pour la construction de modèles de véhicules électriques moins chers et techniquement plus sophistiqués. «Tesla a construit l’une de ses usines Giga près de Berlin, où les travailleurs gagneront 20 pour cent de moins que leurs collègues de Mercedes, BMW et Porsche», a déclaré Henning. En conséquence, Ford, Volkswagen, Bosch, Continental et PSA et Opel ont supprimé des dizaines de milliers d’emplois.

Selon la loi allemande, les syndicats siègent aux conseils de surveillance des entreprises et s’efforcent d’étouffer toute opposition aux demandes de la direction. En Espagne, IG Metall et les syndicats CGT se sont livrés à une guerre d’enchères pour la production de nouveaux véhicules électriques, ce qui a entraîné une baisse des salaires des travailleurs de Ford à Valence, en Espagne, et la fermeture prévue de l’usine Ford de Saarlouis d’ici 2025, avec pour conséquence la perte des 3.850 emplois restants.

«Ce que votre expérience aux États-Unis et notre expérience en Allemagne et en Europe ont montré, c’est que la lutte pour défendre les emplois et les salaires doit être menée contre les bureaucraties syndicales et en s’unissant à vos collègues du monde entier par l’intermédiaire de l’IWA-RFC.»

«Les entreprises géantes et leurs actionnaires ont le même objectif: soutirer le plus de profit possible à la classe ouvrière»

Tout au long de la réunion, les travailleurs d’autres comités de base, y compris les travailleurs des chemins de fer, les travailleurs d’UPS, les infirmières et les universitaires, ont souligné que les entreprises supprimaient des emplois dans toutes les industries et que la lutte pour défendre les emplois nécessitait la mobilisation de la classe ouvrière contre le système capitaliste. Cela implique de remettre en question le soi-disant «droit», défendu à la fois par les démocrates et les républicains, de l’oligarchie financière et patronale de condamner des millions de personnes à la pauvreté et à des guerres sans fin.

Bill, membre du comité de base des cheminots, a déclaré que les travailleurs de l’automobile font face à la même lutte que les travailleurs d’autres industries. «Les plus grands transporteurs ferroviaires d’Amérique du Nord ont été dévalisés par des fonds spéculatifs activistes», a-t-il déclaré. «Les entreprises géantes et leurs actionnaires ont le même objectif: soutirer le plus de profit possible à la classe ouvrière».

Après l’assaut sur les chemins de fer, le nombre d’employés a diminué de 45 pour cent dans l’ensemble de ces entreprises. Les chemins de fer étaient devenus l’industrie la plus rentable d’Amérique, mais les coupes budgétaires ont tellement étouffé le système ferroviaire qu’elles ont nui à la production dans d’autres secteurs de l’économie. «Les PDG ont été convoqués devant le Congrès et ont fait des pieds et des mains pour embaucher du personnel, mais les suppressions d’emplois se sont poursuivies, notamment chez les 1.300 ouvriers d’entretien des voies que l’Union Pacific est en train de licencier».

Après avoir passé trois ans sans augmentation, les travailleurs de trois syndicats ferroviaires ont rejeté le contrat et se sont préparés à faire grève à l’automne 2022. «Tous les cheminots auraient pu débrayer, mais les bureaucraties syndicales n’ont cessé d’accepter des prolongations de la période de “réflexion”, donnant au Congrès le temps de réagir et de nous imposer le contrat». Biden et la majorité des démocrates et des républicains au Congrès, avec la complicité des Teamsters et d’autres bureaucraties syndicales du secteur ferroviaire, ont interdit aux cheminots de faire grève et ont imposé une convention collective contre lequel les travailleurs avaient voté.

“Éduquez vos frères et sœurs et opposez-vous à la bureaucratie”

Mike, du comité de base des travailleurs d’UPS, a déclaré: «Le nouveau contrat que le président des Teamsters, Sean O’Brien, a fait adopter est une trahison qui a fini par coûter leur emploi à de nombreux travailleurs à temps partiel. L’entreprise a ouvert sept nouveaux sites entièrement automatisés. La plupart de ces travailleurs à temps partiel sont là depuis toujours et touchent le salaire minimum, parviennent à peine à joindre les deux bouts et dorment même dans leur voiture. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux vont perdre leur emploi à cause de l’automatisation.»

«La PDG d’UPS, Carol Tome, s’est vantée dans une interview de la rentabilité de cette convention collective au cours des cinq prochaines années, grâce à des revenus sans précédent et à toutes les économies réalisées grâce à l’automatisation des emplois. Elle a fait des choses horribles chez Home Depot et fait maintenant de même chez UPS».

«C'est pourquoi tout commence par le bas de l’échelle, la base, les membres, vous. Vous vous rassemblez, vous éduquez vos frères et sœurs, vous vous opposez à la bureaucratie et vous vous soutenez les uns les autres».

«C’est évident que l’automatisation peut être bénéfique si elle est mise en œuvre de la bonne manière. Elle peut faciliter la vie des gens. Mais la façon dont les entreprises américaines l’utilisent, c’est pour faire plus de profits. Elles privilégient les profits au détriment des gens. C’est tout simplement dégoûtant. Nous soutenons donc pleinement les travailleurs de l’automobile et leur lutte. Nous vivons tous la même chose».

Pour résumer la réunion, Will Lehman a expliqué: «Il s'agit d’une réunion de différentes sections de travailleurs, les travailleurs se manifestent sur une variété de questions différentes, et le point commun de la lutte de classe dans laquelle nous nous engageons tous. Alors que nous nous réunissons initialement au sujet du licenciement de 500 ouvriers de l’automobile, il y a des attaques contre la classe ouvrière dans tous les secteurs et dans tous les pays au niveau international.»

«Les différentes luttes vont continuer à amener les travailleurs à rechercher une perspective politique. Et c’est à nous de leur offrir cette perspective. Je pense que la réunion d’aujourd’hui est un excellent exemple de travailleurs qui s’impliquent, réalisent quels sont les problèmes politiques et se mettent d’accord sur des questions politiques. Mais c’est à nous qu’il incombe de faire grandir le mouvement. Si nous voulons trouver une solution, il faudra que nous agissions en tant que classe contre le capitalisme».

(Article paru en anglais le 23 janvier 2024)

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