Les licenciements collectifs se multiplient à travers le Canada tandis que la hausse des taux d’intérêt conduit l’économie à la récession

Bell Canada Enterprises a annoncé le 8 février qu'elle supprimait 9 % de ses effectifs, soit 4800 emplois, s'ajoutant ainsi à la vague croissante de licenciements qui déferle sur le pays alors que l'économie canadienne se rapproche d'une récession officielle.

La Banque du Canada augmente les taux d'intérêt depuis 2022 avec le soutien du gouvernement libéral soutenu par le NPD et dirigé par Justin Trudeau, ainsi que de l'ensemble de l'establishment politique. Leur objectif est de créer un ralentissement économique qui fera grimper le chômage et étouffera ainsi les demandes de plus en plus militantes des travailleurs en faveur d'augmentations salariales à la hauteur de l'inflation. L'année dernière a été marquée par une vague de luttes ouvrières militantes, dont les grèves de plus de 100.000 travailleurs du gouvernement fédéral, des dockers en Colombie-Britannique, des travailleurs des supermarchés et de l'automobile en Ontario et de plus d'un demi-million de travailleurs du secteur public au Québec.

La politique de taux d'intérêt élevés de la Banque du Canada – le «taux directeur» actuel de 5 % est le plus élevé depuis plus de vingt ans – fait partie d'une offensive globale des élites dirigeantes capitalistes contre la classe ouvrière, qui s'accélère dans tous les pays et dans tous les secteurs d'activité. Une enquête internationale menée par ResumeBuilder a révélé que 38 % des cadres pensent que des licenciements sont probables dans leur entreprise en 2024 et que la moitié d'entre eux prévoient un gel des embauches.

Le secteur des médias au Canada a été radicalement réduit ces dernières années, et ce n'est que la dernière série de licenciements chez Bell Media. L'année dernière, la plus grande entreprise privée de médias du Canada a supprimé 6 % de ses effectifs.

Le monopole des télécommunications et des médias procède à une véritable hécatombe dans sa filiale Bell Media, en supprimant les émissions locales de CTV News et en vendant des dizaines de stations de radio communautaires en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec et dans les provinces de l'Atlantique. Toutefois, le gros des licenciements se fera dans d'autres secteurs de l'entreprise, y compris les télécommunications, où la plupart des 800 membres du syndicat Unifor devraient perdre leur emploi.

Malgré un bénéfice de 2,3 milliards de dollars l'année dernière, Bell a déclaré que les réductions ont été rendues nécessaires en raison de la pression financière exercée par des réglementations fédérales onéreuses et des négociations en cours avec Google et les plates-formes de médias sociaux sur la rémunération des entreprises d'information canadiennes. Toutefois, l'entreprise devrait bénéficier d'un allègement de 40 millions de dollars cette année grâce à l'élimination des droits de licence pour la diffusion en ligne. Elle devrait également partager les 30 millions de dollars que le géant de la recherche Google a négociés avec le gouvernement libéral afin d'éviter la réglementation prévue par la Loi sur les nouvelles en ligne.

Le premier ministre libéral Justin Trudeau a déclaré aux journalistes de manière populiste qu'il était «furieux» et que la décision de l'entreprise – le plus gros licenciement chez Bell en trois décennies – était une «erreur». Le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, David Eby, a traité Bell et d'autres dirigeants de «vampires».

Le gouvernement Trudeau, soutenu par le NPD, porte une part importante de responsabilité dans le massacre des emplois dans les médias. Le radiodiffuseur public CBC/Radio-Canada, financé par le gouvernement fédéral, a annoncé en décembre qu'il supprimait 10 % des emplois au niveau national, ce qui représente 600 licenciements et la suppression de 200 postes vacants, alors qu'il est confronté à un déficit de 125 millions de dollars pour 2024.

Après que le Forum des politiques publiques a constaté que 225 journaux hebdomadaires et 27 quotidiens avaient disparu ou fusionné entre 2010 et 2017, le ministère du Patrimoine canadien a créé un fonds de 50 millions de dollars pour l'Initiative pour le journalisme local afin de soutenir les journalistes locaux. Bien qu'il ait permis de soutenir 400 journalistes dans 300 organes de presse, ce fonds devrait s'épuiser à la fin du mois de mars sans que le gouvernement Trudeau indique s'il sera renouvelé, ce qui met en péril des centaines d'autres emplois dans le secteur des médias.

Si l'attention s'est surtout focalisée sur les pertes d'emplois dans les médias et les télécommunications, les réductions d'effectifs commencent à se multiplier dans l'industrie manufacturière, les transports, l'énergie, la technologie et le commerce de détail, les entreprises cherchant à tirer davantage de profit de leurs salariés.

Jeudi, la compagnie low-cost Lynx Air a annoncé qu'elle cessait toutes ses activités à partir de lundi prochain et qu'elle se plaçait sous la protection de la loi sur les faillites. Plus de 160 pilotes et membres d'équipage perdent leur gagne-pain à la suite de cette fermeture, que la direction de Lynx a imputée à l'augmentation des coûts d'exploitation.

Les travailleurs de l'industrie canadienne des pâtes et papiers, déjà affaiblis par des décennies de fermetures et de réductions supervisées et approuvées par les bureaucraties syndicales nationalistes, subissent une nouvelle contraction dévastatrice. Domtar a annoncé la fermeture de son usine de papier à Espanola, en Ontario, à la fin de l'année dernière, entraînant la perte de 450 emplois dans une ville de moins de 5000 habitants. Et l'usine de papier de Powell River, en Colombie-Britannique, qui était à l'arrêt depuis 2021, a été définitivement fermée par Paper Excellence en août 2023, entraînant la suppression de 260 emplois.

Le fabricant de carton québécois Cascades a annoncé la semaine dernière la fermeture permanente de son usine de Trenton, en Ontario, et la fermeture des installations de transformation de Belleville, en Ontario, et de Newtown, au Connecticut, ce qui entraînera le licenciement de 310 travailleurs. Cette annonce fait suite à celle du groupe AV, qui a annoncé en janvier la fermeture pour une durée indéterminée de son usine de pâte à papier de Terrace Bay, en Ontario, contraignant 400 travailleurs à cotiser à l'assurance-emploi et dévastant économiquement cette ville rurale de 1500 habitants située sur la rive septentrionale du lac Supérieur.

Enbridge, le géant transnational de l'énergie et des pipelines basé à Calgary, en Alberta, a annoncé en janvier que «des conditions commerciales de plus en plus difficiles» l'avaient contraint à annoncer 650 licenciements. Suncor Energy, également basée à Calgary, avait annoncé l'été dernier la suppression de 1500 emplois avant la fin de l'année.

Dans le secteur de la technologie, d'importants avis de licenciement ont été envoyés aux employés de Google au Canada, qui font partie des 12.000 personnes éliminées à l'échelle mondiale par la société mère Alphabet. D'autres entreprises ont annoncé des licenciements au Canada, notamment 7shifts, une application de planification basée à Saskatoon, qui supprime 68 personnes, soit près de 20 % de ses effectifs ; BlackBerry, qui élimine 200 travailleurs ; et BenchSci, une start-up biomédicale spécialisée dans l'IA, qui a supprimé 70 emplois, soit 17 % de ses effectifs totaux.

Dans le secteur de la vente au détail, la chaîne de magasins de rénovation et de construction Rona a annoncé en janvier la fermeture de deux entrepôts de distribution à Terrebonne, au Québec, et à Calgary, en Alberta, ainsi que le licenciement de 300 travailleurs. Ces réductions font suite à l'acquisition de l'entreprise en 2022 par la société de capital-investissement Sycamore Partners. Un autre détaillant, Mastermind Toys, licencie 272 travailleurs après avoir été racheté par Unity Acquisitions. Des licenciements ont également eu lieu chez Staples Canada et Indigo Books.

Lundi, Nova Bus, une filiale du groupe Volvo, a annoncé qu'elle supprimerait 125 emplois à son usine de St-Eustache, au Québec, d'ici la fin de l'année. L'annonce du licenciement est intervenue quelques jours après que le gouvernement du Québec a révélé qu'il avait accordé à Nova Bus une subvention de 19 millions de dollars pour «améliorer sa productivité» et «assurer la pérennité de ses opérations».

En janvier, le taux de chômage au Canada s'élevait à 5,7 %, soit une augmentation de 0,7 % par rapport à l'année précédente. Janvier a été le premier mois depuis plus d'un an où le taux de chômage a baissé, mais la baisse marginale de 0,1 % a été plus que compensée par une baisse de 0,2 % du taux de participation de la population active. Pour les jeunes âgés de 15 à 24 ans, le taux d'activité a baissé de 3 % en janvier par rapport à l'année précédente, ce qui indique que les jeunes quittent la population active parce qu'ils ont de plus en plus de mal à trouver du travail.

(Article paru en anglais le 24 février 2024)

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