Témoignage de dénonciation du harcèlement chez Postes Canada

Quelque 50.000 postiers de Postes Canada sont actuellement sans contrat de travail. Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) empêche les 42.000 membres de l’unité de négociation de l’Exploitation postale urbaine (EPU) et 8.000 factrices et facteurs ruraux et suburbain (FFRS) de lutter sérieusement contre les concessions draconiennes exigées par Postes Canada. Bien que les deux conventions sont échues depuis plus de trois mois, le STTP n’a toujours pas annoncé la tenue d’un scrutin de grève, et encore moins fixé la moindre date de grève.

Employé de Postes Canada se rendant à son camion à Richmond, en Colombie-Britannique [AP Photo/Ted S. Warren]

Le World Socialist Web Site reçoit de nombreux messages de la part de postiers en colère, déterminés à lutter contre la politique de gestion pour le profit de Postes Canada. Dans plusieurs discussions, ils décrivent des conditions de travail très difficiles, notamment avec des charges de travail insupportables, du harcèlement sur les lieux de travail, et des bas salaires et avantages sociaux. Les commentaires suivants extraits d’une discussion avec une travailleuse des postes en Ontario abordent un bon nombre de ces points. Nous appelons les travailleurs des postes à s’exprimer quant à leurs conditions de travail et à joindre notre lutte pour organiser un comité de base indépendant de la bureaucratie du STTP en remplissant le formulaire au bas de cet article ou en nous contactant.

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Harcèlement de la direction

Lorsque j’ai été transférée au dépôt de Pembroke, il y avait un conflit d’intérêts en cours. Un superviseur entretenait une relation intime avec une subordonnée, ce qui est une violation du code de conduite en milieu de travail. La subordonnée dans cette relation avait également un comportement inapproprié, surveillant tout le monde et rendant des comptes à son supérieur et petit ami. Quand la COVID a frappé et que les facteurs ont été mis en lock-out, elle s’est mise à surveiller qui était sur les piquets de grève à l’extérieur et qui entravait le travail au dépôt, prenant des notes sur tout [...] ainsi que le nom des travailleurs partant avant 9 h 15.

Lorsque j’ai soulevé la question de cette situation problématique qui avait également été soulevée par nombre de mes collègues, j’ai été prise à partie. Ainsi, lorsque j’ai évoqué certains faits et l’existence de ce conflit d’intérêts auprès d’un représentant syndical, la SCP [Société canadienne des postes] a allégué que j’empêchais une factrice de faire son travail, alors que c’était elle qui empêchait tout le monde de faire le sien. Tout le monde s’est retrouvé visé à un moment donné.

Même le chef des postes affecté à cet immeuble fait preuve de népotisme en engageant des gens de sa famille lorsque vient le temps d’y effectuer des réparations. J’ai même pris une photo où on voit son nom de famille sur le panneau de l’entreprise de construction chargée des travaux. Je comprends pourquoi il est du côté du superviseur, mais bon, c’est pas correct: il protège des intérêts personnels.

J’ai donc été convoquée au bureau de la direction pour une deuxième fois. Normalement, dans tel cas, on reçoit un avis d’enquête ou d’interrogation au moins 24 heures à l’avance sous forme de lettre vous informant que vous allez être questionnée. Mais je n’ai jamais reçu de lettre. On m’a pratiquement traînée dans le bureau avec le chef en question faisant preuve de népotisme, en même temps que mon superviseur et des représentants syndicaux que je n’ai pas choisis mais qui m’ont été attribués. Je n’ai même pas eu l’occasion de regarder mon dossier de travail. La première fois que je suis allée dans le bureau, j’avais demandé à voir mon dossier de travail et il était sans reproche.

On m’a donc fait entrer dans le bureau et on m’a dit: «Nous pensons que vous essayez d’empêcher une factrice de faire son travail, et nous avons également vent de comportements étranges. Mais plutôt que de mener une enquête, nous préférons que vous alliez voir votre médecin de famille et que vous obteniez une déclaration comme quoi vous êtes bien apte à travailler.»

Une deuxième fausse allégation à mon propos est que quelqu’un m’a vue sur le bord de l’autoroute au milieu de nulle part et s’inquiétait de mon bien-être. Or, j’étais en train de ramasser des canettes sur le bord de l’autoroute après les heures de travail pour collecter des fonds pour l’organisme caritatif MADD (Mothers Against Drunk Drivers – Les mères contre l’alcool au volant). Le journal Pembroke Observer a d’ailleurs publié un article sur cette campagne. Une troisième allégation porte sur le fait que j’ai parlé de liens spirituels avec les oiseaux. J’ai en effet un pigeon comme animal de compagnie, et il a pondu un œuf le jour de l’anniversaire de mon fils qui est décédé. Pour moi, cela m’apparait spirituel. C’est quoi leur problème avec cela? Si ça met les gens mal à l’aise, ils ont juste à ne pas m’écouter.

J’ai deux déclarations écrites de soutien de mes collègues de Pembroke, témoignant du fait que je suis une bonne employée et que je n’ai jamais empêché quiconque de faire son travail.

Obligation de suivre un traitement médical

Maintenant, rappelez-vous. Tout ceci se passe en pleine COVID et je suis à Pembroke. Il n’y a aucune clinique sans rendez-vous d’ouverte, donc je ne peux pas voir de médecin puisque je n’ai pas de médecin de famille. La Société des Postes a donc retenu les services d’un psychiatre pour discuter avec moi et j’ai donc eu un premier rendez-vous chez le psychiatre.

J’ai demandé au représentant syndical régional d’Ottawa de venir à Pembroke. Il était d’accord, comprenant bien qu’il y avait un conflit d’intérêts dans ce bureau et beaucoup de toxicité. Il m’a donc accompagné lors de ce rendez-vous pour témoigner du fait qu’il y avait bel et bien un problème dans ce bureau et que je n’inventais rien. Eh bien, le psychiatre nous a tout simplement fait taire et m’a forcé à prendre des «médicaments avant traitement», comme ils disent.

Il a évalué que je souffrais de psychose et m’a prescrit de l’olanzapine [un médicament antipsychotique]. Et évidemment, ce médicament m’a rendue malade et dépressive. J’avais beaucoup d’effets secondaires. À un moment donné, je me suis même sentie suicidaire parce que je pensais que je ne devrais pas prendre ce médicament. Tout ce que j’avais fait, c’était de soulever un problème que tout le monde avait aussi mentionné au dépôt.

Mais ils ont décidé de me faire taire avec des médicaments antipsychotiques. Mon représentant syndical, Doug Thomas, a dit lors de la réunion qu’il y avait un problème au bureau de Pembroke. Mais le médecin a dit qu’il n’y en avait pas. Ils m’ont pratiquement dit que le problème était dans ma tête et que je devais retourner au travail.

Le psychiatre a fondé son opinion sur un rapport de l’ancien dépôt où j’avais travaillé et où j’avais été victime d’hostilités de la part de certains de mes collègues. Je venais d’arriver dans ce bureau et je m’étais ouverte aux mauvaises personnes parce que je suis une personne amicale, pétillante et très ouverte sur ma vie [...] J’ai aussi vécu beaucoup de choses dans ce bureau. On m’a dit d’aller voir un médecin.

On m’a envoyée voir une autre psychiatre qui m’a dit que tout était dans ma tête, mais elle n’écoutait pas vraiment ce que je disais. J’ai suivi leur traitement qui consistait à voir une thérapeute qui m’a fait suivre une thérapie cognitivo-comportementale, et même elle croyait que ce n’était pas dans ma tête. Mais elle devait travailler sur la base de ce que la psychiatre retenue par la SCP avait dit.

Par la suite à Pembroke, le psychiatre là bas n’a même pas procédé à une évaluation, se contentant plutôt de se baser sur les propos de son collègue. Or, Doug Thomas, sachant ce qui m’était arrivé à North Bay, est venu avec moi au rendez-vous avec le psychiatre pour réaffirmer une fois de plus qu’il y avait beaucoup de toxicité dans ce bureau. Mais ils ont refusé d’écouter en disant que la psychose est une chose difficile à diagnostiquer et que si je ne prenais pas mes médicaments, ils devraient m’imposer une injection.

J’ai l’impression que nous avions l’un des syndicats les plus forts, mais qu’aujourd’hui, le syndicat est dans le même lit que la direction. C’est effrayant! Et on n’a aucune représentation. Une de mes collègues de Pembroke a écrit pour moi une lettre de recommandation en appui de mon grief, disant que j’étais l’une des personnes les plus positives qu’elle ait jamais rencontrées:

Au moment de son arrivée, le service de Pembroke était en train de gérer un conflit d’intérêts important, qui tournait autour d’une relation intime entre une factrice et un superviseur. Bien que de nombreuses personnes aient exprimé leurs inquiétudes à ce sujet, [elle] est rapidement devenue la cible de l’hostilité, tant de la part de la factrice que de la direction. Bien qu’[elle] ait été confrontée à un comportement peu professionnel et inamical de la part des personnes impliquées dans ce conflit d’intérêts, [elle] a toujours gardé le sourire et s’est toujours efforcée de ne jamais laisser transparaître le stress de la situation. [Elle] est une travailleuse acharnée, fière de bien faire son travail et d’aider ses clients du mieux qu’elle peut. Son excellente attitude montre qu’elle aime son travail. Elle est compatissante et a un très grand cœur. J’étais triste de la voir quitter Pembroke, mais je comprends tout à fait pourquoi elle ne voulait pas rester.

J’ai été mutée de Pembroke parce qu’après avoir repris le travail, je me sentais extrêmement mal à l’aise de travailler là à cause du conflit d’intérêts et de ce qui m’était arrivé. J’ai donc fait en sorte de demander une mutation.

Livraisons Médiaposte

Il y a quelques années, nous avons perdu l’un de nos journaux locaux, le Northern Lights, qui contenait de nombreux prospectus publicitaires. Maintenant, ces prospectus se retrouvent tous dans un sac en plastique que nous livrons. Nous sommes payés 1,5 cent par sac de prospectus, chacun contenant quatre ou cinq prospectus. Mais il y a aussi des prospectus en vrac que nous devons livrer avec les prospectus en sac, et qui sont aussi livrés pour 1,5 cent chacun.

En tant que facteurs, nous nous faisons donc arnaquer. Nous sommes surchargés. Et tout ce que fait la Société des Postes, c’est de dire qu’elle va installer davantage de boîtes grises [boîtes situées au coin des rues où les facteurs chargent leurs sacs de courrier] pour faire face à cette surcharge de poids. Désolé, mais c’est injuste.

Tout le monde vit des conditions de travail épouvantables et j’ai beaucoup de sympathie pour les infirmières.

Je vois des gens qui s’en tirent à bon compte et d’autres qui luttent et essaient de faire leur travail, mais ils sont constamment maltraités et cela a un impact sur leur santé mentale.

Les travailleurs doivent s’opposer à la guerre

Je n’accepte pas la guerre. Pourquoi devrions-nous payer pour cela? Je vis à Sudbury. Je ne sais pas si vous connaissez l’histoire de Sudbury, mais lors de la Première Guerre mondiale, de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée, nos mines ont été utilisées pour produire des balles et des obus pour tous les camps. Le fait est que les mineurs de différents pays travaillent tous sous terre et se battent les uns contre les autres. Je ne suis donc vraiment pas d’accord avec la guerre.

Il y a une chose que j’aimerais voir changer en politique: nous devrions pouvoir choisir où va notre argent avec nos impôts. Nous savons que notre salaire est taxé, mais je ne soutiens pas la guerre. Pourquoi devrais-je être taxée et donner de l’argent pour cela? Si je veux consacrer mon argent à l’éducation ou aux soins de santé, je devrais pouvoir y attribuer un certain pourcentage de mes impôts. Ce devrait être au peuple de pouvoir décider où vont nos impôts, et non pas au gouvernement.

(Article paru en anglais le 21 mai 2024)

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