L'élite dirigeante britannique exige une répression accrue contre les manifestants et opposants du génocide à Gaza.
Mercredi, le président de la Chambre des communes, sir Lindsay Hoyle, a conspiré avec le chef du Parti travailliste, sir Keir Starmer, pour garantir qu'une motion du Parti national écossais (SNP) en faveur d'un cessez-le-feu immédiat, dénonçant la punition collective des Palestiniens à Gaza, soit supplantée par une motion écrite par Starmer rendant un soutien au cessez-le-feu conditionnel à la capitulation du Hamas à Israël.
Cette décision a empêché une rébellion attendue de près de 90 députés travaillistes, qui se sont emparés des formulations sournoises de Starmer comme une feuille de vigne pour leur collusion continue avec le génocide israélien.
Face aux critiques du SNP et, plus important encore, du gouvernement conservateur pour avoir enfreint le protocole en présentant deux motions d'opposition, Hoyle a affirmé qu'il avait agi parce que Starmer lui avait dit que la sécurité et la vie des députés travaillistes étaient menacées par les manifestants si le parti n’avait pas l’air de soutenir un cessez-le-feu.
Jeudi matin, avant que Hoyle ne s'adresse au Parlement, cette calomnie a été reprise avec enthousiasme par le député conservateur Mark Francois. Défendant les actions de Hoyle, il a déclaré : « Je me souviens très bien de tout ce que M. le Président [Hoyle] a fait pour m'aider, moi et nous tous, lorsque notre grand ami – mon meilleur ami – a été assassiné par, en l'occurrence, un extrémiste islamique, qui a déclaré lors de son procès qu'il l'avait fait à cause de la façon dont [le député conservateur] David [Amess] avait voté à la Chambre des communes. »
Hoyle a répondu : « Je ne veux jamais, au grand jamais, me retrouver dans une situation où je décroche un téléphone pour découvrir qu'un ami, quel que soit son camp, a été assassiné par un terroriste. »
Il a ajouté : « J’ai vu, j’ai été témoin. Je ne partagerai pas les détails, mais les détails des choses qui m'ont été apportées sont absolument effrayants pour tous les députés de la Chambre, de tous bords […] Si mon erreur est de m'occuper des députés, je suis coupable […] J'ai eu des réunions sérieuses hier avec la police sur ces questions et sur les menaces contre les politiciens alors que nous nous dirigeons vers des élections. »
Plus tard, le Premier ministre Rishi Sunak a repris le thème, tout en déclarant que « nous ne devrions jamais laisser les extrémistes nous intimider pour que nous changions la manière dont le Parlement fonctionne ».
Le ministre de l'Intérieur, James Cleverly, a ensuite menacé : « Si les gens pensent qu'ils peuvent cibler les parlementaires, ils ont tort. La loi sera appliquée avec toute sa force. »
Les médias de droite étaient déjà prêts à accueillir de nouvelles restrictions à l'opposition massive au génocide à Gaza – opposition que Starmer a qualifiée sans détour de «terrorisme » – l'Express et le Mail faisant la une de ses journaux avec une demande de répression des manifestations devant le siège du gouvernement à Whitehall et à proximité immédiate du domaine parlementaire.
L'Express s’en est pris mercredi une manifestation de milliers de personnes devant le Parlement en faveur d'un cessez-le-feu. Le journal citait la dénonciation par le député conservateur Andre Percy de la police de Londres pour avoir permis aux manifestants de projeter une phrase « génocidaire » sur la façade de Big Ben, par laquelle il entendait le slogan « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre ».
D'autres slogans répréhensibles pour l'Express incluaient l'exigence d'un « cessez-le-feu maintenant » et d'un « arrêt des bombardements sur Gaza ».
Percy, un député juif, aurait déclaré au Parlement : « Cela fait des mois que je parle ici des gens dans nos rues qui réclament la “mort des Juifs”, réclament le Jihad, réclament des Intifadas alors que la police reste là et permet que cela se produise. Hier soir, un appel génocidaire : “Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre” a été projeté sur ce bâtiment. »
La prédécesseure de Cleverly, Suella Braverman, a déclaré dans une tribune du Telegraph publiée jeudi soir que « les islamistes, les extrémistes et les antisémites sont désormais aux commandes. Ils intimident le Parti travailliste, ils intimident nos institutions, et maintenant ils intimident notre pays pour qu’il se soumette ».
Braverman a pesté : « Nous devons surmonter la peur d’être qualifiés d’islamophobes et parler honnêtement. Assez de se lamenter et de s’excuser […] C’est une crise. Et la riposte doit commencer maintenant, de toute urgence […] Si nous voulons avoir une chance de sauver notre pays de la foule déchainée ».
Les dénonciations des manifestations anti-génocide, calomniées en étant qualifiées d’antisémitisme s'apparentant au terrorisme et menaçant la vie des parlementaires, sont lancées pour justifier une répression brutale utilisant l'énorme pan de la législation antidémocratique imposée au cours des cinq dernières années. Comme l'a rapporté le World Socialist Web Site, la police utilise la loi sur le terrorisme et la loi sur l'ordre public contre les manifestations, ayant arrêté plus de 600 personnes lors de manifestations dans la capitale au cours des quatre derniers mois.
Le Telegraph a rapporté un appel de l'ancien chasseur de sorcières blairiste et député travailliste John Woodcock, aujourd'hui baron Walney et conseiller indépendant de Sunak sur la violence et les perturbations politiques, en faveur de zones d'exclusion des manifestations, rendant effectivement impossible toute manifestation à proximité du Parlement ou devant les bureaux des députés de leurs circonscriptions. Le Telegraph a écrit : « Lord Walney utilisera un prochain rapport pour exhorter Rishi Sunak à étendre les pouvoirs de “zone tampon” qui couvrent actuellement les écoles et les cliniques d'avortement, aux bureaux des circonscriptions, au Parlement et aux chambres municipales. »
Il note que « l'étude de Lord Walney, qui devait être remise peu de temps après les attaques du 7 octobre mais qui a maintenant été mise à jour, appellera à l'expansion des ordonnances accélérées de protection de l'espace public. » Soutenues par les députés en 2022 et approuvées par la Chambre des Lords l’année dernière, les ordonnances autorisent la police « à disperser des manifestations d’intimidation, ce que Lord Walney espère sera suffisant pour protéger les parlementaires des foules déchainées dans leurs communautés ».
La semaine dernière, le ministre de la Sécurité Tom Tugendhat et le ministre de la Police Chris Philp ont demandé aux chefs de la police d'utiliser « les pouvoirs disponibles » pour empêcher les manifestations à proximité des domiciles des députés. Le Mail a rapporté : « Les deux ministres ont déclaré aux chefs de la police que le gouvernement a “confirmé que, lorsque les faits le soutiennent et que les conditions sont remplies, l'article 42 de la loi de 2001 sur la justice pénale et la police peut être utilisé par la police pour éloigner les manifestants d'un logement résidentiel, afin de prévenir tout harcèlement, inquiétude ou détresse chez le résident”. »
C’est la réponse d’une élite dirigeante qui sait que des millions de travailleurs et de jeunes méprisent les conservateurs et les travaillistes, les considérant comme un seul parti de guerre qui impose collectivement l’austérité au nom du grand capital, et que les manifestations autour de Gaza pourraient devenir le centre d’un vaste mouvement à caractère révolutionnaire.
Soulignant les intérêts de classe qui motivent la manœuvre de Hoyle, Starmer a déclaré jeudi lors d'une visite d'usine qu'avant sa discussion avec Hoyle pour saboter la motion de cessez-le-feu du SNP, il avait eu des discussions avec le président israélien Isaac Herzog et le secrétaire d'État américain Antony Blinken.
S'adressant à Sky News, Starmer a déclaré : « La proposition que j'ai mise sur la table dans cet amendement a été élaborée par moi après mon retour de la Conférence de Munich sur la sécurité, après avoir parlé au secrétaire d'État Blinken, après avoir parlé au Premier ministre du Qatar, après avoir parlé au président d'Israël. Après avoir parlé à des personnes réellement impliquées dans la tentative de faire avancer ce terrible conflit, je voulais que cette proposition soit entendue et votée, et mes députés voulaient voter là-dessus. »

Hoyle lui-même s'était rendu en Israël en novembre, alors que l'attaque israélienne s'intensifiait, en tant qu'invité du gouvernement de Netanyahou. Il se vante que son père « [l’ancien député travailliste] Doug Hoyle a aidé à fonder les Amis travaillistes d’Israël ». Plus de 110 députés travaillistes et membres travaillistes de la Chambre des Lords, dont Starmer, sont membres de ce groupe sioniste.
(Article paru en anglais le 23 février 2024)