Un navire de guerre canadien navigue dans le détroit de Taïwan dans un geste de provocation à l’égard de la Chine

Un navire de guerre canadien a navigué dans le détroit de Taïwan mercredi dans le cadre d’une provocation militaire à l’encontre du gouvernement chinois, menée en étroite coordination avec l’administration Biden aux États-Unis.

Le NCSM Montréal en 2011 [Photo by US Mission Canada / CC BY 2.0]

La Chine a dénoncé cette incursion par l’entremise de son porte-parole de l’Armée populaire de libération, Li Xi, qui a qualifié le geste du Canada comme «du harcèlement perturbant la situation et portant atteinte à la paix et à la stabilité dans le détroit de Taïwan».

Le NCSM Montréal a emprunté le détroit de 180 kilomètres de large qui sépare l’île de Taïwan de la Chine continentale, un geste qualifié par le ministre de la Défense Bill Blair comme l’expression de l’engagement du Canada en faveur d’une région indo-pacifique «libre, ouverte et inclusive».

«Tel que mentionné dans la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, le Canada renforce la présence de la Marine royale canadienne dans la région indo-pacifique», a déclaré Blair par voie de communiqué. Le gouvernement libéral du Canada, dirigé par Justin Trudeau et soutenu par les syndicats et le Nouveau Parti démocratique (NPD), a annoncé des dépenses supplémentaires de 2,3 milliards de dollars en 2022 pour renforcer la présence militaire du Canada dans la région indo-pacifique.

Ce geste de provocation dans le détroit de Taïwan survient peu après une visite à Beijing de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, la première en sept ans du plus haut diplomate canadien en Chine. Les relations diplomatiques entre le Canada et la Chine se sont détériorées après que le Canada, agissant à la demande de Washington, ait arrêté Meng Wanzhou, la directrice financière de l’entreprise technologique chinoise Huawei, en décembre 2018 alors qu’elle prenait un vol de correspondance à Vancouver. Le gouvernement Trudeau a fait pression pour extrader Meng vers les États-Unis sur la base d’accusations forgées de toutes pièces et politiquement motivées d’avoir aidé à contourner les sanctions économiques brutales imposées par Washington à l’Iran, avant de lui permettre de retourner en Chine près de trois ans plus tard, après que les États-Unis et le Canada se soient inclinés et fait un compromis diplomatique avec la Chine.

Les tensions entre Ottawa et Beijing au sujet de l’affaire Meng ont été délibérément attisées par l’establishment politique et les médias canadiens dans le but d’alimenter l’animosité à l’égard de la Chine et d’intégrer encore plus profondément le Canada dans l’offensive militaro-stratégique américaine contre la Chine.

Depuis un an et demi, la campagne anti-Chine des élites canadiennes s’est massivement intensifiée, avec leurs agences de sécurité et de renseignement affirmant à grands cris et sans fondement l’ingérence de Beijing dans les élections fédérales de 2019 et de 2021 et que la Chine constitue la «plus grande menace» pour la démocratie canadienne. Ces affirmations ont été rapidement adoptées par le gouvernement et tous les partis d’opposition et ont servi de justification à l’adoption à l’unanimité d’une loi en juin, créant une nouvelle catégorie de crimes dits d’«ingérence étrangère» et accordant au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) de nouveaux pouvoirs considérables.

«Alors que le monde est confronté à des questions de plus en plus complexes et interdépendantes, le Canada s'engage à collaborer de manière pragmatique avec un large éventail de pays afin de promouvoir ses intérêts nationaux et de défendre ses valeurs», a déclaré Joly dans un communiqué relatif à sa rencontre du 19 juillet avec le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi. «Tel que décrit dans la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, nous devons maintenir des voies de communication ouvertes et utiliser la diplomatie pour contester où nous le devrions, tout en cherchant à coopérer sur les questions qui importent le plus aux canadiens.»

La poursuite pragmatique d’accords commerciaux avec Beijing au nom du capital canadien par Joly est dénoncée par les sections les plus belliqueuses des médias corporatistes comme un geste d’apaisement empreint de lâcheté et découlant d’une confusion stratégique.

Dans les faits, le gouvernement Trudeau est pleinement engagé dans la guerre menée par les États-Unis contre la Chine, tout comme il est un acteur majeur dans la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie et qu’il soutient pleinement l’assaut génocidaire d’Israël contre la bande de Gaza.

Après sa visite à Beijing, Joly s’est rendue à Séoul, puis à Tokyo, afin de poursuivre l’expansion des liens de sécurité et de défense du Canada avec les alliés conventionnels de Washington en Asie du Nord-Est. Dans une interview accordée au Nikkei, le principal journal financier japonais, Joly déclare que le Canada souhaite être aussi proche du Japon qu’il l’est de ses principaux partenaires de l’OTAN, tels que le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. Le Japon, ajoute-t-elle, est un élément «essentiel» dans la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique orientée contre la Chine.

Des navires de guerre de la US Navy et des avions espions américains empruntent et survolent régulièrement le détroit de Taïwan, et de plus en plus souvent en compagnie de navires de guerre canadiens. Dans le cadre de l’Opération Horizon des Forces armées canadiennes, l’impérialisme canadien est en train d’établir son propre point d’ancrage indépendant et d’accroître sa présence militaire dans la région de l’Indo-Pacifique. «Le Canada est une nation du Pacifique – et la sécurité indo-pacifique est cruciale pour nos intérêts nationaux», déclarait Blair dans un communiqué publié sur X/Twitter alors que le Montréal empruntait le détroit.

Le ministère de la Défense nationale du Canada décrit l’Opération Horizon comme une «mission de présence avancée du Canada dans la région pour favoriser la paix, la stabilité et l’ordre international fondé sur des règles».

La mission du Montréal dans la région sera suivie par le déploiement de deux autres frégates, les NCSM Vancouver et Ottawa, qui, tout comme le Montréal, sont armées de torpilles, de missiles et de canons. Le Vancouver a d’abord été déployé pour participer à RIMPAC 2024, un exercice bisannuel de guerre maritime organisé par les États-Unis dans le Pacifique autour d’Hawaï, qui s’est déroulé du 27 juin au 1er août.

Après avoir quitté Halifax, en Nouvelle-Écosse, en avril, le Montréal a fait escale en Corée du Sud pour ensuite mener des opérations bilatérales avec l’USS Ralph Johnson de la US Navy en mer de Chine orientale, bordant Taïwan, la Chine, la Corée du Sud et le Japon. En juin et juillet, le navire s’est joint à des navires des États-Unis et d’autres puissances impérialistes pour faire respecter les sanctions contre la Corée du Nord. Dans le cadre de l’Opération Neon, les Forces armées canadiennes déploient des navires de guerre et des avions de surveillance CP-140 Aurora dans la région pour faire respecter le blocus commercial imposé à la Corée du Nord. Le Canada a participé en tant que belligérant à la guerre de Corée de 1950 à 1953, qui n’a jamais pris fin légalement (seul un armistice ayant été signé).

La vaste région indo-pacifique qui englobe les pays riverains de l’océan Indien, de la mer de Chine méridionale, de la mer des Philippines et de l’océan Pacifique, est transformée en poudrière par les États-Unis et leurs alliés impérialistes qui poursuivent leurs intérêts géostratégiques prédateurs à l’encontre de la Chine. Le décor a été planté pour la Troisième Guerre mondiale par les trois administrations américaines, depuis le pivot d’Obama vers l’Asie, puis les mesures de guerre commerciale de Trump, et enfin la campagne élargie de Biden pour contrecarrer l’essor économique de la Chine, ainsi que l’établissement d’un pacte militaire, l’AUKUS, avec l’Australie et le Royaume-Uni.

Le pacte de l’AUKUS, auquel le Canada cherche maintenant activement à adhérer, vise à transformer l’Australie en un État de première ligne dans toute guerre avec la Chine et à développer et perfectionner de nouveaux systèmes d’armes pour mener une telle guerre, y compris des sous-marins à propulsion nucléaire.

Le Canada ne se contente pas d’accroître simplement sa présence dans la région indo-pacifique pour contrer la Chine. Le conflit «stratégique» ou «de grande puissance» avec la Chine et la Russie dans l’Arctique est également à l’origine d’un investissement massif de 40 milliards de dollars du gouvernement canadien dans la modernisation du NORAD, le commandement conjoint de la défense aérospatiale et maritime réunissant les États-Unis et le Canada.

Le mois dernier, le NCSM Regina a suivi à distance un brise-glace arctique chinois empruntant le détroit de Béring entre la Russie et l’État américain de l’Alaska. Selon le Globe and Mail, Frédérica Dupuis, porte-parole du ministère de la Défense nationale, a déclaré que cette opération s’inscrivait dans le cadre d’une «mission de connaissance accrue et de souveraineté dans l’Arctique». Dupuis a averti que d’autres pays «explorent les eaux arctiques et les fonds marins, sondent nos infrastructures et recueillent des renseignements».

Dans la dernière semaine de juillet, une patrouille interarmées de bombardiers chinois et russes a pénétré dans la zone d’identification de la défense aérienne de l’Alaska, une vaste étendue qui s’étend sur des centaines de kilomètres dans la mer de Béring, déclenchant du coup des opérations du NORAD. Bien qu’ils n’aient pas pénétré dans l’espace aérien canadien ou américain, les bombardiers ont été interceptés par des F-16 et des F-35 américains, ainsi que par des chasseurs CF-18 canadiens. Les États-Unis et la Russie ne sont séparés que par 80 kilomètres d’étendues océaniques au point le plus proche dans l’Arctique.

«Nous constatons une augmentation de l’activité russe dans nos approches aériennes, ainsi qu’un nombre croissant de navires de recherche et de plates-formes de surveillance chinoises à double usage qui recueillent des données sur le Nord canadien, données qui, en vertu de la loi chinoise, sont mises à la disposition de l’armée chinoise», a déclaré Dupuis.

L’expansion de l’empreinte militaire du Canada dans la région indo-pacifique est un élément clé de la mise à jour de la politique de défense publiée par le gouvernement Trudeau en avril. Comme le rapportait alors le WSWS, le document avance que le Canada doit se préparer à faire la guerre sur tous les continents, dans tous les océans, dans le cyberespace et dans l’espace extra-atmosphérique, déclarant qu’en tant que «pays de l'Atlantique et du Pacifique qui partage un continent avec les États-Unis, le Canada se trouve au centre géographique» de la «concurrence stratégique [...] centrée sur les régions euro-atlantique et indo-pacifique» qui «définira» l'«avenir» du monde.

Le Canada a déversé des milliards de dollars en aide et en instruction militaire pour alimenter la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, renforçant les forces fascistes comme fer de lance de l’offensive impérialiste par procuration menée contre Moscou. Pour se préparer à un conflit direct avec la Russie et la Chine, Trudeau s’est engagé à ce que le Canada augmente ses dépenses militaires à 2% du PIB, soit environ 60 milliards de dollars par année d’ici 2032. Un tel engagement va nécessiter un assaut spectaculaire sur le niveau de vie des travailleurs et des compressions massives dans les programmes sociaux et les services au public.

(Article paru en anglais le 2 août 2024)

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