La chute des marchés boursiers chinois fait tinter les sonnettes d’alarme

Tout au long de l'année 2022, les puissances impérialistes et les trusts mondiaux ont exercé une pression considérable sur le gouvernement chinois pour qu’il lève des mesures sanitaires anti-COVID qui avaient fait leurs preuves. Le succès de ces pressions à la fin de 2022 a entraîné la mort de pas moins de 2 millions de personnes.

Un investisseur devant l’écran d’affichage du cours des actions d’une société privée d'investissement à Shanghai, en Chine, le mardi 6 mars 2012. [AP Photo]

Aujourd’hui, le capital financier international mène une campagne pour que Pékin mette en œuvre un plan de relance économique. S’il ne le fait pas, la menace est que la chute des marchés boursiers de Hong Kong et de Shanghai se poursuivra, entraînant des problèmes financiers majeurs.

Tout comme l’abandon des mesures anti-COVID, cette pression montre que la politique nationaliste du régime de Xi Jinping est directement soumises aux forces générées par le capitalisme mondial avec des ramifications politiques majeures.

Surtout, elle illustre la faillite du schéma promu dans certains milieux de la pseudo-gauche selon lequel la Chine, avec d’autres, pourrait constituer un contrepoids aux déprédations et à la puissance de l’impérialisme américain et conduire au développement d’un monde dit «multipolaire».

La chute des marchés suscite manifestement des inquiétudes au plus haut niveau du gouvernement. La plupart des financements internationaux arrivés sur les marchés au début de l’année dernière avaient été retirés à la fin de l’année.

Mardi, le Premier ministre Li Qiang a appelé à «des mesures plus énergiques et plus efficaces pour stabiliser le marché et renforcer la confiance».

L’indice Hang Seng de Hong Kong, qui a chuté de près de 14 pour cent l’année dernière, a encore perdu 10 pour cent cette année. Il a augmenté de 2,6 pour cent mardi, sa plus forte hausse de l’année, mais l’effet a été décrit comme «de courte durée» et les marchés de Shanghai et de Shenzhen ont à peine bougé.

Depuis qu’elles ont atteint un sommet en février 2021, les actions dans la Chine continentale et à Hong Kong ont perdu six mille milliards de dollars. C’est à peu près l’équivalent de la capitalisation boursière totale du Japon. Autre indicateur de l’ampleur de la chute, le marché chinois n’a jamais été aussi en retard sur Wall Street qu’à présent.

Dans un commentaire à l’agence Bloomberg, George Magnus, analyste de longue date de la Chine au Centre chinois de l’Université d’Oxford, a déclaré: «Il est presque certain que les collaborateurs de Xi Jinping lui disent que la déroute du marché des actions constitue un risque pour la stabilité ».

«Les investisseurs n’abandonnent pas seulement les actions chinoises pour des raisons normales de valorisation, mais parce que l’ensemble de la politique économique et de l’environnement politique s’est atrophié. Pour rétablir la confiance, il faudra probablement procéder à des changements majeurs dans ces deux domaines».

En appelant à des mesures «énergiques», Li a annoncé la création d’un fonds de deux mille milliards de yuans (278 milliards de dollars américains) destiné à racheter des actions en Chine continentale par l’intermédiaire d’institutions soutenues par l’État et de leurs liens commerciaux offshore.

Au cours de l’année écoulée, les autorités ont introduit plusieurs mesures visant à stimuler le marché. Elles ont notamment demandé aux institutions de ne pas vendre d’actions. Les régulateurs du marché ont publié des instructions connues sous le nom de «directives d’encadrement» qui empêchent certains investisseurs d’être vendeurs nets d’actions certains jours.

Certaines de ces restrictions ont dû être assouplies au début du mois parce que les fonds communs de placement, qui reposent sur l’argent fourni par les petits investisseurs, étaient confrontés à des rachats de la part de clients qui souhaitaient se retirer du marché par crainte d’une nouvelle chute.

Toutefois, les efforts déployés par le gouvernement pour enrayer la chute des marchés boursiers, non seulement par des restrictions mais aussi par des mesures incitatives telles que la réduction du droit de timbre sur les transactions et l’augmentation des achats par les fonds soutenus par l’État, sont largement restés inopérants.

Michelle Lam, économiste pour la Grande Chine à la Société Générale, société financière internationale, s’est référé à la crise du marché boursier chinois de 2015, qui avait perdu environ un tiers de sa valeur et eu des répercussions dans le monde entier. Elle a déclaré à Bloomberg que l’expérience montrait que «même lorsque le gouvernement intervient en achetant, la reprise n’est pas nécessairement durable, à moins que nous n’ayons un plan de relance plus important pour résoudre les problèmes économiques».

La Chine doit faire face à une liste croissante de problèmes, dont l’un des principaux est l’accumulation de dettes dans le secteur de l’immobilier et de la propriété, ainsi que de la part des autorités locales. Le gouvernement et les autorités financières tentent désespérément d’éviter le type de mesures de relance fondées sur l’endettement qu’ils ont utilisées dans le passé, de peur qu’elles n’exacerbent les énormes niveaux d’endettement.

Après la crise économique mondiale de 2008, le régime s’est tourné vers l’immobilier et le développement des infrastructures pour relancer l’économie. On estime qu’en conséquence, la dette non financière a atteint 294 pour cent du produit intérieur brut en novembre de l’année dernière, contre 160 pour cent dix ans plus tôt.

Cette expansion rapide a conduit l’agence de notation Moody’s à revoir à la baisse ses perspectives pour la dette chinoise à la fin de l’année dernière.

Les problèmes du marché immobilier sont exacerbés par le début d’un cycle déflationniste dans lequel les prix à la production ont chuté l’année dernière et les prix à la consommation ont stagné ou baissé pendant la majeure partie du dernier semestre de 2023. La déflation a pour effet d’alourdir le fardeau de la dette.

Le manque de confiance des consommateurs dans les perspectives économiques à long terme se reflète également dans la baisse du taux de natalité qui, avec les décès dus au COVID, a contribué à la chute de la population en 2023 pour la deuxième année consécutive.

Le régime chinois a reconnu il y a quelque temps que la dépendance à l’égard de l’immobilier et de la promotion immobilière en tant que base de l’économie n’était pas viable à long terme et s’est tourné vers les progrès de la haute technologie comme nouvelle source de croissance.

Mais il s’est heurté de plein fouet aux diktats de l’impérialisme américain, qui a imposé des restrictions commerciales sur les composants de haute technologie dans le but d’étouffer le progrès économique chinois. Les États-Unis considèrent la Chine comme la plus grande menace pour leur domination de l’économie mondiale.

Ces mesures ont été accompagnées d’une escalade des menaces et des provocations militaires à propos de Taïwan. Les États-Unis ont pratiquement reconnu Taïwan comme État indépendant, abrogeant dans la pratique, si ce n’est encore dans les mots, la «politique d’une seule Chine».

La chute du marché boursier est considérée comme un problème grave tant par le gouvernement que par les milieux financiers.

Un article de Bloomberg publié mercredi commençait ainsi: «Il y a un an, le secteur financier de Hong Kong espérait qu’une réouverture de la Chine libérerait la demande refoulée des consommateurs et apporterait des affaires et de la prospérité à la ville. Cette illusion n’existe plus».

«Alors que la chute de l’indice Hang Seng s’accentue, les banquiers et les traders se préparent au pire. Nous n’avons pas l’impression d’être en 2008, lorsque la crise financière mondiale a frappé, mais en 1998, au milieu de la crise financière asiatique… La fin des années 1990 a commencé avec la Thaïlande. Mais si une autre crise éclate, la Chine en sera la cause première et Hong Kong l’épicentre».

La soi-disant «crise asiatique» – qui était en fait la manifestation de l’aggravation de la crise du capitalisme mondial – avait été caractérisée d’«accident de parcours» sur la voie de la mondialisation par le président américain de l’époque, Bill Clinton.

Cependant, elle a eu des conséquences majeures aux États-Unis mêmes. Elle a déclenché une crise du rouble russe qui a entraîné l’effondrement de la société d’investissement américaine Long-Term Capital Management. Celle-ci avait dû être renflouée grâce à une opération de trois milliards de dollars organisée par la Réserve fédérale de New York, de peur que sa chute ne déclenche une crise dans l’ensemble du système financier américain.

Les conséquences de la crise en train de se développer sur les marchés de Hong Kong et de la Chine continentale risquent d’être tout aussi graves.

(Article paru d’abord en anglais le 25 janvier 2024)

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