Depuis un certain temps, les États-Unis sont considérés comme une « économie exceptionnelle » où la croissance reste relativement forte. En revanche, dans d'autres grandes économies comme l'Union européenne et le Japon, ainsi que dans d'autres pays comme la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, la croissance est pratiquement à l'arrêt.
L'élection de Donald Trump à la présidence a déclenché un boom à Wall Street dans l'espoir que son programme allait offrir une manne aux entreprises américaines.
Cependant, il y a maintenant des signes de fissures dans cette façade qui, de toute façon, n'a jamais reflété la réalité sous-jacente pour la plupart des Américains qui luttent pour joindre les deux bouts.
Les derniers rapports sur l'économie américaine, qui indiquent que le boom annoncé par Trump ne se matérialisera pas, ont provoqué une chute à Wall Street vendredi dernier. L'indice S&P 500 a chuté de 1,7 %, sa plus forte baisse en deux mois, après avoir atteint un niveau record. L'indice NASDAQ, à forte composante technologique, a chuté de 2,2 %, et la baisse s'est poursuivie cette semaine.
Le Financial Times a attribué cette chute à une « série de données économiques sombres » montrant que « le sentiment des consommateurs et des entreprises s'est refroidi un mois après le début de la présidence de Donald Trump ».
Les données les plus significatives étaient contenues dans le rapport de S&P Global sur son indice des directeurs d'achat (PMI) qui mesure les commandes et les attentes des entreprises.
Le rapport indique ce qui suit : « La croissance de l'activité commerciale américaine a failli s'arrêter en février [...] car une nouvelle baisse de la production de services a compensé l'accélération de la croissance de l'industrie manufacturière [...] »
« La croissance des nouvelles commandes s'est également fortement ralentie et les prévisions des entreprises pour l'année se sont effondrées sur fond d'inquiétudes et d'incertitudes croissantes liées aux politiques du gouvernement fédéral. Le redressement de l'industrie manufacturière a également été en partie lié à l'anticipation des droits de douane, ce qui laisse présager une hausse purement temporaire. »
L'indice PMI global est tombé à 50,4 en février, contre 52,7 en janvier. Le niveau de 50 marque la limite entre l'expansion et la contraction. L'indice a ainsi atteint son niveau le plus bas en 17 mois, « signalant une quasi-stagnation de l'activité commerciale ».
Trump a affirmé que sa guerre tarifaire allait apporter la richesse à l'économie américaine. Ce n'est pas le sentiment d'une grande partie des entreprises.
L'industrie manufacturière a signalé la « plus forte augmentation des coûts, les prix des matières premières affichant la plus forte hausse mensuelle depuis octobre 2022, les directeurs d'achat attribuant cette augmentation en grande majorité aux tarifs douaniers et aux hausses de prix connexes imposées par les fournisseurs ».
La production du secteur des services a diminué pour la première fois en 25 mois, après une expansion rapide à la fin de l'année dernière. Il semble que, contrairement à l'euphorie qui régnait dans certains milieux d'affaires après l'élection, la réalité de la présidence Trump soit en train de s'imposer.
Selon le rapport de S&P : « Les prestataires de services ont lié le ralentissement de l'activité et la détérioration de la croissance des nouvelles commandes à l'incertitude politique, notamment en ce qui concerne les réductions des dépenses fédérales et les impacts potentiels sur la croissance économique et les perspectives d'inflation. »
Chris Williamson, économiste en chef chez S&P Global Marketing Intelligence, a commenté ces données : « L'optimisme qui régnait parmi les entreprises américaines au début de l'année s'est évaporé, remplacé par une image de plus en plus sombre d'incertitude accrue, de ralentissement de l'activité commerciale et d'augmentation des prix.
« L'optimisme à l'égard de l'année à venir s'est effondré, passant d'un sommet de près de trois ans au début de l'année à l'un des niveaux les plus sombres depuis la pandémie. »
Deux des principaux sujets de préoccupation sont les hausses tarifaires et leur impact sur l'inflation, ainsi que les réductions des dépenses fédérales entraînant des licenciements collectifs. Le DOGE officieux du fasciste Elon Musk est en train de passer à la tronçonneuse les services gouvernementaux qui fournissent des services vitaux à des dizaines de millions de personnes.
Torsten Slok, économiste en chef de la société de gestion mondiale Apollo, a estimé que les coupes budgétaires du DOGE pourraient, dans un premier temps, mettre jusqu'à un million de personnes au chômage. Il en résulterait une augmentation de 15 % du taux de chômage, ce qui aurait des conséquences sur « les taux d'intérêt, les actions et le crédit » et pèserait sur la croissance économique.
C'est ce que confirment les chiffres rapportés le mois dernier dans un article de l'économiste Tej Parikh pour le Financial Times.
Il note que les dépenses publiques ont joué un « rôle sous-estimé dans le soutien de la croissance post-pandémique américaine ». Les transferts publics représentent plus d'un quart du revenu des résidents dans plus de 50 % des comtés américains.
« Depuis le début de l'année 2003, le gouvernement a créé plus d'emplois que les secteurs dynamiques combinés tels que la technologie, la finance, la construction et l'industrie », écrit-il. Sur les 256 000 emplois créés en décembre dernier, plus de 100 000 proviennent de l'aide sociale et du gouvernement.
Parikh a disséqué les affirmations souvent entendues selon lesquelles l'exceptionnalisme américain repose sur la « solidité » du marché américain de la consommation et de l'emploi. Il a fait remarquer que les dépenses de santé représentent la plus grande part des dépenses de services des ménages. Plus de 40 % des nouveaux emplois créés dans le secteur privé depuis le début de l'année 2023 l'ont été dans le domaine de la santé, les plus grandes industries américaines en termes de revenus étant les hôpitaux, les grossistes en médicaments et les assureurs médicaux.
« En d'autres termes, écrit-il, une part importante de l'économie américaine en plein essor est générée par la maladie. »
En ce qui concerne les autres domaines de dépenses de consommation, les recherches de la Fed ont montré que « les ménages à hauts revenus ont alimenté les dépenses de détail post-pandémiques ».
Une analyse réalisée par Moody's Analytics, basée sur les données de la Réserve fédérale, et rapportée dans un article du Wall Street Journal en début de semaine, a mis en évidence l'ampleur de ce phénomène.
« Les 10 % de personnes les mieux rémunérées – les ménages qui gagnent environ 250 000 dollars par an ou plus – dépensent sans compter, des vacances aux sacs à main de marque, soutenus par des gains importants dans les actions, l'immobilier et d'autres actifs », peut-on lire dans l'article.
Ces consommateurs représentent désormais 49,7 % de l'ensemble des dépenses, soit près d'un tiers du produit intérieur brut. Les plus hauts revenus ont augmenté leurs dépenses de 12 % entre septembre 2023 et le même mois de l'année dernière, tandis que les dépenses des autres ont chuté au cours de la même période.
Au cours des quatre dernières années, les 10 % les mieux rémunérés ont augmenté leurs dépenses de 58 %, tandis que les 80 % les moins bien rémunérés ont augmenté leurs dépenses de 25 %, soit un peu plus que le niveau officiel d'inflation de 21 % sur la même période.
Il convient de noter que la situation réelle des personnes aux revenus les plus faibles est probablement pire que ce qu'indiquent ces chiffres. En effet, plus on descend dans l'échelle des revenus, plus la proportion des dépenses consacrées aux produits de première nécessité, qui ont connu certaines des plus fortes hausses de prix, est élevée.
Trump a pu remporter l'élection de novembre en s'appuyant sur une rhétorique trompeuse selon laquelle il allait faire à nouveau « exploser » l'économie. Il a tiré profit de la baisse des salaires et du niveau de vie imposée par les démocrates, alors que l'inflation atteignait les niveaux les plus élevés depuis quarante ans.
Un peu plus d'un mois après son investiture, les tendances sous-jacentes de l'économie américaine remontent à la surface, accompagnées de la réponse de l'oligarchie que Trump représente, qui consiste à déclarer la guerre à la classe ouvrière.
(Article paru en anglais le 26 février 2025)