Le gouvernement espagnol PSOE-Sumar établit une base navale de l’OTAN sur l’île de Minorque

Port de Mao vu depuis Ses Piques II [Photo by Santiago Lap / CC BY-SA 3.0]

Alors que les États membres de l’OTAN, France en tête, menacent de plus en plus d’envoyer des troupes en Ukraine pour combattre la Russie, le gouvernement de coalition du Parti socialiste espagnol (PSOE) a admis que le port de Mao (Mahon en espagnol) à Minorque était devenu une base navale destinée à offrir un soutien logistique aux flottes de l’OTAN. Le gouvernement intensifie également sa propagande de guerre contre la Russie et augmente les dépenses militaires à des niveaux record, alors que les pays de l’OTAN soutiennent le génocide israélien à Gaza et les bombardements de l’OTAN au Yémen.

Le port occupe une position géostratégique cruciale en Méditerranée. Il se trouve au centre de la Méditerranée occidentale, à 400 kilomètres des autres ports clés, notamment Marseille en France, Alger en Algérie et Alghero sur l’île italienne de Sardaigne. Situé dans un grand port naturel, Mao possède de vastes réservoirs de carburant et d’eau, ainsi que des tunnels souterrains inutilisés, ce qui facilite le réapprovisionnement des navires de l’OTAN qui mouillent ou accostent dans la région.

Port de Mao (Mahón) [Photo: www.openstreetmap.org]

Au mépris de l’opposition de la classe ouvrière à la guerre, le gouvernement PSOE-Sumar a annoncé cela par l’intermédiaire du quotidien pro-PSOE, El País, fer de lance de la propagande de guerre antirusse en Espagne. Mais en fait, selon El País, le précédent gouvernement PSOE-Podemos avait déjà décidé secrètement, il y a un an, de désigner un grand port espagnol comme base pour les opérations de l’OTAN au Moyen-Orient, en Afrique de l’Ouest, en mer Rouge et en Méditerranée. Cette décision a été prise dans le dos du peuple espagnol.

Publié le jour du Vendredi saint, alors que le pays était en vacances et que les principaux médias étaient occupés à couvrir la météo, la circulation et les processions religieuses, El País a rapporté que des sources gouvernementales lui avaient «confirmé» la décision. Même le gouvernement régional des Baléares a été surpris. La Première ministre régionale, Marga Prohens, a déclaré au Diario de Mallorca: «Nous l’avons appris par la presse».

Selon El País, «en avril de l’année dernière, le gouvernement espagnol a offert Mao à l’Alliance atlantique en tant que 'port avec autorisation diplomatique permanente' afin que les navires alliés qui ont participé à l’OTAN puissent s’amarrer et jeter l’ancre». Depuis lors, le port fonctionne comme tel.

Le port a déjà apporté son soutien à l’opération Sea Guardian, dirigée par le Commandement maritime allié de l’OTAN (MARCOM) basé à Northwood, au Royaume-Uni. Lancée en 2016, cette opération est l’héritière de Active Endeavor, lancée par l’OTAN après les attentats d’Al-Qaïda du 11 septembre 2001. Elle a notamment pour objectif de surveiller les mouvements des navires russes en Méditerranée et de contrôler la mer Rouge et l’Afrique de l’Ouest, en prétextant des actes de piraterie dans le golfe de Guinée et la Corne de l’Afrique.

MARCOM est aujourd’hui fortement impliqué dans les attaques en mer Rouge contre la milice houthie au Yémen, qui vise à perturber l’approvisionnement de l’armée israélienne en solidarité avec les Palestiniens. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et leurs alliés bombardent les Houthis tout en constituant une armada au Moyen-Orient pour soutenir la guerre d’Israël contre Gaza et préparer une guerre plus large contre l’Iran et les forces liées à l’Iran.

La classe dirigeante espagnole espère également tirer parti de Mao pour ses propres ambitions impérialistes en Afrique de l’Ouest et du Nord. Après que l’Espagne et l’Italie aient réussi à faire pression sur l’OTAN pour qu’elle se concentre sur son «flanc sud» lors du sommet de l’OTAN à Madrid l’année dernière, on s’attend à ce que l’OTAN adopte sa toute première stratégie du flanc sud lors du sommet de Washington en juillet. Selon le Conseil atlantique, favorable à l’OTAN, la stratégie du flanc sud se concentrera sur la prévention de l’immigration vers l’Europe et sur la défense des intérêts économiques de l’Europe:

Depuis l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie en 2022, l’Europe a diminué ses importations de pétrole et de gaz en provenance de la Russie et a augmenté ses importations en provenance de la région MENA. Au dernier trimestre 2023, l’Union européenne (UE) importait 21 pour cent de son pétrole de trois pays de la région MENA: Libye, Arabie saoudite et Irak. L’UE a également importé 17,8 pour cent de son gaz naturel à l’état gazeux d’Algérie et 24,1 pour cent de son gaz naturel liquéfié de Libye et du Qatar. L’instabilité du flanc sud de l’OTAN constitue également une menace potentielle pour le commerce maritime qui transite par la mer Méditerranée, laquelle représente 15 pour cent du trafic maritime mondial en termes d’escales et 10 pour cent du trafic maritime mondial en termes de poids des navires.

Selon le Conseil atlantique, la stratégie du flanc sud pourrait impliquer une augmentation de la formation militaire et de l’aide aux anciens pays coloniaux d’Afrique du Nord et du Sahel, afin de «préparer les futures opérations militaires dans la région» et d’accroître «les ressources de l’opération Sea Guardian, ce qui permettrait une meilleure connaissance de la situation maritime, davantage de lutte contre le terrorisme maritime et, surtout, un renforcement des capacités de sécurité maritime avec les partenaires régionaux».

En d’autres termes, la stratégie du flanc sud consiste à se préparer à réprimer violemment l’opposition croissante à l’OTAN dans toute l’Afrique. La France, les États-Unis, l’Allemagne, l’Espagne et d’autres puissances de l’OTAN ont tous cité des forces islamistes comme Al-Qaïda, l’État islamique et Boko Haram comme prétexte pour mener des guerres visant à maintenir le contrôle des riches ressources naturelles de l’Afrique. Ces guerres ont provoqué une opposition de masse et conduit au lancement de coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger contre les régimes pro-OTAN de ces pays.

Ces coups d’État et ces guerres sont inextricablement liés à la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, puisque les juntes militaires nouvellement formées dans les pays du Sahel ont cherché à obtenir l’aide militaire de la Russie.

Samedi, le ministère de la Défense a publié une déclaration cynique pour minimiser l’impact du rapport de El País. Il a déclaré qu’«il n’est pas prévu» que Mao serve de base de l’OTAN, «au-delà de son rôle actuel de port d’escale spécifique pour les flottes permanentes de l’Alliance». En d’autres termes, il a publié un «démenti» vide de sens qui, en réalité, confirme que Mao sera utilisé comme base militaire contre la Russie.

La presse a ridiculement présenté la déclaration du ministère comme une réponse à ce que les médias présentent comme la «gauche» en Espagne. Les dirigeants de Podemos – sa secrétaire générale, Ione Belarra, et sa secrétaire politique et candidate aux élections européennes, Irene Montero – se sont cyniquement posés en critiques de la décision. Montero a déclaré que «le Parlement a voté pour un Premier ministre espagnol, pas pour un secrétaire général de l’OTAN. Pas pour la guerre. Pas en notre nom».

Pendant ce temps, sur son compte X, Belarra a écrit que les bases de l’OTAN en Espagne «ne représentent pas seulement un transfert inacceptable de souveraineté, elles jouent également un rôle clé dans le soutien des États-Unis au génocide qu’Israël commet contre le peuple palestinien».

Le fait est que Podemos est profondément impliqué dans la décision d’utiliser Mao comme base de l’OTAN, ainsi que dans l’armement par l’Espagne du régime israélien contre Gaza: ces décisions ont été prises lorsque Podemos était au pouvoir! Cette opération s’inscrivait dans le cadre d’une opération plus large visant à soutenir la stratégie maritime de l’OTAN, notamment l’accord entre les États-Unis et l’Espagne signé en 2022 sous Podemos. Cet accord autorise l’installation de deux destroyers américains supplémentaires dans la base navale de Rota, à Cadix, et prévoit la mise en garnison d’un maximum de 1.800 soldats. Le port a été utilisé pour aider les opérations américaines visant à soutenir le génocide israélien à Gaza et les Houthis au Yémen.

Sous Podemos, l’Espagne a également décidé de fournir 1.700 soldats et des chasseurs à réaction en Europe de l’Est afin de renforcer le flanc oriental de l’OTAN et se préparer à la guerre contre la Russie. Cela a impliqué le déploiement de troupes et d’équipements en Lettonie, en Roumanie, en Bulgarie et dans d’autres pays, tout en acheminant des chars, des munitions et des lance-roquettes aux forces par procuration de l’OTAN en Ukraine.

Pour arrêter la guerre, il faut mobiliser l’opposition de la classe ouvrière en menant une lutte sans concessions contre le gouvernement PSOE-Sumar. Cela inclut le parti de pseudo-gauche, Podemos, qui, après avoir jeté les bases des politiques de guerre impérialiste au pouvoir, travaille maintenant en dehors du gouvernement pour lier les travailleurs à la perspective en faillite de lancer des appels moraux aux partis au pouvoir. La question clé est de construire un mouvement international antiguerre dans la classe ouvrière, en opposition irréconciliable avec les partis de pseudo-gauche comme Podemos et Sumar, et dans la lutte pour le socialisme.

(Article paru en anglais le 1er avril 2024)

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