Les partis néerlandais parviennent à un accord pour le gouvernement le plus à droite depuis 1945

Six mois après les élections législatives néerlandaises, trois partis d'extrême droite – le Parti de la Liberté (PVV) de Geert Wilders, le Nouveau Contrat Social (NSC) de Pieter Omtzigt et le Mouvement des Citoyens Paysans (BBB) de Caroline van der Plas – ainsi que les libéraux (Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) du Premier ministre sortant Mark Rutte, se sont mis d'accord sur un nouveau gouvernement de coalition. Ce sera le gouvernement néerlandais le plus à droite depuis la Seconde Guerre mondiale.

Geert Wilders à la conférence d'extrême-droite CPAC Hongrie, à Budapest [Photo by Elekes Andor / wikimedia / CC BY 4.0]

Wilders et les dirigeants des trois autres partis ne feront pas eux-mêmes partie du gouvernement. La décision pour déterminer le chef du gouvernement et la répartition des postes ministériels devrait être définitivement prise d'ici la mi-juin. Cependant, même s’il n’assume pas personnellement un poste ministériel, Wilders sera l’homme fort du nouveau gouvernement. Avec 37 députés sur un total de 88, son PVV est le plus important parti de l'alliance gouvernementale, et Wilders, le seul membre officiel du PVV, peut déterminer librement sa politique et son personnel.

Wilders est l’une des figures d’extrême droite les plus connues et les plus ignobles d’Europe. Il est connu pour son islamophobie et entretient des liens étroits avec les cercles néo-fascistes dans son pays et à l’étranger. En 2015, il a participé à une manifestation à Dresde, en Allemagne de l’Est, convoquée par le mouvement xénophobe Pegida. Il y a quatre semaines, il a participé à une conférence à Budapest avec 3 000 figures d'extrême droite du monde entier.

L’accord de coalition de 26 pages intitulé «Espoir, courage, fierté» est une déclaration de guerre à la classe ouvrière et à toutes les formes d’opposition sociale et de gauche. L’accord a deux objectifs centraux: l’introduction de «la loi sur l’asile la plus dure jamais vue» et l’établissement d’un État policier. Le document porte clairement la signature de Wilders.

En politique étrangère et de sécurité, en revanche, la bourgeoisie néerlandaise a exigé des garanties que le nouveau gouvernement ne s’écarterait pas du cap actuel de l’OTAN et de l’UE. L’accord de la coalition s’engage pleinement à soutenir l’Union européenne et l’Ukraine dans la guerre contre la Russie. Wilders avait précédemment mis en question ces deux engagements. Cependant, en ce qui concerne Gaza, l’islamophobe Wilders a toujours été l’un des partisans les plus véhéments du génocide israélien.

Un message sans équivoque

Le message affiché du programme gouvernemental est sans équivoque. Face aux tensions sociales croissantes et aux protestations véhémentes contre le génocide des Palestiniens, la classe dirigeante fait entrer l’extrême droite au gouvernement pour intimider et réprimer toute opposition.

Ayant déjà réprimé brutalement les manifestations contre le génocide ces dernières semaines, la bourgeoisie néerlandaise considère que Wilders, qui a qualifié les opposants à la guerre et au génocide d'antisémites, est le mieux qualifié pour réprimer les manifestations de main de fer.

Le renforcement de la législation en matière d'asile répond au même objectif. Les demandeurs d’asile et les migrants deviennent les boucs émissaires de la crise sociale et sont privés de leurs droits. C’est ainsi que se prépare le démantèlement de tous les droits démocratiques et sociaux de la classe ouvrière.

Le document de la coalition promet d’introduire «le régime d’admission en matière d’asile le plus strict et le programme de contrôle de la migration le plus complet jamais conçu». Il tient responsable les réfugiés et immigrants de tous les problèmes sociaux. Les Pays-Bas sont «l’un des pays les plus densément peuplés d’Europe», dans lequel l’augmentation significative de la migration «a eu un impact majeur sur le logement, la santé, l’éducation, les finances et la cohésion sociale de notre pays», affirme le document.

Il propose ensuite des mesures pour réduire drastiquement toutes les formes de migration. Les procédures d’admission doivent être renforcées, les contrôles aux frontières intensifiés et les règles européennes existantes ignorées afin de rendre les Pays-Bas «moins attractifs pour les demandeurs d’asile». Le regroupement familial automatique doit être interrompu indéfiniment et le regroupement familial doit être considérablement restreint. Les procédures d'asile doivent être simplifiées, les permis d'asile à durée indéterminée abolis, l'accès à l'assistance juridique restreint et les procédures abrégées. Les «déportations» de migrants doivent être intensifiées et ceux qui ne coopèrent pas doivent être sévèrement punis. L’admission de travailleurs migrants et d’étudiants en provenance de pays tiers doit être considérablement réduite. L'accord s’étend ainsi sur des pages.

Alors que certains membres de la nouvelle coalition gouvernementale ont tenté d'exploiter pendant la campagne électorale le mécontentement face à la crise aiguë du logement, aux faibles retraites, aux soins de santé inadéquats et à l'éducation publique chroniquement sous-financée, pratiquement aucune de ces questions ne figure dans le programme de la coalition. Et lorsqu'elles surviennent, par exemple dans le cas d'une promesse de réduction des cotisations d'assurance maladie et des frais de crèche, elles restent de vaines promesses pour lesquelles il n'y a pas de financement.

Il est important de noter que le salaire minimum officiel restera inchangé malgré l’inflation et la hausse du coût de la vie. La durée des allocations de chômage doit être réduite de 24 à 18 mois.

Le deuxième thème dominant de l’accord de coalition est la militarisation de la société et l’armement de l’appareil de sécurité de l’État. Sur les 10 chapitres au total, l’un est intitulé « Bonne gouvernance et État de droit fort» et un autre «Sécurité nationale». On envisage une augmentation massive des forces de police ainsi que des ressources et des pouvoirs étendus pour établir un État policier.

«Notre État constitutionnel démocratique est menacé par le terrorisme islamique et directement miné par le crime organisé», peut-on lire dans un des articles. «Notre sécurité est soumise à la pression de la polarisation sociale et du mécontentement. La sécurité et une société résiliente sont des priorités absolues. Cela nécessite une action ferme contre quiconque menace la liberté et la sécurité. Pour une politique de sécurité efficace, la prévention et la répression sont les deux faces d’une même médaille.»

S'ensuit une longue liste de mesures répressives et de nouveaux pouvoirs pour les services de sécurité, leur laissant libre cours pour la répression et les provocations. Ces mesures comprennent «une détention plus sévère sur le modèle italien», «l’élargissement du travail sous pseudonyme pour la police, les procureurs et les juges d’instruction», ainsi qu’«une présence visible accrue et davantage de commissariats de police dans les quartiers, les communautés et les régions».

Les pouvoirs de la police et des services de renseignement en matière d'espionnage des communications numériques doivent être considérablement étendus. Le délit pénal d'appartenance à une organisation terroriste doit être élargi et les sanctions alourdies. En prévision d’une radicalisation plus large des jeunes, le document indique que «la justice pour mineurs des 14-16 ans sera renforcée, notamment en augmentant les peines maximales».

Face au mécontentement social croissant et aux récentes manifestations étudiantes, la coalition envisage de restreindre massivement le droit de manifester. Une distinction plus nette doit être faite «entre les manifestations (pacifiques) et les actions perturbatrices». Il poursuit en ces termes: «Les troubles à l'ordre public, les menaces contre autrui et la violence publique ne seront pas tolérés. Le ministère public, les autorités locales et la police nationale sont appelés à intervenir de manière décisive lorsque des manifestants outrepassent les limites de la loi.»

Le « pare-feu » européen contre la droite disparaît

L'entrée du PVV de Wilders au gouvernement néerlandais met à nu tous les discours sur un «pare-feu» ou un «cordon sanitaire» européen contre l'extrême droite pour ce qu'ils sont réellement: une fraude, une tentative de tromper la population et saboter toute lutte sérieuse contre le fascisme. Un pare-feu de ce type n’a jamais existé et est désormais officiellement supprimé.

La décision d'intégrer le PVV au gouvernement a été prise au plus haut niveau politique. Sans l'approbation de Mark Rutte, l'accord de coalition n'aurait pas été possible.

Rutte a non seulement de nombreuses relations aux Pays-Bas, qu'il gouverne depuis 14 ans, mais aussi au sein de l'Union européenne et de l'OTAN. Il est l'une des figures de proue du Conseil européen, l'instance des chefs d'État et de gouvernement de l'UE, et est considéré comme le candidat le plus probable pour succéder à Jens Stoltenberg au poste de secrétaire général de l'OTAN. Son parti, le VVD, est membre du groupe libéral Renew Europe, qui comprend également le Renaissance du président français Emmanuel Macron et le Parti libéral-démocrate (FDP) du ministre allemand des Finances Christian Lindner.

L’alliance entre Rutte et Wilders confirme l’avertissement lancé depuis longtemps par le WSWS: l’extrême droite est délibérément développée par la classe dirigeante pour intimider et réprimer la lutte des classes et toute résistance à sa politique de guerre. L’extrême droite n’est pas un corps étranger dans un organisme par ailleurs sain, mais bien plutôt l’expression et le résultat du virage à droite de l’ensemble de la classe dirigeante.

Ce développement est bien avancé dans toute l’Europe. L'UE se prépare à donner à l'extrême droite un rôle politique important après les élections européennes de juin. Fin avril, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait déjà exprimé sa volonté d'être réélue pour un second mandat avec les voix de l'extrême droite. Le chef du groupe conservateur PPE au Parlement européen, Manfred Weber, s'efforce depuis longtemps de travailler plus étroitement avec l'extrême droite.

En Allemagne également, les cercles dirigeants se préparent à inclure l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), parti frère du PVV, dans les gouvernements des Länder après les élections prévues en Saxe, en Thuringe et dans le Brandebourg en septembre. Un commentaire du Frankfurter Allgemeine Zeitung ne laisse aucun doute à ce sujet. Le journal décrit l’intégration de Wilders et de son PVV au gouvernement comme «la seule conclusion logique des résultats électoraux de ces dernières années» et affirme: «Les pare-feu n’ont pas aidé, bien au contraire.»

Le FAZ tente de rassurer ses lecteurs en leur assurant «que la participation au pouvoir a un effet civilisateur», mais c'est le contraire qui se produit. Dimanche, le parti espagnol Vox, qui s'inscrit dans la tradition du dictateur fasciste Franco, a rassemblé 10 000 partisans dans les arènes de Madrid. Marine Le Pen (France), Giorgia Meloni (Italie), Viktor Orbán (Hongrie), Mateusz Morawiecki (Pologne) et d'autres représentants de partis d'extrême droite en Europe se sont adressés au rassemblement directement ou par vidéo.

L'invité vedette était le président argentin Javier Milei, qui a déclenché une tempête d'enthousiasme avec une tirade fasciste. «Le socialisme est le cancer de l’humanité», a-t-il déclaré. «Le socialisme est l'ennemi. Ne laissons pas le côté obscur, noir, satanique, dégoûtant, atroce et cancérigène – qui est le socialisme – nous vaincre ».

La principale responsabilité de la montée de la droite incombe aux partis nominalement de gauche. Les sociaux-démocrates, les Verts mais aussi les syndicats soutiennent les guerres à Gaza et en Ukraine, interdisent l’accès à l'Europe aux réfugiés et organisent le démantèlement des emplois, des prestations sociales et des salaires. Leurs politiques ne sont pas fondamentalement différentes de celles de l’extrême droite. Cela s'applique également au Parti de gauche en Allemagne et à d'autres organisations de la pseudo-gauche. Ceux-ci facilitent les efforts de l’extrême droite de canaliser une partie de cette frustration sociale à l’égard de la politique officielle vers un soutien à sa politique totalement réactionnaire.

La lutte contre l’extrême droite nécessite une perspective politique claire. Elle ne peut réussir que si elle est dirigée contre tous les partis qui défendent l’ordre capitaliste. Les grèves contre les réductions de salaires et les coupes sociales et les manifestations contre le génocide israélien doivent être unies dans un mouvement puissant contre le capitalisme dans la lutte pour une société socialiste. C’est cela qui fera échouer les fascistes. C'est la perspective du Sozialistische Gleichheitspartei aux élections européennes.

(Article paru en anglais le 22 mai 2024)

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