Les DSA donnent leur appui à la réélection de Morena au Mexique : la répétition générale d’une campagne pro-Biden

La semaine dernière, les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA) ont organisé un webinaire sur les élections présidentielles mexicaines, promouvant la campagne de Claudia Sheinbaum, la protégée du président Andrés Manuel López Obrador (AMLO).

Andres Manuel Lopez Obrador et Claudia Sheinbaum, Zocalo, Mexique, 1er novembre 2019 [Photo: Jefatura de Gobierno, Ciudad de Mexico]

Les DSA ont appelé ses partisans à faire campagne et à voter pour Sheinbaum, bien que seulement 1 % environ des 12 millions d'électeurs mexicains potentiels aux États-Unis soient inscrits pour les élections du 2 juin.

Toutefois, le véritable sujet de la discussion n'était pas tant le Mexique que la manière de reproduire aux États-Unis le succès électoral de Morena, le parti dirigé par AMLO qui contrôle les deux chambres du Congrès et près de trois quarts des gouvernements des États fédérés.

Bien que les DSA n'aient pas officiellement donné leur appui à Joe Biden dans les élections américaines, le soutien apporté à Morena est une répétition générale de la campagne de réélection du Parti démocrate.

Alina Duarte, journaliste mexicaine et enseignante à l'Institut de formation politique de Morena, a commencé par avertir que la pseudo-gauche devra moins s'appuyer sur la politique identitaire puisque le parti est «conservateur sur les questions féministes» et que la coalition de droite Fuerza y Corazón por México exploite le genre et l'origine autochtone de sa candidate Xóchitl Gálvez dans la campagne.

«Ils essaient de faire de cette élection une question de politique identitaire, mais nous devons l'envisager sur la base d'une analyse de classe», a-t-elle déclaré. Sheinbaum et Gálvez «représentent des intérêts différents» et «deux projets nationaux», a poursuivi Duarte. Selon elle, Gálvez représente «l'oligarchie avec le soutien total des États-Unis», tandis que Morena représente la classe ouvrière, y compris les «30 millions de personnes bénéficiant des programmes sociaux» créés par AMLO.

Kurt Hackbarth, journaliste pour Jacobin, un magazine associé aux DSA, a ensuite pris la parole. Il a décrit le président mexicain comme un «politicien charismatique unique», d'une «qualité inégalable», louant sa «façon de tourner une phrase, d'utiliser le vocabulaire», ainsi que ses origines ouvrières. (Les parents d'AMLO étaient propriétaires de magasin.)

Expliquant le succès électoral de Morena, Hackbarth a déclaré : «AMLO s'est présenté comme un candidat anti-corruption avec un message clair et discipliné», réussissant ainsi à ramener à la «gauche» un thème longtemps utilisé par la droite. En outre, AMLO est à la tête d'une «large coalition» et «a fait assez pour satisfaire le centre et la gauche». À titre d'exemple, il a cité les programmes limités de protection sociale, les retraites complémentaires et les hausses du salaire minimum, ainsi que la décision de payer des prix exorbitants pour l'achat de centrales électriques à des transnationales telles qu'Iberdrola.

Hackbarth a salué le bilan de Sheinbaum à la tête du gouvernement de Mexico et ses promesses concernant la poursuite des programmes sociaux, l'augmentation du salaire minimum et les projets «verts». «La campagne a été très disciplinée», a-t-il ajouté.

Dans l'ensemble, l'événement était centré sur de nombreux points de propagande présentant Morena comme un «parti de masse» et un «front large» qui représente la classe ouvrière et qui devrait être soutenu inconditionnellement. Cependant, cela implique d'ignorer les origines historiques et le contexte international du parti, ainsi que ses politiques les plus importantes sous AMLO.

Il n'a pas été mentionné, par exemple, que López Obrador était un membre éminent du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) qui a gouverné le Mexique pendant sept décennies et du Parti de la révolution démocratique (PRD), qui appartiennent tous deux aujourd'hui à l'opposition de droite. Morena est lui-même principalement composé d'anciens fonctionnaires de l'establishment traditionnel et a été créé pour offrir une nouvelle façade permettant aux mêmes intérêts bourgeois de continuer à gouverner.

Il n'a pas non plus été fait mention de la militarisation sans précédent du pays sous AMLO, de la participation du Mexique aux jeux de guerre américains ou de ses réductions massives de l'impôt sur les sociétés. La pandémie de COVID-19 a été traitée comme un «coup que le monde a porté» au Mexique, sans mentionner l'adoption précoce par AMLO de la politique d'«immunité collective» de Trump, plaçant les profits au-dessus des vies humaines, ce qui a entraîné plus de 700.000 décès excédentaires dans le pays.

Stimulé par les commentaires des participants, Hackbarth a déploré que Sheinbaum «n'ait pas parlé de la Palestine», tout en précisant que cela n'affaiblissait pas son optimisme quant à son futur gouvernement.

L'assaut historique contre les migrants appauvris sous Morena aurait également été passé sous silence s'il n'avait pas été soulevé par ce journaliste dans une question écrite.

«Les migrants ne votent pas»

En réponse, Hackbarth a raconté qu'il avait pris un bus dans le sud du Mexique et qu'il avait été arrêté trois ou quatre fois à des points de contrôle des migrations, où toute personne ayant l'air d'être originaire d'Amérique centrale se voyait demander des papiers et était emmenée. Il n'a pas mentionné que ces migrants sont confrontés à une incertitude cauchemardesque.

Le plus souvent, les soldats – dont des dizaines de milliers ont pour ordre de «contenir les migrants» – ou d'autres fonctionnaires détiennent les migrants pour les renvoyer à la frontière sud du Mexique ou les expulser. De nombreux rapports sur les droits de l'homme font état de troupes qui livrent des migrants à des gangs pour qu'ils soient extorqués, volés, violés, torturés, recrutés de force ou même qu'ils disparaissent.

Hackbarth a déclaré : «Très tôt, [AMLO] a pris la décision de céder sur la question de l'immigration afin de ne pas avoir les États-Unis sur le dos et d'avancer sur le front intérieur. [...] Il a pris la décision pragmatique de sacrifier la question de l'immigration. La conclusion cynique : parce que les migrants ne votent pas.»

La modératrice de l'événement, Luisa Martinez, membre du Comité politique des DSA, a alors fait remarquer qu'en tant qu'immigrante sans papiers depuis longtemps, «je comprends la situation politique. Ce sont les types de problèmes auxquels la gauche est confrontée lorsqu'elle est au pouvoir».

L'argument selon lequel il est justifié d'accepter toute politique fasciste exigée par l'impérialisme pour parvenir au pouvoir et y rester ne fait que démontrer que les DSA et Morena ne sont pas des organisations de «gauche» et n'offrent aucun moyen de lutter contre la menace de l'oppression impérialiste et du fascisme.

En offrant de tels alibis pour Morena, la discussion sur le Mexique démontre le caractère pro-impérialiste des organisations de pseudo-gauche comme les DSA. Il ne fait aucun doute qu'ils avanceront des arguments de «realpolitik» similaires pour passer sous silence la persécution incessante des travailleurs migrants aux États-Unis ou, d'ailleurs, le meurtre de masse commis par les États-Unis et Israël à Gaza, dans l'intérêt de la réélection de «Joe le génocidaire».

Ce que les DSA saluent au Mexique, ce sont les politiques de réforme symboliques menées par Morena, tout en laissant l'impérialisme américain et l'extrême droite faire ce qu'ils veulent sur toutes les questions fondamentales.

Les politiques d'AMLO en matière de protection sociale et de salaire minimum ont été strictement destinées à étouffer la lutte des classes, de plus en plus explosive, au Mexique. Ces politiques ne nuisent pas aux intérêts de l'élite dirigeante, qui réalise des profits records, et n'ont qu'un effet minimal pour réduire la pauvreté des Mexicains.

Sheinbaum a elle-même déclaré à El Financiero vendredi que grâce à Morena, «la polarisation sociale a cessé d'exister». Elle a expliqué :

Les décisions économiques les plus importantes du pays ont été prises par consensus, et c'est là une grande vertu du président, et nous allons continuer dans cette voie. Le salaire minimum n'a pas été imposé, ce sont les grandes et moyennes entreprises qui ont dit «augmentons les salaires» [...] de même pour l'inflation, le président n'a pas dit «contrôle des prix», non ; il s'est assis avec Walmart, avec Comercial Mexicana, avec Chedraui [...]

Forbes Mexico l'a reconnu. «Les conditions favorables à l'investissement, la stabilité et les garanties politiques de continuité rendent le pays attrayant. L'entente entre les chefs d'entreprise et les autorités crée la confiance dans les perspectives de développement pour 2024.»

Les DSA sont dirigés par des charlatans au service du département d'État américain, dont la principale préoccupation est les intérêts de Wall Street et les préparatifs de guerre. En août dernier, la députée Alexandria Ocasio-Cortez, des DSA, s'est rendue en Colombie, au Chili et au Brésil pour faire ouvertement avancer la politique étrangère de l'administration Biden, notamment en promouvant la guerre de l'OTAN contre la Russie en Ukraine.

Comme l'a fait remarquer le WSWS à propos de ce voyage, les DSA contribuent à satisfaire «l'impératif de l'impérialisme américain de resserrer son emprise semi-coloniale sur son “arrière-cour” en Amérique latine et de réprimer la lutte des classes dans le pays et dans la région afin d’assurer son hégémonie au niveau mondial par le biais de la guerre économique et militaire».

(Article paru en anglais le 16 avril 2024)

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