Le FMI déclare que la dette américaine crée des «risques importants» pour l’économie mondiale

Les rapports présentés par le Fonds monétaire international (FMI) lors de sa réunion annuelle de printemps à Washington cette semaine indiquent qu’une crise majeure est en train de se développer dans l’économie mondiale et le système financier, à laquelle les classes dirigeantes répondront par un assaut contre la classe ouvrière.

Cette crise sera bien plus profonde que les attaques contre l’emploi, les salaires et les conditions sociales qui ont suivi la crise financière mondiale de 2008, en raison de l’énorme augmentation de la dette depuis lors. C’est là la conséquence d’une frénésie spéculative alimentée par l’offre d’argent ultra bon marché des principales banques centrales du monde, ainsi que de l’escalade de la dette publique à des niveaux historiquement sans précédent.

La réunion annuelle du Fonds monétaire international à Washington, en octobre 2022. [AP Photo/Patrick Semansky]

La crise en train de se développer est centrée sur le cœur même de l’économie mondiale, les États-Unis, et Pierre-Olivier Gourinchas, économiste en chef du FMI, y a fait allusion mardi lorsqu’il a déclaré que la situation budgétaire des États-Unis était «particulièrement inquiétante ».

L’énorme dette américaine fait peser des risques sur le processus de désinflation «ainsi que des risques budgétaires et de stabilité à plus long terme pour l’économie mondiale. Il faudra faire des sacrifices».

L’aggravation de la situation de la dette non seulement aux États-Unis, mais aussi dans d’autres grandes économies — le FMI a cité l’Italie, le Royaume-Uni et la Chine — a été décrite plus en détail dans son rapport ‘Fiscal Monitor’ publié hier.

Ce rapport prévoit que les États-Unis enregistreront un déficit budgétaire de 7,1 pour cent du PIB l’année prochaine, soit plus de trois fois la moyenne de 2 pour cent des autres économies. En 2023, il a noté que les États-Unis avaient enregistré des «dérapages budgétaires remarquablement importants», le déficit atteignant 8,8 pour cent du PIB, contre 4,1 pour cent en 2022.

Les quatre pays cités devaient « absolument prendre des mesures pour remédier aux déséquilibres fondamentaux entre les dépenses et les recettes ». Si cela n’était pas fait, cela pourrait avoir «des effets profonds sur l’économie mondiale et poser des risques significatifs pour les projections budgétaires de base dans d’autres économies».

Le rapport indique que la politique budgétaire laxiste et le resserrement de la politique monétaire aux États-Unis ont «contribué à l’augmentation des rendements publics à long terme [taux d’intérêt plus élevés sur les obligations] et à leur volatilité accrue aux États-Unis, ce qui accroît les risques ailleurs par le biais des retombées des taux d’intérêt».

La question posée par le rapport est celle-ci: d'où viendra l’argent pour rembourser la dette?

Pas de la croissance de l’économie mondiale, car, comme l’indique le rapport sur les perspectives de l’économie mondiale, la croissance est en baisse constante depuis 2008 et les prévisions pour les cinq prochaines années indiquent qu’elle restera bien en dessous de la moyenne historique.

La politique doit être axée sur les dépenses. Comme l’indique le résumé du rapport: «Des efforts durables d’assainissement budgétaire sont nécessaires pour préserver les finances publiques et reconstituer les réserves dans un contexte de ralentissement des perspectives de croissance à moyen terme et de taux d’intérêt réels élevés».

Le contenu réel de ce langage, typique de ces rapports qui visent toujours à obscurcir plutôt qu’à révéler leur contenu social et de classe, a cependant été évoqué dans le texte du rapport.

«De nombreuses économies avancées dont les populations vieillissent devraient s’efforcer de contenir les pressions sur la santé et les pensions en reformant les droits et en prenant d’autres mesures».

Cela signifie qu’aux États-Unis, l’objectif poursuivi depuis longtemps, à savoir l’éviscération de la Sécurité sociale, sera intensifié, de même que le démantèlement des services de santé déjà affaiblis. Il en va de même dans d’autres pays.

Aux États-Unis, selon le Congressional Budget Office [Bureau du budget du Congrès américain], les paiements d’intérêts aux détenteurs de la dette publique, aux banques et à d’autres institutions financières, qui représentent une part toujours plus importante du déficit annuel, atteindront plus de 1.000 milliards de dollars au cours des deux prochaines années.

Le FMI a déclaré que le fait de retarder les efforts visant à renforcer les finances publiques – c’est-à-dire de ne pas s’attaquer aux retraites, à la santé et à d’autres services vitaux – «pourrait accroître les vulnérabilités et limiter la marge de manœuvre budgétaire pour faire face à de futures crises, ce qui pourrait conduire à des ajustements budgétaires plus douloureux et à des conséquences financières négatives».

Cela signifie que si la dette n’est pas réduite maintenant, les gouvernements du Royaume-Uni, des États-Unis et d’ailleurs risquent de ne pas avoir assez d’argent sous la main lorsqu’une nouvelle crise surviendra, comme ce sera inévitablement le cas, pour renflouer les entreprises et les institutions financières comme ils l’ont fait dans le passé.

Les gouvernements doivent également réduire la dette afin de financer des dépenses militaires qui augmentent rapidement.

Un autre élément clé de l’analyse du FMI – mais dont on a peu parlé – est la montée du crédit privé comme source de financement pour les entreprises et les établissements financiers. Le rapport sur la stabilité financière mondiale consacre un chapitre entier à ce secteur du système financier.

Il estime la taille de ce secteur à 2.000 milliards de dollars, dont la majeure partie est concentrée aux États-Unis. Or, selon une étude de JP Morgan, dont les résultats ont été publiés dans le Financial Times, il est beaucoup plus important, puisqu’il s’élève à 3.140 milliards de dollars.

L’une des raisons de cette divergence est que ce secteur est «opaque», ce qui signifie que les autorités financières ont peu de connaissances sur ses opérations.

L’analyse du FMI, tout en écartant tout problème immédiat, met en évidence un certain nombre de facteurs qui font que la situation pourrait rapidement changer.

Selon le FMI, les vulnérabilités des emprunteurs pourraient «générer des pertes importantes et inattendues en cas de ralentissement de l’activité». Ces pertes pourraient entraîner des pertes importantes pour les investisseurs, y compris les «assurances et les fonds de pension» qui ont «considérablement augmenté leurs investissements dans le crédit privé et d’autres investissements illiquides».

Un actif illiquide est un actif qui ne peut pas être facilement transformé en liquidités en cas de crise ou même de ralentissement de l’activité économique. «Sans une meilleure connaissance de la performance des crédits sous-jacents, ces entreprises et leurs régulateurs pourraient être pris au dépourvu par une réévaluation spectaculaire des risques de crédit dans toutes les catégories d’actifs.

Le FMI avertit encore de ce que les risques pour la stabilité financière peuvent également provenir des interconnexions du crédit privé avec d’autres parties du système financier dans des conditions où les «contraintes de données» ont rendu «difficile» pour les superviseurs «d’évaluer les expositions dans les divers segments du secteur financier et d’évaluer les retombées potentielles».

Ce que les différents rapports du FMI montrent clairement, c’est qu’en dépit de tous les discours sur un soi-disant «atterrissage en douceur» – une réduction de l’inflation, une croissance économique continue, bien qu’à un rythme beaucoup plus lent, et la prévention d’une récession, du moins jusqu’à présent – le système capitaliste mondial se dirige vers une crise systémique et un effondrement.

La réponse des classes dirigeantes et de leurs agences, telles que le FMI, est que les travailleurs et leurs familles, les personnes âgées, les malades et les enfants qui ont besoin d’éducation doivent payer pour cela par une attaque radicale de leur position sociale.

Cette situation objective impose à la classe ouvrière de répondre par sa propre solution systémique indépendante en luttant pour un programme révolutionnaire qui vise à la conquête du pouvoir politique, comme première étape de l’instauration d’une économie socialiste. Cela seul offre aux travailleurs une solution à la crise du système de profit qui s’aggrave chaque jour.

(Article paru en anglais le 19 avril 2024)

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