Espagne : en pleines manifestations contre le génocide, le groupe Gauche Révolutionnaire dissimule ses liens avec le gouvernement PSOE-Sumar

Aux Etats-Unis, en Europe et dans le monde entier, la classe dirigeante répond aux manifestations croissantes des étudiants contre le génocide par une répression violente. Des centaines d’étudiants sont arrêtés dans les universités américaines. En Espagne, des centaines de milliers de personnes manifestent depuis le début de la guerre, tandis qu’à Sanaa, au Yémen, plus d’un million de personnes se sont rassemblées la semaine dernière pour protester contre le génocide soutenu par les États-Unis à Gaza.

Un jeune garçon aide à porter un grand drapeau palestinien lors d'une manifestation de solidarité avec les Palestiniens lors d'une marche de protestation à Madrid, Espagne, dimanche 21 avril 2024. [AP Photo/Paul White]

Le groupe pseudo de gauche Gauche révolutionnaire (GR), l’ancien affilié espagnol de la Tendance marxiste internationale (TMI) et du Comité pour une Internationale ouvrière (CIO), tente tout à coup de prendre ses distances d’avec le gouvernement PSOE-Sumar et son principal allié au parlement, Podemos. Tous ces partis sont complices du génocide lancé par Israël contre les Palestiniens.

Pendant le gouvernement PSOE-Podemos (2020-2023), et maintenant le gouvernement PSOE-Sumar, la GR a soutenu ces partis de gouvernement capitaliste et a travaillé à bloquer l’opposition de la classe ouvrière sur leur gauche. Les deux gouvernements ont renforcé leurs relations commerciales, militaires et économiques avec le régime sioniste, en particulier dans le domaine de l’armement. Sous le gouvernement PSOE-Podemos, l’Espagne a vendu des armes à Israël pour des centaines de millions d’euros, tandis que Madrid a dépensé des millions pour acheter des armes portant la mention «testé au combat». Le gouvernement PSOE-Sumar a continué à acheter et à vendre des millions d’euros d’armes à Israël.

GR tente aujourd'hui de prendre ses distances d’avec ces partis, de cacher son soutien à des partis complices du génocide. Dans «PSOE-Sumar, le gouvernement de l’OTAN et le militarisme», GR déclare:

[N]ous ne pouvons accorder aucune confiance à un gouvernement qui a démontré ad nauseam qu’il agit dans l’intérêt des capitalistes et suit les directives des maîtres impérialistes de Washington. De même, d’autres forces politiques, telles que [Podemos], qui n’assument plus de responsabilités gouvernementales mais axent toute leur stratégie sur l’action institutionnelle, ne présentent pas d’alternative viable. Nombre des mesures agressives mentionnées ont été approuvées lorsque Podemos occupait des postes ministériels, et leur critique actuelle, dénuée de toute prise de responsabilité, ne fait qu’exacerber leur crise de crédibilité.

Le militarisme est une caractéristique organique de la social-démocratie. Historiquement, ils ont toujours approuvé la classe dirigeante, et cette tendance persiste dans leur position belliqueuse actuelle en Ukraine, leur alignement sur l'OTAN et leur complicité avec le génocide sioniste. Cette faction de gauche ne fait pas partie de la solution, mais contribue bien plutôt au problème.

GR fuit Podemos comme les rats sautent d’un navire en train de couler. Elle sait que le soutien de Podemos et de Sumar est en train de chuter à des niveaux historiquement bas. Lors des élections régionales tenues cette année en Galice et au Pays basque, Podemos n’a remporté aucun siège. Huit ans auparavant, Podemos était le parti le plus voté au Pays basque. Les sondages sont tout aussi désastreux pour les prochaines élections européennes, où Podemos devrait obtenir 2,3 pour cent des voix, contre 10 pour cent en 2019.

Sumar, une scission de Podemos qui gouverne avec le PSOE au niveau national, est également en train de s’effondrer. Il n’a obtenu aucun député en Galice et seulement un siège au Pays basque. Il obtiendrait un score de 2,9 pour cent aux élections européennes.

La crise des principaux partis «populistes de gauche» du régime bourgeois en Espagne met en lumière la propre faillite de GR. Au cours de la dernière décennie, GR a été l’un des plus grands applaudisseurs de Podemos et de sa participation à un gouvernement dirigé par le PSOE. En 2019, lorsque Podemos est entré au gouvernement, GR a écrivit que cela représentait « un événement d’importance historique qui a suscité d’énormes attentes.» Un tel gouvernement, disaient-ils, était «le résultat de la grande mobilisation de masse qui a secoué l’État espagnol ».

Malgré les politiques de droite flagrantes de Podemos — augmentation du budget militaire, la réduction des pensions et des salaires, renflouement des entreprises à hauteur de milliards d’euros et poursuite d’une politique des profits avant les vies durant une pandémie de COVID-19 qui a coûté plus de 140.000 vies — GR a continué à travailler comme une faction de fait de Podemos.

GR a jeté toutes ses forces dans le soutien au leader et fondateur de Podemos, Pablo Iglesias, lors des élections régionales de Madrid en 2021. Il a appelé à voter Podemos avec des affiches plus grandes même que celles de ce parti de la pseudo-gauche. Ils se sont vantés d’avoir accroché 11.000 affiches et distribué plus de 121.000 brochures soutenant Iglesias.

Pablo Iglesias s’exprime lors d’une session parlementaire à Madrid, Espagne, jeudi 22 octobre 2020. [AP Photo/Pablo Blazquez Dominguez]

Au cours des années suivantes, le gouvernement PSOE-Podemos a intensifié sa guerre à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Il a fourni des centaines de millions d’armes au régime ukrainien d’extrême droite dans le cadre de la guerre que l’OTAN mène contre la Russie, a massacré des réfugiés aux frontières de l’Espagne, a imposé des exigences de service minimum aux équipages aériens et a attaqué les chauffeurs routiers et les métallurgistes en grève. Dans le même temps, il a intensifié son soutien au gouvernement d’extrême droite de Netanyahou, malgré son occupation brutale de Gaza, qui a conduit au soulèvement du 7 octobre contre Israël.

Néanmoins, GR a de nouveau appelé la «gauche» à se rallier au gouvernement PSOE-Sumar après les élections de l’année dernière. En novembre 2023, le PSOE et Sumar ont formé un nouveau gouvernement de coalition, sans Podemos. Peu après, GR a publié un article intitulé «Pedro Sánchez soutient son investiture: un gouvernement de paix sociale et de collaboration avec l'impérialisme». Tout en admettant le caractère réactionnaire du gouvernement PSOE-Sumar, GR poursuit:

Malgré tout, la constitution d’un gouvernement PSOE-Sumar apparaît aux yeux d’une grande majorité de notre classe comme un million de fois préférable à un gouvernement PP-Vox. Gauche Révolutionnaire comprend parfaitement cette opinion. Bien sûr, il serait profondément erroné pour les forces de gauche ayant une représentation parlementaire de nier leur soutien critique à l’investiture de Sánchez!

Peu après, GR a salué la sortie de Podemos du gouvernement, car nombre de ses électeurs avaient rejoint les manifestations pro-palestiniennes. Le mouvement anti-guerre le plus important et le plus soutenu depuis l’époque de la guerre du Vietnam éclatait dans le monde entier, des millions de personnes participant aux manifestations. GR a déclaré: «La “Gauche révolutionnaire” se félicite de cette décision et affirme qu’elle doit marquer le début d’une véritable rupture avec les politiques sociales-démocrates de cette gauche qui est devenue un pilier essentiel de la domination capitaliste…».

Podemos a quitté le gouvernement. Mais non pas parce qu’il s’opposait au génocide à Gaza, à l’austérité ou au militarisme, qu’il a tous soutenus de 2020 à 2023. Pour montrer clairement son soutien continu au PSOE et à Sumar, la dirigeante de Podemos, Ione Belarra, a déclaré que «les forces démocratiques [Podemos, PSOE et Sumar] doivent travailler ensemble» contre l’extrême droite.

GR suit aujourd’hui exactement la même voie. Il prend ses distances d’avec Podemos, de la même manière que Podemos a pris ses distances d’avec le gouvernement PSOE-Sumar. Cependant, son objectif n’est pas de mobiliser l’opposition de la classe ouvrière au gouvernement PSOE-Sumar, mais de monter la garde sur le flanc gauche des partis de la pseudo-gauche chargés de défendre les intérêts stratégiques de l’impérialisme espagnol.

GR promeut les forces régionalistes et nationalistes qui défendent le gouvernement PSOE-Sumar au parlement. Pour les élections en Galice, il a appelé à voter pour le Bloc nationaliste galicien (BNG). Il a déclaré qu’il serait très important de renforcer l’action de rue et d’exiger dès le premier jour qu’un gouvernement BNG-PSOE tienne ses promesses. Au Pays basque, il a appelé à voter pour le parti nationaliste basque EH Bildu, affirmant : «nous ne sommes pas des abstentionnistes, et c’est pourquoi nous demandons un vote critique pour EH Bildu».

Ces deux partis ont soutenu les gouvernements PSOE-Podemos et PSOE-Sumar en augmentant les dépenses militaires à des niveaux records et en transformant l’Espagne en fer de lance de l’OTAN contre la Russie en Ukraine.

GR justifie son soutien à ces partis par l’idée que «les communistes révolutionnaires, les léninistes, n’ont jamais défendu l’abstentionnisme» lors d’élections. Il s’agit d’une mascarade éhontée et misérable. GR n’a jamais été une organisation marxiste. Cette organisation trouve ses racines dans un groupe britannique dirigé par Ted Grant qui a rompu avec le trotskysme et s’est séparé de la Quatrième Internationale à la fin des années 1940.

Le groupe Grant est ensuite devenu l’un des plus fervents promoteurs du pablisme, que le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) a été créé pour combattre en 1953. S’adaptant à l’ordre social de l’après-Seconde Guerre mondiale, les pablistes excluent la classe ouvrière en tant que force révolutionnaire indépendante. Selon eux, la bureaucratie stalinienne, les mouvements nationalistes bourgeois des pays coloniaux et les bureaucraties syndicales et sociales-démocrates se transformeraient en organisations révolutionnaires sous la pression des masses.

Grant et ses partisans ont fait de l’«entrisme» une orientation stratégique permanente. Leur objectif n’est pas d’éduquer politiquement les travailleurs en luttant contre les bureaucraties pro-capitalistes, mais de maintenir les travailleurs radicalisés dans les limites des Partis sociaux-démocrates et des bureaucraties syndicales.

En Espagne, GR a exigé que les travailleurs et les jeunes se subordonnent au PSOE dans les années 1980, puis à la Gauche unie dirigée par les staliniens et enfin à Podemos depuis 2014. Aujourd’hui, face à l’effondrement croissant de Podemos, GR cherche de nouveaux outils pour soutenir le gouvernement discrédité du PSOE et de Sumar.

Mobiliser la classe ouvrière pour stopper le génocide nécessite de rompre avec la perspective nationaliste des groupes de la pseudo-gauche qui subordonnent les travailleurs à l’État capitaliste espagnol. Seul un mouvement international et indépendant de la classe ouvrière peut mettre un terme aux livraisons d'armes à Israël, arrêter la répression des manifestations et mettre fin aux guerres. La base politique d’un tel mouvement est la lutte du Comité international de la Quatrième Internationale pour démasquer les tendances pseudo de gauche comme GR et construire des sections du CIQI en Espagne et à l’international en tant que direction révolutionnaire de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 30 avril 2024)

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