L’Australie accueille un rassemblement de pays de l’océan Indien pour renforcer la confrontation américaine avec la Chine

La ministre des Affaires étrangères du gouvernement travailliste australien, Penny Wong, a été à l’origine de nouvelles allégations agressives à l’encontre de la Chine lors d’une réunion organisée par le gouvernement de l’Inde ce week-end à Perth, capitale de l’Australie occidentale.

Ses remarques constituent un nouvel avertissement sur la façon dont les populations massives de l’Indopacifique sont entraînées dans le tourbillon d’une éventuelle guerre nucléaire mondiale catastrophique menée par les États-Unis et leurs alliés contre la Chine afin de s’assurer une domination incontestée sur la région.

De gauche à droite, le ministre indien des Affaires étrangères Dr S. Jaishankar, le président sri-lankais Ranil Wickremesinghe, la ministre australienne des Affaires étrangères Penny Wong et le ministre singapourien des Affaires étrangères Vivian Balakrishnan lors de la 7e Conférence de l’océan Indien à Perth, en Australie, le 9 février 2024. [Photo: X/Twitter @SenatorWong]

Wong a accusé Pékin de procéder à un «renforcement militaire rapide» menaçant l’ensemble de l’océan Indien. Son offensive provocatrice a été rejointe par les représentants des principales puissances impérialistes – les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et le Japon – ainsi que par le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, et le président sri-lankais, Ranil Wickremesinghe.

Notamment, la Chine et le Pakistan, un rival régional de l’Inde, ont été exclus de la 7e «Conférence de l’océan Indien», un événement annuel que le gouvernement indien a inauguré à Singapour en 2016. Ces exclusions soulignent son programme anti-chinois, tout comme le fait que le gouvernement Biden a dépêché pas moins de trois hauts responsables militaires et stratégiques pour s’adresser à l’assemblée des 9 et 10 février.

Il s’agit du contre-amiral Eileen Laubacher, directrice principale pour l’Asie du Sud au Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, de Jung Pak, sous-secrétaire d’État adjoint, et de Richard Verma, secrétaire d’État adjoint. Tous sont impliqués dans le renforcement de la pression sur les gouvernements régionaux pour qu’ils se rangent derrière les États-Unis contre la Chine.

Dans son discours d’ouverture, Wong a donné le ton, soulignant l’engagement du gouvernement Albanese dans la confrontation entre les États-Unis et la Chine. En substance, elle a placé l’Australie sur la ligne de front du conflit dans l’océan Indien et dans le Pacifique. «Le fait est que les menaces sans précédent qui pèsent sur la partie de la région située dans l’océan Pacifique pèsent également sur la partie située dans l’océan Indien», a-t-elle déclaré.

Wong a également souligné l’intensification du partenariat avec le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi en Inde, qui affirme ses propres intérêts prédateurs dans toute la région tout en étant utilisé par Washington pour déclencher des conflits avec la Chine. Ce partenariat est «au cœur de nos efforts», a-t-elle déclaré.

Wong a expliqué aux quelque 400 délégués et observateurs de 32 pays que les pays de la région indopacifique «font face au développement militaire rapide de la Chine sans la transparence et l’assurance que la région attend des grandes puissances». Elle a accusé Pékin d’accroître les tensions et l’incertitude stratégique.

Wong a établi un lien direct entre cette menace présumée et d’autres «zones potentielles de conflit dans la région» que les États-Unis accusent la Chine de créer «du détroit de Taïwan au détroit de Malacca, avec sa connexion cruciale à la mer d’Andaman et au golfe du Bengale». Elle a ajouté que «des différends persistent au sujet des frontières terrestres et maritimes», faisant référence aux conflits frontaliers entre l’Inde et la Chine dans l’Himalaya.

En outre, Wong a déclaré qu’il fallait protéger «le passage commercial et militaire dans l’océan indien», qui «accueille plus d’un tiers du trafic mondial de marchandises en vrac et deux tiers des expéditions mondiales de pétrole».

La ministre travailliste australienne des Affaires étrangères a insisté sur le fait que «tout ralentissement ou toute interruption dus à la piraterie, aux conflits ou aux perturbations, auraient des conséquences coûteuses dans le monde entier, comme on l’a vu récemment en mer Rouge».

Ses remarques suggèrent donc que le gouvernement Albanese est prêt à participer aux attaques menées par les États-Unis contre les «perturbations» du trafic maritime dans l’océan Indien. Il participe déjà aux frappes américano-britanniques au Yémen contre les Houthis qui tentent d’interrompre les livraisons à Israël, alors que le régime sioniste intensifie son génocide à Gaza.

Les accusations de Wong à l’encontre de la Chine sont contredites par l’agression menée par les États-Unis dans toute la région indopacifique. Wong s’est vantée de certains des pactes militaires ou stratégiques que Washington a conclus contre la Chine, notamment le traité AUKUS avec le Royaume-Uni et l'Australie et l'alliance quadrilatérale avec l’Inde, le Japon et l’Australie. Elle a énuméré les «partenariats de sécurité» de l’Australie qui se multiplient avec la France, la Corée du Sud, l’Indonésie et la Nouvelle-Zélande.

Tout en se posant cyniquement en défenseur de la paix et des petits pays de la région, Wong a donné une voix à peine voilée aux intérêts néocoloniaux de l’impérialisme australien dans l’océan Indien, où le gouvernement travailliste est en train de militariser les installations de ses avant-postes insulaires éloignés, tels que l’île Christmas et les îles Cocos et Keeling.

«Nous resterons toujours une puissance de principe dans l’océan Indien», a déclaré Wong. Elle a déclaré que l’océan Indien «est essentiel à la prospérité de l’Australie et à notre sécurité». Elle a fait remarquer que l’examen stratégique de la défense réalisé l’année dernière par le gouvernement travailliste avait identifié l’océan Indien comme «l’une de nos principales zones d’intérêt stratégique».

Lors d’une conférence de presse, Wong a qualifié Perth de «capitale australienne de l’océan Indien». C’est dans cette ville que se trouvent les installations destinées aux sous-marins nucléaires américains et à d’autres navires de guerre, dans le cadre des accords AUKUS.

En substance, Wong s’est fait l’écho d’une «fiche d’information» du département d’État américain publiée le jour même de son discours, le 9 février. Cette fiche souligne que le gouvernement Biden considère la Chine comme une menace existentielle pour l’«ordre international» dominé par les États-Unis et imposé après la Seconde Guerre mondiale.

«Nous avons vu la RPC [République populaire de Chine] devenir plus répressive à l’intérieur et s’affirmer davantage à l’étranger, porter atteinte aux droits de l’homme et au droit international, et chercher à remodeler l’ordre international», a déclaré le département d’État. Il s’est vanté de réaffirmer le «leadership américain» et «un niveau de coopération sans précédent avec ses alliés, ses partenaires et ses amis dans toute la région».

La présence de Wickremesinghe, seul chef d’État présent à la réunion, a montré ce que ce «leadership» signifiait en pratique. Son régime, lourdement endetté, subit une pression intense de la part des États-Unis et de leurs partenaires, dont le soutien est nécessaire pour infliger à la classe ouvrière du Sri Lanka des mesures d’austérité brutales imposées par le Fonds monétaire international.

Le mois dernier, Wickremesinghe a annoncé une interdiction d’un an pour tous les navires de recherche étrangers accostant dans les ports sri-lankais, après que les États-Unis et l’Inde se sont opposés à ce que des «navires-espions» chinois à double usage soient autorisés à entrer dans les ports de Colombo et d’Hambantota.

Dans son discours, Wickremesinghe n’a pas fait directement référence à la controverse sur les navires de recherche, mais il a déclaré que «l’équilibre entre les grandes puissances [était] une tâche de plus en plus complexe» pour les États de la région, qui entretiennent tous des liens économiques étroits avec la Chine. La «marge de manœuvre» «se rétrécit rapidement».

Laubacher, l’envoyée du Conseil national de sécurité des États-Unis, a déclaré sans ambages aux journalistes présents à la conférence que l’interdiction du Sri Lanka constituait un «pas dans la bonne direction», même si elle n’a fait qu’honorer du bout des lèvres la souveraineté des pays de la région. Elle s’est vantée que les États-Unis avaient renforcé leurs liens et leurs engagements avec nombre d’entre eux, dont certains qu’elle a récemment visités, notamment le Sri Lanka, le Bangladesh et le Népal.

Pas trop subtilement, Laubacher a également suggéré que les États-Unis, l’Australie et l’Inde partagent davantage de «renseignements» avec les pays d’Asie du Sud et de l’océan Indien sur les objectifs militaires et stratégiques de la Chine dans la région. «Ils pourront alors prendre leurs propres décisions en ce qui concerne leur sécurité», a-t-elle déclaré, à la manière d’une chef de la mafia.

Représentant le gouvernement Modi, Jaishankar a également insisté sur le fait que les pays de l’océan Indien devaient «atteindre une autonomie collective ou rester aussi vulnérables que par le passé». Il s’agit là d’une demande claire en faveur d’un plus grand alignement avec l’Inde et les États-Unis contre la Chine. Il a accusé la Chine de violer les accords conclus avec l’Inde au sujet de leurs frontières contestées.

Dans son discours, Wong s’est clairement rangée derrière l’intimidation des États-Unis et de l’Inde, affirmant que dans le climat actuel, «même les navires de recherche ont le potentiel de devenir des outils au service d’objectifs stratégiques». Elle a repris les accusations selon lesquelles, au Sri Lanka et dans l’ensemble de la région indopacifique, la Chine se livre à «la désinformation, à l’ingérence, à des pratiques de prêt opaques et à des mesures commerciales coercitives».

Wong a annoncé plusieurs programmes qui visent à renforcer les réseaux de sécurité et de renseignement qui sont alignés sur les États-Unis. Il s’agit notamment d’un centre de résilience marine et côtière dans le cadre de l’«Indo-Pacific Oceans Initiative» de l’Inde et d’un programme de troisième cycle sur la sécurité maritime civile pour former des officiers maritimes.

Bien qu’elle affirme vouloir «stabiliser nos relations avec la Chine», Wong a souligné que cela ne compromettait pas la «sécurité nationale». Elle a déclaré que «nous investissons dans notre propre puissance nationale». Cette déclaration fait référence à l’augmentation des dépenses militaires du gouvernement travailliste et à son appel en faveur d’une économie de guerre «à l’échelle de la nation».

En d’autres termes, sans tenir compte des énormes profits à court terme liés aux exportations australiennes de matières premières vers la Chine et de l’opposition populaire généralisée à une guerre désastreuse contre la Chine, le gouvernement Albanese en Australie se prépare à une telle guerre et demande à tous les gouvernements de la région indopacifique d’en faire autant.

(Article paru en anglais le 12 février 2024)

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