L’Australie et le Royaume-Uni renforcent les préparatifs de guerre contre la Chine dans le cadre de l’accord AUKUS

Le gouvernement travailliste australien et le gouvernement conservateur britannique ont renforcé cette semaine l’alliance militaire anti-chinoise entre leurs deux pays dans le cadre du pacte trilatéral AUKUS [Australia, United Kingdom, United States].

Avec le soutien du gouvernement Biden, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des deux gouvernements ont signé vendredi de nouveaux accords militaires et de renseignement dans la ville australienne d’Adélaïde. Ces accords comprennent un « Accord sur le statut des forces (SOFA en anglais)» qui les engage à réagir conjointement en cas de menace militaire supposée.

Le ministre australien de la Défense Richard Marles (à gauche) avec son homologue britannique Grant Shapps, le 21 mars 2024 [Photo: Twitter/X @RichardMarlesMP]

Les ministres ont directement lié l’escalade du conflit avec la Chine à la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine. Dans les premiers mots de leur déclaration commune, ils déclarent que la «sécurité et la prospérité» de la région euro-atlantique et de la région indo-pacifique sont «inséparables».

Cela souligne le lien existant entre l’agression dirigée par les États-Unis contre la Russie et celle visant la Chine, les deux pays considérés par Washington comme principales menaces à son hégémonie d’après-guerre. Ce sont deux fronts d’une troisième guerre mondiale en train de se développer.

La déclaration commune du Royaume-Uni et de l’Australie était accompagnée d’une «déclaration trilatérale AUKUS» paraphée par le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin. Elle «réaffirme» le plan d’AUKUS de la production conjointe de sous-marins d’attaque à longue portée et à propulsion nucléaire destinés à être utilisés contre la Chine.

Le gouvernement australien du Premier ministre Anthony Albanese s’est engagé à dépenser au moins 18 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie pour la construction d’installations sur des bases destinées à accueillir les sous-marins nucléaires américains et britanniques en visite, et pour développer la capacité de construction de sous-marins. Il accorde en outre au gouvernement britannique près de 5 milliards et au gouvernement américain environ 4,5 milliards de dollars pour accélérer leurs programmes de construction de sous-marins.

Ces sommes énormes — versements immédiats de l’allocation de 368 milliards de dollars pour les sous-marins AUKUS — sont une mesure de l’engagement accru du gouvernement travailliste à l’égard des préparatifs de guerre.

Dans ce contexte, l’accord SOFA entre le Royaume-Uni et l’Australie, qui prévoit également l’accès aux bases et installations militaires de l’autre partie, marque une nouvelle étape des préparatifs de guerre visant la Chine dirigés par les États-Unis. Il est significatif qu’il s’agisse là du premier accord signé par le Royaume-Uni avec un pays non membre de l’OTAN.

Ce fait souligne l’intention de l’impérialisme britannique d’être en première ligne du conflit avec la Chine dans une région Inde-Pacifique où dominait jadis l’Empire britannique. Les ministres ont «salué l’engagement stratégique durable du Royaume-Uni dans la région Inde-pacifique». Il s’agira notamment pour ce dernier de faire naviguer l’an prochain un groupe aéronaval dans la région et de participer en 2025 aux jeux de guerre ‘Talisman Sabre’ dans le nord de l’Australie, dans le cadre du «déploiement phare du Royaume-Uni dans l’Inde-Pacifique à l’horizon 2025».

Pour faciliter cet «engagement», l’accord SOFA porte également le partenariat militaire entre l’Australie et le Royaume-Uni au même niveau que le traité ANZUS de 1950 entre les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui comprend un engagement mutuel d’action conjointe contre toute menace militaire présumée.

De manière provocatrice, les consultations ministérielles Australie–Royaume-Uni (AUKMIN) de cette année ont été organisées en Australie deux jours seulement après une visite du ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi. La réunion AUKMIN a débouché sur une longue déclaration engageant les deux pays à intégrer étroitement leurs opérations militaires, stratégiques et de renseignement. En revanche, la visite de Yi n’a donné lieu à aucune déclaration commune, malgré les affirmations d’une «remise à zéro» des relations sino-australiennes.

La ministre australienne des Affaires étrangères Penny Wong et le ministre de la Défense Richard Marles ont accueilli leurs homologues, l’ex-Premier ministre David Cameron et le ministre britannique de la Défense Grant Shapps. Lors de leur conférence de presse, ils étaient entourés de Caroline Kennedy, l’ambassadrice très en vue des États-Unis en Australie.

S’exprimant au nom du gouvernement conservateur aux abois de Rishi Sunak, David Cameron s’est montré particulièrement belliqueux, déclarant que les alliés occidentaux devaient collaborer en fait de «sécurité mutuelle» pour faire face à un «monde dangereux et incertain». Il a réaffirmé l’intention de la Grande-Bretagne d’être une puissance dans la région Inde-Pacifique.

Cameron s’est joint aux autres ministres pour accuser la Chine de «comportement déstabilisateur» en mer de Chine méridionale et d’«érosion systémique» des droits de l’homme au Xinjiang, au Tibet et à Hong Kong.

Ces accusations s’inscrivent dans une longue liste d’allégations visant la Russie et la Chine. La déclaration du Royaume-Uni et de l’Australie a commencé par souligner l’engagement commun dans la guerre en Ukraine, condamnant «l’invasion illégale et immorale» de la Russie et se félicitant de la participation accrue de chacun à la formation des forces ukrainiennes et à la fourniture de drones et d’autres types d’armes.

Le ministre britannique de la Défense, Grant Chapps (à gauche), avec l’ambassadrice américaine Caroline Kennedy et le ministre australien de la Défense, Richard Marles, au chantier naval d’Osborne (Adélaïde) en Australie méridionale, le 21 mars 2024 [Photo: Twitter/X @RichardMarlesMP]

Sur un ton menaçant, le document avertit la Chine de «s’abstenir» d’aider la Russie. Il s’en prend également au régime chinois, qui considère Taïwan comme une province sécessionniste, soutenant la «participation significative de Taïwan aux organisations internationales» et réitérant la «volonté des ministres de poursuivre l’approfondissement des relations avec Taïwan dans les domaines économique, scientifique, commercial, technologique et culturel».

Sur le front du Moyen-Orient, la déclaration accuse le Hamas d’avoir mené une attaque «odieuse» contre Israël et justifie l’assaut génocidaire d’Israël contre Gaza. Elle fait écho au gouvernement Biden en versant des larmes de crocodile sur la «crise humanitaire catastrophique» et soutient l’appel frauduleux des États-Unis en faveur d’un cessez-le-feu temporaire servant de couverture au feu vert donné à un assaut israélien contre Rafah, où sont piégés au moins 1,5 million de Gazaouis.

La déclaration soutient également les opérations menées par les États-Unis et le Royaume-Uni, rejoints par l’Australie, contre les Houthis au Yémen, et condamne l’Iran «dans les termes les plus forts» pour avoir prétendument mené des «activités déstabilisatrices dans la région», approuvant ainsi le prétexte américain d’une guerre plus vaste.

Parmi les nombreux aspects du partenariat intensifié avec le Royaume-Uni, l’ancien colonisateur de l’Australie, la déclaration indique que les deux gouvernements s’engagent à:

  • Accroître l’échange de renseignements liés à la guerre, notamment en renforçant le réseau «Five Eyes» avec les États-Unis, le Canada et la Nouvelle-Zélande, et en intégrant le Royaume-Uni dans le «Combined Intelligence Centre-Australia au sein de l’organisation australienne de renseignement de Défense».
  • Développer la coopération et la coordination en matière de cybersécurité, en particulier au nom de la «lutte contre la manipulation d’informations par des étrangers».
  • Protéger l’accès des alliés aux minéraux militaires essentiels et «diversifier les chaînes d'approvisionnement» afin de réduire la dépendance à l’égard de la transformation chinoise.
  • Renforcer l'association anti-chinoise Indian Ocean Rim Association, qui comprend l'Inde.
  • Insister pour l’adhésion du Royaume-Uni au Partenariat transpacifique global et progressiste (initiales anglaises CPTPP), essentiellement un bloc économique anti-chinois, avant la fin de 2024.

Tout cela fut justifié en disant que « les ministres réaffirmaient leur engagement durable envers le partenariat AUKUS, qui renforce la sécurité et la stabilité dans la région Inde-Pacifique». En réalité, la déclaration AUKMIN de la semaine dernière et la déclaration trilatérale AUKUS représentent une accélération de la campagne menée par les États-Unis pour encercler la Chine militairement et économiquement.

S’ajoutant au renforcement des liens militaires américains dans toute la région Inde-Pacifique, notamment avec le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et l’Inde, cette offensive vise à pousser la Chine à la guerre, comme on l’a fait pour la Russie, avec des conséquences incalculables.

Malgré l’opposition généralisée à la guerre, alimentée par son soutien au génocide de Gaza, le gouvernement Albanese est déjà allé bien au-delà du précédent gouvernement libéral-national de Scott Morrison, qui avait signé le pacte AUKUS pour la première fois en 2021, plaçant l’Australie en première ligne de ce qui serait une guerre nucléaire potentiellement désastreuse pour la domination de la région et du monde.

(Article paru en anglais le 23 mars 2024)

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